Article proposé par Exponaute

L’Union des Artistes Modernes, rétrospective au Centre Pompidou

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Publié le , mis à jour le

Jusqu’au 27 août, le Centre Pompidou retrace 60 années d’une création française privilégiant l’utile et l’abordable. Après Frantz Jourdain, les coloristes puis les rationalistes, l’Union des Artistes Modernes prolonge l’esprit transdisciplinaire « pour doter l’homme moderne d’un cadre raisonnable ». Francis Jourdain, Le Corbusier, Sonia Delaunay, Robert Mallet-Stevens, Auguste Perret. Tant d’illustres noms sont mis à l’honneur pour saisir la dynamique d’un nouvel art de vivre français au XXe siècle. 

Vue de l’exposition « UAM, Une Aventure Moderne » au Centre Pompidou © Exponaute

Alors que l’impressionnisme livre encore ses derniers éclats, architectes et décorateurs se rassemblent pour penser fonctionnalité et économie de moyen. La maison devient le lieu d’expérimentations où l’art décoratif suit de près les grands mouvements artistiques. Dans une cellule de début de parcours, des assiettes peintes par Vuillard côtoient des meubles de Van de Velde et des papiers peints de Sauvage.

En 1903, le Salon d’Automne occasionné par Frantz Jourdain introduit l’architecture et la décoration d’intérieur parmi la peinture. Deux ans plus tard, le fauvisme envahit le salon, accompagné de décors floraux hautement ornementaux. La couleur se libère, les motifs fascinent. André Derain orne un pot, de Vlaminck un vase.

Dès 1912, Paul Poiret ouvre l’Atelier Martine dans lequel les femmes s’adonnent librement à la création originale de sujets floraux que le créateur édite par la suite. Quelques exemples témoignent du raffinement de ces créatrices en herbe. Puis, Henri Matisse sature ses intérieurs de motifs végétaux.

Retour à l’architecture rue Franklin avec Auguste Perret et le premier bâtiment français moderne entièrement réalisé en béton. Le céramiste Alexandre Bigot y intègre toutefois des arabesques détaillées.

Francis Jourdain, Mobilier pour Georges Besson, vers 1911 © Exponaute

Après les coloristes, les rationalistes interviennent dans un intérieur pratique, sobre, aux formes géométriques épurées. En chef de file, Francis Jourdain, fils de Frantz Jourdain, poursuit la quête d’un art de vivre moderne et d’une communauté d’artistes soudée. Guidé par le modèle du Deutscher Werkbund, il tente de se lier davantage aux entreprises industrielles et met au point ses « meubles interchangeables » fabriqués en série. À Paris, il rencontre Le Corbusier et se retrouve dans ses visions modernes. De sommaires croquis indiquent le prodigieux savoir-faire de l’architecte suisse en matière de représentation.

Dans les années 20, les architectes designers peuvent enfin concrétiser leurs projets rêvés grâce au cinéma. Robert Mallet-Stevens s’y consacre pleinement dans l’idée de s’étendre à un art total où décors, mobilier et architecture se lient de manière inextricable. Dans l’Inhumaine, film réalisé en 1923 par Marcel L’Herbier, il fait appel à son ami et peintre Fernand Léger, au créateur de mobilier Pierre Chareau et au tapissier Jean Lurçat. Ce dernier dessine le carton pour le fauteuil et le canapé visibles en milieu de parcours et dessinés par Chareau. Les couleurs chaudes habillent le textile enveloppant. Au fond, le sublime lampadaire La religieuse réveille la dimension cinématographique de l’ameublement choisi en écho à l’imposante voiture de course présidant la salle. Au passage, admirez le merveilleux dessin du pavillon pour l’exposition des arts décoratifs de 1925 réalisé au fusain et à la gouache par Mallet-Stevens, ainsi que la vitrine consacrée à Sonia Delaunay comprenant textile, reliure et coffret colorés.

Davantage une coopérative qu’une école ou un mouvement, l’Union des Artistes Modernes naît en 1929 de ces formes de collaboration informelle enclenchées dans les années 20. On y retrouve aussi Jean Prouvé, Charlotte Perriand ou encore Eileen Gray. Tous les arts y sont représentés, du vitrail au textile en passant par la joaillerie ou l’électricité.

Francis Jourdain, Living-room, publié dans Répertoire du goût moderne, vol. 1, 1928, Paris, Albert Lévy, pl. 20, Centre Pompidou, Mnam-CCI, Paris, Bibliothèque Kandinsky © Centre Pompidou, MNAM-CCI Bibliothèque Kandinsky / Dist. RMN-GP © Adagp, Paris, 2018

De 1930 à 1933, quatre salons se succèdent et portent un souffle nouveau dans l’art de vivre français. Dans ce grand espace dédié à la richesse et à la diversité des créations de l’U.A.M, un plateau central accueille le fauteuil Grand Confort de Le Corbusier et un bureau de Djo-Bourgeois. Autour, de captivantes mises en couleur valorisent les aménagements intérieurs. Sous vitrine, d’étonnantes reliures de Rose Adler complètent la variété de champs d’action du réseau. En face à face, une ribambelle de fauteuils et une vitrine de luminaires se confrontent.

Après l’âge d’or des graphistes et affichistes, les villas et grandes constructions façonnent l’architecture française du XXe siècle. L’hôtel Latitude 43 de Pingusson et la Cité du refuge de Le Corbusier sont mis en valeur, ainsi que la maison de verre de Chareau et la Villa Cavrois de Mallet-Stevens. Parmi ces projets, la coiffeuse en verre et métal de Pierre Barbe s’expose comme un superbe manifeste de modernité.

Mais en 1932, la crise économique provoque l’arrêt des commandes et les artistes ne parviennent plus à financer les salons. Ils se tournent donc vers les entreprises industrielles, à l’instar du modèle allemand. Un grand diaporama accompagné de chaises et fauteuils dévoile deux commandes majeures auxquelles les membres de l’U.A.M répondirent brillamment : l’aménagement de cabines de paquebot et le design de meubles scolaires. En réponse, les pensées se théorisent et se développent autour de la lumière, des rangements, de l’hygiène et de l’ergonomie.

Jean Prouvé, Chaise tout bois démontable, 1947 © Exponaute

En 1937, l’Exposition universelle prend place à Paris sous le régime du Front populaire. Grâce à leur engagement dans des mouvements antifascistes ou au parti communiste, les Modernes participent à l’événement et dessinent même les plans de leur pavillon. Contemplez la maquette ainsi que l’évolution des dessins d’architecture jusqu’au projet final. Autre maquette inédite, celle du pavillon Saint-Gobain entièrement vitré. Mais bientôt, une porte-fenêtre en métal de Jean Prouvé marque une scission.

Le déclenchement de la Seconde guerre mondiale interrompt toute activité et s’achève en laissant les esprits marqués par une destruction architecturale massive. Dans le climat de reconstruction ambiant, l’habitat d’urgence se place au cœur des préoccupations. Une baraque de sinistrés pour la Lorraine dessinée par Prouvé s’élève sous nos yeux à échelle réelle. Sa chaise en bois démontable est également présentée de plein pied et décomposée au sol, pour en saisir l’incroyable facilité d’assemblage.

À la fin des années 40, l’U.A.M présente l’exposition « Formes utiles. Objets de notre temps » au Pavillon de Marsan. À cette occasion, une mosaïque de Sonia Delaunay, un mobile de Calder ainsi qu’une toile de Miró révèlent une nouvelle vague de nouveautés. Au fond de cette dernière salle s’imbriquent de petits objets du quotidien de la marque Moulinex. « L’UAM propose une rationalisation de l’équipement de nos maisons pour alléger les tâches ménagères de la femme, une organisation du logis qui dépasse considérablement les buts purement artistiques adoptés à cette époque et qui répond à ce propos : un bel outil est un outil efficace » (Manifeste 1949). Dans cette lignée, le Salon des arts ménagers offre à l’U.A.M la possibilité de présenter chaque année une sélection de produits de l’industrie française. Mais en 1958, déchiré par la volonté d’indépendance de certains membres dédiés à cette activité, l’U.A.M se disloque.

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