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Gaspar de Crayer, entre Rubens et Van Dyck

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Publié le , mis à jour le
Le musée de Flandre à Cassel propose à partir du 30 juin prochain une exposition dédiée à Gaspar de Crayer. Et si ce nom ne vous dit rien, c’est qu’il a été éclipsé par le temps… Ce peintre flamand du XVIIe siècle fut pourtant comparé « à la splendeur picturale de Rubens et à l’extrême distinction de Van Dyck »[1]. Ses œuvres se nichent aussi dans sa dernière ville, Gand. L’occasion de se promener en Flandre, de musée en église…

Jacob Neeffs, d’après Antoine Van Dyck, Portrait de Gaspar de Crayer, Anvers, musée Plantin-Moretus © Musée Plantin-Moretus/Collection Prentenkabinet, Anvers – UNESCO Patrimoine Mondial

Entre Rubens et Van Dyck

Pour lever le voile sur un nom, il faut souvent des repères. C’est ce que fait le musée de Flandre en nommant son exposition « Gaspar de Crayer (Anvers, 1584 – Gand, 1669), Entre Rubens et Van Dyck ». Un peu plus jeune que le premier, de quinze années plus âgé que le second, Gaspar de Crayer intègre en ses pinceaux leurs deux manières.

En son temps, le peintre est tenu en estime par la cour des régents espagnols, maîtres des Pays-Bas méridionaux, tout comme Rubens, Van Dyck, Jordaens. Il représente comme eux la crème de la peinture baroque flamande.

Mais s’il est un peintre à succès qui réalise portraits de notables et grands retables d’églises, et si le musée de Flandre lui consacre sa première exposition monographique, c’est qu’il y a des essences de majesté distinctes en son art.

Au fil d’une cinquantaine de peintures, dessins et gravures venus du Prado (Madrid), du Metropolitan Museum (New York) ou encore du Kunsthistorisches Museum (Vienne), on pourra le constater.

Gaspar de Crayer, Le Martyre de saint Catherine, Grenoble, musée des Beaux-Arts © Ville de Grenoble / Musée de Grenoble – J-L. Lacroix

Ainsi parmi les grands formats religieux peints par Gaspar de Crayer – qui a grandi dans l’atmosphère de la Contre-Réforme – Le Martyre de sainte Catherine (vers 1622) se démarque. Les personnages monumentaux, le cheval, les couleurs qui se contrastent mais ne se juxtaposent pas, l’équilibre diagonal de la composition dénotent l’influence de Rubens, qui s’explique probablement par la présence à Bruxelles d’œuvres rubéniennes. Dans les années 1620, De Crayer devient fidèle de Rubens, qui lui donne même sûrement accès à son atelier. Mais il y a dans ce Martyre chargé un calme froid, une retenue sculpturale et un lien entre les personnages – par les gestes et les regards – qui le distinguent du Martyre de sainte Catherine peint par Rubens pour l’église de Sainte-Catherine de Lille.

Lentement, la transition se fait vers le style de Van Dyck… On pourra la suivre, quitter l’envolée rubénienne pour embrasser du regard les portraits en pied signés De Crayer. En 1627, Van Dyck est revenu d’Italie. Et Gaspar de Crayer réalise deux grands portraits officiels de Philippe IV, roi d’Espagne. Pour la première fois, on pourra admirer ces deux peintures du Metropolitan Museum de New York et du Palacio de Viana de Madrid réunies.

La science délicate du portrait de Van Dyck se perçoit dans la manière de Gaspar de Crayer. La description de l’armure en acier niellé et repoussé est minutieuse. La pose et la mise du roi témoignent encore du regard du peintre vers Velázquez, mais aussi Titien, Véronèse, les Italiens.

Le peintre fige les couleurs et donne une homogénéité presque glacée à ces portraits. Il y a en revanche dans quelques portraits de la noblesse – comme celui d’une dame à la grande fraise, les joues délicatement rosées, le regard brillant – une pointe psychologisante et très émouvante qui vient équilibrer l’orgueil du rang. Un consensus se fait avec le modèle. Et avec cet attrait, cet affect, Gaspar de Crayer participe à renouveler la tradition du portrait de cour.

Gaspar de Crayer, Portrait de Philippe IV d’Espagne en armure de parade, New-York, The Metropolitan museum of Art, Bequest of Helen Hay Whitney © New York, The Metropolitan museum of Art

Dans les églises de Gand

Pour cette exposition, le musée des Beaux-Arts de Gand (MSK Gent) prête trois tableaux et des dessins du peintre au musée de Flandre. Il offre aussi en ses murs l’espace aux plus grandes toiles du maître, soulignant le lien qui unit Gaspar de Crayer à Gand, où le peintre vécut de 1664 à la fin de sa vie.

Outre les peintures exposées dans le forum du musée, l’art de De Crayer forme un circuit dans la ville. L’occasion de cheminer des églises gantoises à l’hôtel de ville.

Dans l’église Saint-Jacques, romane puis gothique, les peintures combinent les styles. Trois oeuvres de Gaspar de Crayer sont visibles dans les chapelles. De l’iconographie trinitaire du rachat de captifs à celle de l’intercession de la Vierge, le style change. On peut déceler des détails plus italianisants, une palette plus claire, moins rubénienne. Dans l’hôtel de Ville, on admire la touche satinée qui dépeint le couronnement de Charles Quint. Et dans la cathédrale Saint-Bavon, après la superbe Adoration de l’Agneau Mystique des frères Van Eyck, on peut contempler au creux d’une chapelle, un décor signé De Crayer.

Gaspar de Crayer, le peintre qui réalisa en 1635 la Joyeuse entrée pour Gand sur la commande du cardinal-infant Ferdinand dont il fut l’illustre peintre de cour… est à présent illustré à Cassel, et toujours à Gand.

Gaspar de Crayer, Sainte Marie-Madeleine renonçant aux vanités du monde, Anvers, Fondation Phoebus  © The Phoebus Foundation

[1] Cornelis de Bie

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