Article proposé par Exponaute

Henry Moore à Landerneau, une exposition-paysage

Par

Publié le , mis à jour le
Au nord-ouest de Londres, à Perry Green, il y a un cottage, de grands ateliers et des sculptures monumentales sur des plages vertes rigoureusement tondues par les moutons. C’est la Henry Moore Foundation, qui a posé quelques parts de son paysage en Bretagne : les sculptures d’Henry Moore (1898–1986) imposent leur panorama au Fonds Hélène et Édouard Leclerc pour la Culture (FHEL).

Large Reclining Figure, 1964, Henry Moore, Bord de l’Elorn. Reproduit avec l’autorisation de la Henry Moore Foundation – Photo N. Savale © FHEL, 2018

Le grand ouvrage

Landerneau, près de Brest, a planté une arche devant sa mairie et couché sur les bords de l’Élorn une longue figure blanche. La grande halle des Capucins du FHEL accueille la suite : la rétrospective – rare en France – de l’œuvre d’Henry Moore.

Les cimaises sont colorées comme l’artiste peignait les murs de ses ateliers pour y projeter l’effet de ses sculptures. Des écrans qui révèlent l’ampleur du paysage métamorphique de Moore !

Dans l’espace selon le sculpteur, les formes abstraites et les figures allongées cohabitent. Le corps humain offre autant d’angles que de perspectives.

Déjà sur les premiers dessins de Moore, la femme monumentale, couleur ardoise, est un monument asymétrique. Déjà en ronde-bosse dans les années 1930, l’artiste applique aux corps l’abstraction singulière que lui inspirent les formes naturelles et millénaires.

Dix ans plus tard, à Perry Green, il multiplie les maquettes et esquisses. Ses rois et reines ont les formes d’antiques figures étrusques. D’autres silhouettes semblent des vestiges et des fossiles longtemps enfouis sous la terre. D’autres encore semblent de petites idoles cycladiques. C’est qu’Henry Moore travaille avec des bouts d’os, des coquillages, passe de la pierre au bois avant que le plâtre ne lui révèle sa plasticité. Il voit la Grèce, l’abstraction, le surréalisme, les arts extra-occidentaux… il part de tout cela, ne se restreint jamais à l’un, à l’autre, mais tire sur ces visions l’horizon, la verticale, les humains paysages.

Figure, 1933–34, pierre de Corsehill, Collection privée – Photo Henry Moore archive

La figure dans la pierre

C’est sur la pierre de Corsehill que le sculpteur perce la masse pour la première fois. La sculpture a la forme de sa matière, d’un galet irisé et aussi cerné que du bois. Mais elle a des protubérances douces, des airs de chair et semble de certains angles tendre les bras…  A-t-on jamais vu pareille matière exposée en œuvre sculptée sous un cube de verre ? A-t-on jamais vu une telle essence de paysage devenir croissance humaine ?

L’échelle et la nature de la première idée, Henry Moore les adapte à son ouvrage et réalise la prouesse de les transposer par la force de sa facture.

Le grandiose Chac-Mool du Mexique, couché sur le dos, s’appuie sur ses coudes et replie ses jambes. Sa tête est tournée vers le côté. Henry Moore l’allonge, bientôt le perce et retient ses lignes pour en faire sa Reclining Figure déclinée tout le temps, sur tout écran.

En face, les dynamiques Stringed Figures semblent en quelques ficelles mettre le vide au diapason de l’or. Henry Moore éprouve toutes les tensions et les dimensions de l’espace.

Quand il se souvient du site néolithique de Stonehenge, il cherche à l’encre noire ces pierres découvertes dans la nuit comme on voit des falaises pour la première fois. En 1972 et 1973, il multiplie les sérigraphies. Il en sculpte aussi de grandes arches aux pans abîmés. Ces roches fouettées nous surplombent, s’imposent à l’espace comme les hommages aux éléments d’Eduardo Chillida.

Vue de l’expo Henry Moore. Reproduit avec l’autorisation de la Henry Moore Foundation – Photo N. Savale © FHEL 2018

Tous profils

Henry Moore creuse aussi ses sujets à fond. Entre 1940 et 1941, il documente la vie dans les stations de métro transformées en abris de fortune par les Londoniens lors des raids aériens qui bombardent la ville.  Ses tunnels au pastel et à l’aquarelle semblent des tubes béants où se collent en files des chrysalides. Et même quand ses êtres ne sont pas des « figures » mais qualifiés par exemple de « prisonniers », ils semblent des formes. Des formes vitales encagées entre les extensions de leurs propres corps et les barbelés. Comme le casque en bronze qui résume en écho, plein et vide, le bâillon et l’asphyxie.

Lorsqu’il figure la mère à l’enfant, Henry Moore sculpte aussi deux versants. Il y a le motif heureux de cocon, d’inclusion. Mais les formes peuvent se décoller et donner au couple des allures diaboliques, alors la forme lovée grimpe le ventre, sort les crocs et dévore le sein. La dépendance organique rompt l’équilibre.

Et même la forme fixe, cette figure couchée, a des profils nouveaux jusqu’à la fin. Jusqu’en 1980, Henry Moore bombe son thorax, allonge son ossature. Et le corps avec son épaule qui fait saillie se tire au loin, trace sa ligne de fuite sur un vert de plein air…

Cet écran final a été peint par deux artistes contemporains, Blaise Parmentier et Guillaume Pellay. Il faut s’en approcher. Il n’est pas uni, il glisse encore, et rappelle les peintures de Morris Louis qui captent la lumière au musée de l’Orangerie.

Pour confirmation dernière, les mots d’Henry Moore disent sur un mur de son paysage : « La sculpture est un art de plein air. La lumière du jour, celle du soleil lui est nécessaire, et pour moi, le meilleur environnement et complément de celle-ci est la nature. »

Stonehenge III, lithographie en trois couleurs, 1973 – Photo Henry Moore archive

Vous aimerez aussi

Carnets d’exposition, hors-série, catalogues, albums, encyclopédies, anthologies, monographies d’artistes, beaux livres...

Visiter la boutique
Visiter la boutique

À lire aussi