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Peintures des lointains au musée du Quai Branly-Jacques Chirac

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Le musée du quai Branly-Jacques Chirac sort ses peintures !  Ce sont près de 200 œuvres inédites qui déploient en fresque la vision des Occidentaux sur l’Ailleurs, de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle. Mais après les premiers éclats de la découverte des lointains, on se délecte surtout des œuvres nées de manières et de techniques mixtes : le partage entre les continents est fertile !

Fernand Lantoine, Duco Sangharé – Peuhl, Années 1920–1930 © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain

Lumières des lointains

L’affiche de la première salle annonce la couleur : « Visitez le Musée de la France d’Outre-mer et son aquarium ». En effet, la collection de peintures du musée du quai Branly-Jacques Chirac voit le jour avec l’Exposition coloniale internationale de 1931. Elle s’épanouit ensuite au palais de la Porte Dorée – musée des Colonies, musée de la France d’outre-mer, puis des arts africains et océaniens. Depuis la création du musée du quai Branly en 1998, elle s’est enrichie mais restait secrète aux yeux du grand public…

On peut dès le 30 janvier découvrir les premières lumières qui ont séduit les artistes bourlingueurs : ils trouvent en l’exotisme de l’ailleurs la source de leurs couleurs. Ainsi entre les monumentales vues d’Egypte, les cadres topographiques de Beyrouth et d’Alger, l’orientalisme atteint son pic dans La mer Morte de Léon Belly (1866). L’horizon s’y dégrade du rose à l’orangé sur une terre désolée et minérale, seules trois lignes fument à la verticale. L’effet est improbable.

Au fil du XXe siècle, les peintres éclaircissent leurs palettes. Frédéric Bernelle peint les Jonques de mer à Culao. De loin, ce sont de grandes voiles sur des nuages jaunes, blancs, roses, un ciel et une mer d’un bleu d’émail. En surface, c’est comme une combinaison de carrés de mosaïques qui rendent cette écume roulante et solide. La mer est faite par touches horizontales tandis que les voiles résultent des coups montants de la brosse, et le ciel est une myriade de petites pattes. Là c’est clair, le motif libère la technique créative et loge toutes les audaces de tons.

Marcel Mouillot, Site du volcan à La Réunion, 1930 © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain

Plus loin, André Surréda livre une combinaison de vert, blanc, noir et brun : c’est tout ce qu’il faut semble-t-il, pour peindre l’île de Djerba . La mosquée Tajdid a des murs blanchis comme les figures en voile qui passent devant. Par cet effet simplifié, le peintre atteint la pureté d’un paysage dont les formes semblent offertes au soleil clair. C’est sûr, l’Occident n’offre pas un tel champ…

La nature offre quant à elle des motifs luxuriants comme Le Flamboyant peint par Jean Dunand en 1930. Un arbre en fleurs rougeoie sur une montagne bleue, tandis que Matisse dessine les pandanus à Tahiti. Il étudie les aspects graphiques de la tige et des racines sur ses carnets de Polynésie remplis de lignes.

Le Site du volcan à la Réunion par Marcel Mouillot a aussi cet aspect graphique. L’homme peint le piton de la Fournaise en posant sur la moitié de la toile et devant l’océan, un écran bleu et filandreux. Sur les flancs de ce volcan actif s’étendent des  « laves noires violacées de la récente coulée, (…) recouvertes d’une mince pellicule blanchâtre, d’une végétation embryonnaire », écrit l’artiste dans 13 000 milles.

Quand il s’agit de peindre les hommes, les artistes sont friands des danses et des rituels de sorties de masques, comme Louis-Robert Bâle à Oubangui-Chari en Afrique-Equatoriale française. Dans un cadrage resserré, il restitue la cadence du rythme de la danse, et par traits contigus fait vibrer les corps et les gestes. D’autres, tel Jules Migonney, profitent des ambiances intérieures pour déployer leur sensualité en gravure sur bois. Pensionnaire de la villa Abd-el-Tif à Alger, l’artiste s’empare du thème de l’odalisque et étale des corps de femmes blanches, alanguies et nues sur les étoffes et les tapis noirs.

Passé cet envoûtement et ces échos des tons à la Vallotton, les peintres occidentaux dépeignent aussi leurs sujets sans emphase. Ainsi une femme, Marie Caire Tonoir, représente une autre femme, à Biskra. Elle a de grandes boucles d’oreille et des tatouages sur le visage, une coiffe enrobant sa tête noble.

Quand Paul Jacoulet à Hokkaido dessine un Vieil Aino, il représente avec grâce les rides de la peau et des cheveux clairs. Seule une fente bleue se révèle du large vêtement noir et blanc pour distraire de la sagesse ambiante… c’est un portrait sincère.

Bien sûr, les peintres représentent aussi avec  amplitude les peuples colonisés, en foules devant leurs gouverneurs. Cet aspect historique des collections n’est pas éludé par le musée.

Paul Gauguin, Noa Noa, 1893–1894  © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Claude Germain

Techniques mixtes

Mais iI y a une vraie distinction esthétique aussi, quand on se figure que certaines œuvres sont signées de peintres qui séjournaient réellement sur  ces lieux.

L’espace ou Le Sahara par Maxime Noiré, installé à Alger, représente en panorama un désert rocailleux du sud de l’Algérie. La critique de l’époque le désigne le « peintre de la Terre ». Sa palette est multicolore : le rose et le vert des roches et des mousses révèlent de près une palette par touches, du rouge au blanc posées devant l’horizon grandiose.

Les laques de Jean Dunand, elles, témoignent de l’apprentissage d’un artiste du métal auprès d’un maître japonais à Paris. Seizo Sugawara lui montre comment manier la technique de cette résine extraite d’une variété d’arbres en Extrême-Orient. Il s’inspire de la nature pour déployer sur de larges panneaux des motifs de flore et de faune simplifiés. Ainsi dans la salle qui lui est consacrée, on évolue entre les palmes géométriques, entre un tigre à l’affût et un éléphant géant de style Art Déco…

Jean Dunand,  Tigre à l’affût, 1930 © musée du quai Branly – Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine

L’artiste Tô Ngoc Vûn a étudié aux Beaux-Arts de Hanoï mais connaît la technique occidentale, qui y était enseignée. Dans l’exposition est accrochée une de ses scènes domestiques avec des formes simples, une palette douce et estompée. Sur le rebord d’un mur un chat regarde un porteur de fruits jaunes et au centre de la place un grand palmier vert est planté.

Lô Phô, peintre vietnamien, a fréquente la même école queTô Ngoc Vûn. Lui représente une Danseuse aux musiciens à l’aquarelle sur tissu en 1930. Les techniques occidentales et orientales se mêlent pour donner des compositions mixtes et nouvelles !

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