Article proposé par Exponaute
Le 20 octobre 2018, la Piscine de Roubaix ouvrira ses portes après 18 mois de travaux et six mois de fermeture. Sa saison inaugurale réunira les œuvres de Pablo Picasso, Hervé di Rosa et Alberto Giacometti. Elle révélera aussi plus de 2 000 mètres carrés supplémentaires. L’extension prolonge une muséographie magistrale pour la sculpture. Il fallait trouver l’équilibre sous un jour plus clair.
Parmi les lieux qui retranscrivent le plus fidèlement l’atmosphère de la création sculptée, qui naît de l’ouvrage physique, que l’on expose en file de créatures dans son enclos originel ou au Salon annuel : l’atelier du sculpteur au musée Bourdelle à Paris et la galerie des plâtres du musée Rodin à Meudon. Nombre de musées ont perdu ces longues allées de sculptures XIXe siècle, que les galeries nationales du Grand Palais exposaient enfin, et ce faisant sauvaient, en 1986.
Depuis, la muséographie a modernisé cela. Le musée Rodin à Paris a le charme d’un hôtel particulier qui propose un parcours de visite chronologique et thématique. Au musée Zadkine – logé dans l’atelier du sculpteur éponyme – les socles et les banquettes empruntent aux murs blancs leur dimension architectonique.
Mais il est un musée qui conjugue de manière inédite la scénographie historique des sculptures à l’attrait singulier de son lieu. Rue de l’Espérance à Roubaix, l’ancienne piscine municipale conçue sur un plan d’abbaye cistercienne est soudée à l’ancien tissage Hannart-Prouvost. Un assemblage alambiqué pour un musée.
Ouvert depuis 2001, La Piscine expose céramiques, arts décoratifs et textiles dans ses anciennes cabines de douche. Des peintures XIXe et XXe siècles jusque dans les ailes des anciens bains et bien sûr des sculptures, et lesquelles ! Des silhouettes formées par Rodin, Carpeaux, Claudel, Bourdelle ou Picasso, bordent une longue nappe d’eau.
Ce rappel majestueux du grand bassin faisait partie du projet de Jean-Paul Philippon lorsqu’il a rénové la Piscine en musée. 15 ans plus tard, le même architecte a été choisi pour agrandir ce lieu sans lutter contre le bâtiment existant.
À la piscine Art Déco Jean-Paul Philippon a notamment greffé une grande aile neuve. Cette extension continue la ligne du bassin pour exposer des sculptures sous une fenêtre plus claire que la belle rosace solaire.
Au-dessus de Chana Orloff, de Marino Marini et de nos têtes, une verrière courante laisse passer la lumière du ciel blanc. Eclairage zénithal, voûte en polycarbonate. Pour se dégrader, cette ambiance luminaire naturelle n’a que deux bornes, le blanc et le gris foncé. Il n’y aura qu’un métal disruptif : la feuille d’or sur les vitrines. Car le décor lui non plus ne doit pas lutter contre les œuvres.
Cette galerie si limpide devrait révéler les plus insensibles épidermes. C’est tout l’apport précis d’une extension contemporaine, qui par une grâce très froide s’accorde à une première mise en scène magistrale.
On traversera donc bientôt les temps de la muséographie pour la sculpture au sein d’un lieu fluide et transparent.
Cette architecture de l’extension nie le cloisonnement. D’une extrémité de la nouvelle aile on pourra apercevoir le bassin par un carré de verre. Tout à l’autre bout, de derrière la baie on verra le Centaure mourant et tendu de Bourdelle.
Rue des champs, contre la façade rose historique de la piscine est déjà collée la galerie consacrée au Groupe de Roubaix, qui ouvrit le Nord-Pas-de-Calais à l’art contemporain durant les Trente glorieuses. Un vestige de mur de briques fait une étrange jonction entre l’entrée et cette extension qui de l’extérieur est une vitrine d’exposition !
Autre cube, autrement transparent, l’atelier du sculpteur académique Henri Bouchard (1875–1960). Exceptionnel car complet, intact et vivant, il témoigne des grands ateliers parisiens de la première moitié du XXe siècle. Derrière la porte d’entrée, les sculptures de terre et de plâtre montent jusqu’à la verrière inclinée. Les étagères, les escabeaux et les outils, la haute planche à clous qui maintenait les glaises, tout est là, replacé à niveaux identiques.
Dans les années 1990, les descendants de l’artiste avaient proposé cet atelier à la Ville de Paris, qui l’avait refusé. Sur proposition de l’Institut national d’histoire de l’art, l’héritage s’est donc inscrit dans le projet d’extension de la Piscine de Roubaix. Bruno Gaudichon, qui dirige le musée, précise que la transparence sera de mise.
La place de Bouchard dans l’histoire de la sculpture moderne sera expliquée, « y compris sa participation à la collaboration culturelle pendant l’occupation allemande ». Comme Derain, Vlaminck ou Despiau, le sculpteur fait le voyage en Allemagne en novembre 1941. De retour en France, il décrit les conditions de vie « féérique[s] » des artistes observées là-bas…
Le musée précise que « si elle a suscité une émotion, cette entrée permet […] d’appréhender toutes les questions que pose précisément la sculpture dans son siècle ». La portée évidemment didactique de cet héritage rare sera donc envisagée dans une perspective historique. Il s’agira de montrer aujourd’hui comment « un état d’errance peut mener à vendre l’inacceptable ».
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