Article proposé par Exponaute

Triennale de Bruges 2018 : LIQUID CITY

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Publié le , mis à jour le
Non, Bruges n’est pas morte ! Rodenbach la figeait dans ses miroirs d’eau comme les peintres symbolistes, comme Fernand Khnopff… En 2015, la ville a ressuscité sa triennale d’architecture et d’art contemporains. Et elle a déjà présenté la programmation de l’édition 2018 qui sera lancée en mai !

BRUG © Jarosław Kozakiewicz

Bruges, Ville Liquide

En 2018, le parcours artistique de la triennale de Bruges joue avec le concept de « Ville Liquide » pensé par le sociologue et philosophe Zygmunt Bauman. Littéralement, la ville s’est enrichie et vit avec l’eau des canaux et de la mer. Cette idée devient métaphore quand on la relie aux flux touristiques, écologiques et culturels, et que l’on projette le paysage urbain du XXIe siècle. Une vie, une société fluides et changeantes, une ville submergée par les eaux… Quelle architecture agencerait cette actualité et ce futur ?

L’édition 2018 propose des projets collaboratifs, des architectures, des installations, une ville flottante pour électriser et engager une nouvelle appréhension des flux urbains. La triennale de Bruges est à la fois une balise sûre comme un ancrage dans la ville et un moteur de partage artistique, tantôt doux, parfois houleux, car l’imagination tangue à loisir ! Tout comme le programme à venir…

Makoko Floating School II, Venice Biennale 2016 © Nlé

Poésie du partage

… un programme sous et sur l’eau, entre les murs de la ville, et même en lévitation !

Brug, par l’artiste polonais Jarosław Kozakiewicz, fera un pont sur le Groenerei dessinant une bise aquatique. On pourra marcher dessus, mais pourra-t-on revenir ou débarquer sur l’autre rive ? Il y aura en tout cas l’issue d’une rencontre comme une connexion par le pont poétique. C’est le credo de l’artiste qui avait déjà réalisé près du musée d’Auschwitz-Birkenau un Parc de la Réconciliation pour relier les vivants aux morts.

Le collectif Rotor exposera The case of the mitten crab au Poortersloge, un club de bourgeois de la ville qui animait des échanges commerciaux internationaux. Et ce lieu n’est pas un hasard ! C’est là que sera abordée l’histoire naturelle et historique du crabe chinois, une espèce exotique d’eau douce qui se reproduit depuis les années 1930 dans les eaux de Bruges… la ville est devenue le sanctuaire d’un met précieux pour les Chinois, invasif pour les Européens colonisés à leur tour de manière souterraine mais parfois spectaculaire ! Car le crustacé est un acrobate tout-terrain qui peut migrer en escaladant ses obstacles et même marcher sur les hôtels, devant les yeux médusés des habitants d’Aarschot… quand le crabe se révèle, il apeure. Rotor propose donc de s’y intéresser avec une exposition qui sous des airs de musée d’histoire naturelle, sera écologique, historique et humaine.

Dans une Maison-Dieu, l’équipe de Ruimteveldwerk a conçu G.O.D. Le collectif a déjà réalisé des recherches archéologiques dans les jardins clos de Bruges bordés de logements sociaux, avec les habitants. Cette intervention spatiale est la première étape d’un projet qui vise à connecter les résidents souvent isolés des Maisons-Dieu avec les touristes qui pénètrent leurs jardins à la manière d’invasifs, eux aussi. Le pari de Ruimteveldwerk : conserver le silence au cœur d’une triennale active et bruyante et délier le conflit en partage.

Acheron I ©Renato Nicolodi

Flottaisons futures

Le collectif nigérien Nlé, mené par Kunlé Adeyemi, présentera Minne floating school sur le lac Minnewater. Le projet originellement conçu pour un estuaire à Lagos avait gagné le Lion d’Argent en 2016 à la Biennale de Venise. Pour la triennale, Nlé a adapté cette école flottante qui sera bien animée par des lectures et des examens ! En prévision d’une montée des eaux…

Renato Nicolodi fera émerger Acheron I le long de la Langerei. Une sculpture monumentale en béton gris sur l’eau noire et miroir… comme un cénotaphe, comme le porto sepolto du poète Ungaretti qui finalement affleurera à la surface de l’eau. Comme l’écrivain, le grand-père de l’artiste était italien. Prisonnier de guerre, il est arrivé en Belgique après 1945. L’œuvre de Renato Nicolodi se souvient, charrie la mémoire des morts et des survivants jusqu’à la mythologie avec l’évocation du Styx. Les canaux obscurs de Bruges cachent un monde invisible de déchets fluviaux comme autant de vies qui ont coulé dans les eaux. Acheron I est un port et une porte vers cette ville sous-marine.

L’artiste argentin Tomás Saraceno a imaginé Bruges Aerocene Tower. Il s’inspire de la ville flottante d’Italo Calvino et rêve un paysage urbain en lévitation grâce à l’énergie solaire et éolienne comme la possibilité d’une utopie après l’épuisement de la terre. Au-dessus de Bruges s’élèveront ses ballons, et à terre l’artiste posera une performance filmée. Les frontières et les possibles atteignent aussi les airs…

Et grandissent sur l’eau ! Peter Van Driessche a pensé des structures viables après une inondation totale. Des tours et des pavillons sur le Bakkersrei se visiteront avant de se désolidariser pour flotter en autonomie. L’architecture du futur s’explore en mai, à Bruges !

Gwangju 2016 © Tomás Saraceno

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