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À Toulouse, la Renaissance prend vie

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Publié le , mis à jour le

C’est une véritable exploration de la Renaissance que nous propose l’événement Toulouse Renaissance, au Musée des Augustins du 17 mars au 24 septembre 2018 et à la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine pour les enluminures, du 17 mars au 16 juin 2018. Deux musées se complètent en réunissant 130 œuvres variées, de la sculpture à l’enluminure en passant par le vitrail, datées de 1490 à 1620. Et l’enjeu est de taille : c’est la première exposition sur la Renaissance à Toulouse ! À l’aide d’un projet universitaire d’envergure impliquant docteurs et doctorants, l’événement met en lumière la contribution de la ville à l’épanouissement de l’art à cette époque.

Jean Bauduy, Prophètes et Sibylles, 1523 – Musée des Augustins, Toulouse / Photo Daniel Martin

Toulouse et ses environs, foyers artistiques de la Renaissance française

Au musée des beaux-arts de Toulouse, ancien couvent des Augustins, la lumière des vitraux résonne de chaleur et confère aux œuvres une dimension divine. L’accueil magistral débute par les sculptures datées de 1523 de Jean Bauduy, Sibylles et Prophètes. Ces six statues anciennement placées dans le déambulatoire de la basilique Saint-Sernin étonnent par leur expressivité et l’ornementation de leurs habits. La bouche ouverte, elles semblent penchées vers les fidèles pour mieux prêcher la parole de Dieu.

À Auch, la cathédrale Sainte-Marie recèle de trésors. Les vitraux d’Arnaut de Moles peints entre 1509 et 1513 en sont un exemple, tant ils sont admirablement préservés et mis en valeur pour l’exposition. Venue d’Albi, la statue en bois peint Ecce Homo datée du début XVIe est un véritable chef d’œuvre. Le sujet fait référence à Jésus flagellé et couronné d’épines, les mains liées et le visage endolori, présenté à la foule par Pilate qui s’écrie « Ecce homo », « Voici l’homme ». On est terrassé par le regard souffrant mais serein, le réalisme anatomique avec le détail des mains veineuses et la polychromie d’époque.

L’exposition alterne les œuvres exposées dans l’allée principale et les salles sombres révélant des livres précieux, enluminures ou joyaux. Le buste reliquaire de Saint Lizier daté de 1518 témoigne d’une richesse et d’une puissance régionales dont Toulouse fut la radieuse capitale. À côté, l’Adoration des mages d’Antoine Olivier fascine par un détail insolite. Une mouche, en bas à droite de l’enluminure, fait référence au jeune peintre italien Giotto qui illustra l’insecte sur une peinture de Cimabue de manière si analytique que ce dernier tenta vainement de l’en chasser.

« Une ville de combats tout autant que de cocagne, de feu et de passions où, souvent, les artistes furent en mesure de sublimer émotions et ambitions. » Telle est la description de Toulouse pendant la Renaissance, par Pascal Julien, professeur d’histoire de l’art moderne.

Détail de la baie centrale (baie 6), 1509–1513 – Chapelle Saint-Louis (chapelle 18), avant restauration – Cathédrale Sainte-Marie, Auch / Photo Jean-François Peiré – DRAC Occitanie

L’histoire de l’art à la portée de tous

L’exposition découpée en cinq étapes permet au visiteur d’approfondir sa soif de savoir, quel que soit son niveau de connaissances. Ainsi, un dispositif numérique explique la typologie de l’architecture Renaissance de Toulouse et ses environs et une application mobile propose de visiter ses hôtels particuliers du XVIe siècle.

Après cette étape, on saisit sans détour l’épanouissement classique qui se dégage d’un groupement de vestiges architecturaux. L’attirance pour l’Antiquité amena les littéraires à comparer Toulouse à Rome ou à Athènes, liant la ville française à la déesse Athéna via le mythe de la Palladia Tolosa. Parmi ces détails, se trouve la Tête d’homme barbu de Nicolas Bachelier, le regard souffrant et la larme tombante, les pupilles bleues, poignantes, seul reste de la polychromie d’origine.

De l’architecture, on passe librement à la tapisserie avec une gigantesque et inédite œuvre toulousaine réalisée par Jean Puechaut. À sa gauche, un atelier de tapisserie et un focus sur les matériaux d’époque permettent d’appréhender plus concrètement les savoir-faire de la Renaissance.

Dans le même esprit, des résultats du « Projet faire et savoir » sont à admirer sous verre. Ces expérimentations de différents procédés Renaissance tels que la fonte ou le moulage, ont été exécutés dans le cadre de la retranscription d’un manuscrit de recettes techniques de la fin du XVIe.

Ce travail de recherche approfondi a également permis de démentir un préjugé au sujet de la fin de la période de la Renaissance française, que l’on situe habituellement au début des guerres de religion. Présentés à la fin de l’exposition, les portraits d’Henri IV, entre autres, ont confirmé la vitalité de l’art durant ce contexte belliqueux.

À l’entrée de l’exposition et à sa sortie, deux peintures symboliques traduisent l’importance des « capitouls », ces membres puissants élus au Conseil municipal de la ville de Toulouse. Sur Les quatre fonctions du capitoulat toulousain, le peintre Arnaut Arnaut rappelle les charges des capitouls : la justice municipale, les réparations et travaux publics, l’administration des hôpitaux et enfin la police des métiers.

Nicolas Bachelier, Tête d’homme barbu, 1532 – Musée des Augustins, Toulouse / Photo Daniel Martin

L’âge d’or de l’enluminure

À la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine, le parcours se spécifie et donne la part belle au livre pendant la Renaissance. C’est grâce aux missions de comptabilité des capitouls que la doctorante Aurélia Cohendy a déduit des factures des religieux, parlementaires ou riches bourgeois, les noms véritables des enlumineurs jusqu’ici anonymes.

L’artiste bourguignon Antoine de Lonhy introduisit la révolution picturale flamande, et l’épanouissement du style Renaissance à Toulouse. On se laisse facilement surprendre par la finesse de ses ornements, par l’expressivité des personnages de Liénard de Lachieze ou encore les motifs de bordures de Laurent Robini…

L’évolution du manuscrit enluminé au livre imprimé orné de gravures comprend une période de transition, qui mène inéluctablement à la disparition du métier d’enlumineur après 1510 et l’apparition du métier de coloriste, chargé de rehausser les touches indélicates des gravures sur feuilles volantes.

Laurent Robini, L’annonciation (f.28r), Heures à l’usage de Rome, vers 1495–1500 – Bibliothèque municipale, Toulouse, ms.2842. Photo Bibliothèque de Toulouse

Entre contemplation d’œuvres d’art majeures, découverte de techniques, visites d’hôtels particuliers et approfondissement d’un métier disparu, le programme Toulouse Renaissance dépasse l’exposition muséale et valorise la recherche dans le domaine de l’histoire de l’art. Dévoilant un large panel artistique, elle éveille même des curiosités !

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