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Autour du Panthéon, la chasse aux portraits est ouverte !

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Publié le , mis à jour le

Dans le cadre de la saison culturelle « Sur les murs, histoire(s) de graffitis », le Centre des monuments nationaux (CMN) invite le graffeur C215 à célébrer les grands hommes de la patrie reconnaissante lors du parcours « Illustres ! C215 autour du Panthéon ». En écho aux anciens graffitis inscrits sur les murs solennels du monument, les portraits graffés de 28 personnalités panthéonisées investissent le mobilier urbain des rues avoisinantes. Au détour d’une ruelle, sur une façade en briques ou sur le côté d’une boîte aux lettres, les fantômes du passé resurgissent en couleurs !

Pierre Brossolette, C215

La voix du capitaine inconnu qui nous sauve toujours cria

Pour Christian Guémy alias C215, la satisfaction est immense. Rien n’est à vendre, tout est éphémère. Mais c’est l’histoire qui côtoie le présent, la vie qui glorifie la mort et les valeurs du Panthéon qui l’emportent, celles du mérite et du talent qui se moquent des castes et des différences. L’afro-antillais Alexandre Dumas, l’esclave affranchi Toussaint-Louverture, …

Dans la crypte du Panthéon, C215 expose son processus de création et son amour pour le pochoir, à mi-chemin entre pratique plastique et effet graphique. Durant sa jeunesse, la technique sortait des sentiers battus en proposant un graphisme détaillé. Les ponts, ces pleins laissés pour la tenue du support lors de la découpe étaient alors dépréciés. Dans un souci de rapidité, exigence du graffeur en pleine illégalité, Christian Guémy décide de jouer avec ses ponts qui lui permettent de faire vite, et façonne les portraits en travaillant la ligne comme une écriture personnelle.

Berty Albrecht, C215

Son plan de travail prend ensuite place sous nos yeux accompagné de ses inspirations. Sur son bureau, une lampe pour rester éveiller le soir devant ses découpes de pochoir qu’il effectue minutieusement au scalpel et sa télécommande, pour visionner les documentaires sur Arte. Graffeur intellectuel, C215 expose son amour pour le génie Victor Hugo, le paradoxal Guillaume Apollinaire et l’affranchi Antoine de Saint-Exupéry. Sous vitrine, il peint le portrait de Hugo sur la couverture d’une édition Hachette des Contemplations diffusée en 1872. Plus loin, c’est la couverture de Terre des hommes de St Exupéry qui est prise d’assaut par l’artiste. À côté, sur une lettre de l’écrivain figuraient ses mots en biais : « Je proteste contre ces lignes horizontales qui atteignent à ma liberté ».

Il est grand temps de rallumer les étoiles

Et c’est ce que le capitaine rédempteur C215 réalise pour un temps du moins, le temps que l’extérieur voudra bien lui accorder. Quelques étoiles ont désormais des visages qui se retrouvent sur le mobilier urbain comme une vingtaine de météorites propulsées sur le sol terrestre. Par-ci, par-là, la chasse aux trésors rend hommage et fait découvrir aux plus jeunes, certaines âmes qui veillent au Panthéon.

Pierre Brossolette ouvre le bal sur une boîte aux lettres située près de la mairie du Ve arrondissement, le regard tourné vers l’avenir et sa patrie qu’il servit dignement au prix de sa vie. Sur la droite du monument, une boite à feux accueille d’un côté le sourire de Voltaire sous les tons bleus-verts et de l’autre le regard sévère de Rousseau cerné de rouge. En face-à-face, Jean Moulin sous les lueurs tricolores dialogue avec André Malraux en référence à son discours hommage énoncé lors de l’entrée du chef de la Résistance au Panthéon en 1964.

Marie Curie, C215

Dans les tons bruns, Marie Curie veille sur son Institut depuis une façade en brique. Le visage, bien plus grand mais moins travaillé « pour que la brique absorbe les ombres et les lumières et que le portrait demeure au moins quelques années » explique l’artiste.

À travers les barreaux, Jean Jaurès apparaît fièrement en noir et blanc dans le renfoncement d’une façade. Rue Soufflot, c’est Victor Hugo paré de rouges et de bruns qui ressort sur une grande boîte à feux. Un emplacement stratégique plus que logique étant donné la proximité des lieux chers à l’écrivain mais volontairement ignorés. Son logement des feuillantines, l’ancien couvent de la rue Lhomond cité dans Les Misérables

Emile Zola assorti d’une phrase de Germinal, le lumineux Louis-Antoine de Bougainville, la peau vérolée de Mirabeau sur un escalier, le flamboyant Jean Zay puis l’œil perçant de Berty Albrecht… Systématiquement, le fond se vaporise, les couleurs éclatent et les lignes se travaillent en dentelle pour faire poindre ces étoiles de la nuit.

« Un graff fait la veille c’est du vandalisme, un graff fait il y a 2 000 ans c’est de l’Histoire. » pense Christian Guémy. Pas tout à fait du vandalisme, loins de s’inscrire pour une durée aussi longue, ses graffitis marquent l’éternelle transgression de l’empreinte humaine à même les murs, et le passage foudroyant de cet homme ou de cette femme sur cette terre. Réflexion à explorer dans huit autres monuments animés par le CMN…

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