Article proposé par Exponaute

L’Atlas des Nuages, l’exposition céleste de l’été

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Publié le , mis à jour le
À la Fondation François Schneider de Wattwiller, l’eau, thème privilégié par son fondateur, s’expose sous tous ses états. Cette année, c’est dans les nuages que les étoiles montantes de l’art contemporain laissent libre cours à leur imaginaire exalté. Que ce soit à travers le blanc cumulus impressionniste, la grise brume voilée ou encore le menaçant nuage d’orage, le paysage change d’humeur comme il change de créateur !

Vue de l’exposition Atlas des Nuages à la Fondation Schneider © Exponaute

Inventorier les formes fugaces

« J’aime les nuages… les merveilleux nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages… » Baudelaire, Petits poèmes en prose, 1869. Quel prodigieux outil poétique et onirique que ces amas de particules d’eau en suspension dans l’air ! Boules de coton inatteignables et troupeaux de moutons blancs sont autant de représentations qui nous traversent depuis l’enfance. Alors pour y voir plus clair, des chercheurs ont élaboré un Atlas international des nuages. Paru en 1896, l’ouvrage recense les différents types de ces tâches qui peuplent les cieux et fascinent depuis la nuit des temps.

Sophie Zénon, Le ciel de ma mémoire, 2014 © Exponaute

L’illustratrice Julie Guillem s’invite en dessin dans cette nomenclature céleste qu’est l’Atlas. Douze planches au fusain reprennent en valeurs de gris les paysages qui là-haut, défilent dans une belle anormalité. Pour la photographe Sophie Zénon, le ciel de Mongolie se constitue d’oracles prononcés par Tengri, le Ciel Bleu Eternel. Ses polaroïds répertorient des paroles divines à la manière d’un scientifique. Les légendes recensent le lieu, la date, l’heure et la température. C’est la lumière sacrée qui intervient au cœur du quotidien, c’est le gouffre formé par la foule de nuages qui se creuse, c’est l’aigle des steppes qui déploient ses ailes blanches.

Ecrire une poésie de l’intangible

Monumental nuage d’ampoules, l’œuvre de Caitlind R.C Brown et Wayne Garrett surprend de poésie. De loin, les fils reliés aux ampoules apparaissent en pluie fine tombant directement du nuage. Tout rappelle à l’enfance. La forme de courbes définies, la pluie sous le cumulus, et surtout l’appel à tirer sur les fils pour allumer la joie de ce qui peut vite tourner à la grisaille. Cependant, on aurait pu se passer du pied et du socle pour éviter l’impression d’arbre qu’ils suscitent.

Caitlind R.C Brown et Wayne Garrett, Cloud, 2012 © Exponaute

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits.

Baudelaire, Spleen, 1857

En s’enfonçant dans le parcours, le visiteur descend de son nuage pour des desseins plus obscurs. Dans un sombre renfoncement, Hicham Berrada propose une angoissante vidéo. D’une fenêtre ouverte sur la nature, c’est un nuage de fumée qui déferle et avance, se propage doucement vers l’intérieur sans ne jamais l’atteindre. Lorsqu’elle touche le sol, la nuée ardente se teinte d’un bleu profond. Dans les airs, elle se noie presque avec la couleur du ciel. Tout d’un coup, le nuage fulmine, se colore, sort de l’azur pour se mouvoir dangereusement vers la terre et nous submerger. Mais de quoi ? Un gaz neurotoxique ? Inquiétant le cumulus qui ne saurait appartenir au zénith…

Plus bas encore, la scénographe plasticienne Emilie Faïf confère au nuage des propriétés organiques. Sa structure à la surface blanche alvéolaire a définitivement quitté la troposphère pour s’installer à terre. Mais à nos pieds elle semble respirer, habitée par un cœur en palpitation. Stupéfiant.

Circuler à bicyclette, le nuage sur la tête

Emilie Faïf, Nuage, 2016 © Steeve Constanty

Dernière œuvre exposée, le stop motion satirique Falling Cloud dans lequel le plasticien vietnamien Hoang Duong Cam s’est mis en scène tournant en rond sur une bicyclette, un nuage accroché sur la tête. On pense au cycle de l’eau bien sûr, mais aussi à l’infini cercle de la vie. Nos sueurs, nos larmes et nos promesses qui nous poursuivent au-dessus de nos têtes pour finir par retomber en trombe d’eau. Et puis la pollution générée par le trafic et les embouteillages. Pour Hoang Duong Cam, le cumulus accroché au crâne se moque habilement du port de casque imposé par le gouvernement vietnamien et qui pour l’heure, n’a jamais été respecté.

À la fin tous ces nuages aux formes fantastiques et lumineuses, ces ténèbres chaotiques, ces immensités vertes et roses, suspendues et ajoutées les unes aux autres, ces fournaises béantes, ces firmaments de satin noir ou violet, fripé, roulé, ou déchiré, ces horizons en deuil ou ruisselants de métal fondu, toutes ces profondeurs, toutes ces splendeurs, me montèrent au cerveau comme une boisson capiteuse ou comme l’éloquence de l’opium. Baudelaire, Salon de 1859. Espérons que l’exposition vous procurera le même effet, le temps d’une promenade ensoleillée dans l’enceinte de la resplendissante Fondation Schneider.

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