Article proposé par Exponaute

Au Bon Marché, quand s’ouvre la verrière glisse le ciel

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Publié le , mis à jour le

Le titre de l’installation de Leandro Erlich, « Sous le ciel », annonçait la matière de l’exposition qui succéderait à celle de Chiharu Shiota. Cela est à présent révélé : cette année, le Bon Marché Rive Gauche est bien vitrine mais aussi architecture ouverte de la création contemporaine.

Architecture détournée

C’est avec Swimming Pool, lorsqu’il représente l’Argentine à la 49e Biennale de Venise, que Leandro Erlich est remarqué. Son œuvre est un rectangle qui porte pour couvercle une couche de plexiglas. Dessus, un film d’eau vibre en continu. Et les spectateurs peuvent pénétrer dedans grâce à une entrée latérale. La piscine est un aquarium d’où voient et sont vus les hommes.

Swimming Pool – Image courtesy de Leandro Erlich

L’artiste agence ainsi des écarts entre nos attentes et la réalité de l’espace. Au Bon Marché, il détourne cinq fois les éléments in situ et quotidiens pour suspendre notre attention…

Cela commence dès l’extérieur : dans les vitrines noires, de petits nuages cotonneux phosphorent en blanc. C’est le premier flottement.

Puis en entrant, le spectateur découvre un Nœud mécanique. C’est par ce nom que se passe le détournement d’un emblème du lieu : le double escalator mécanique conçu par Andrée Putman en 1990. Deux grands « X » couverts de carreaux qui prolongent le motif des verrières au plafond… sont par l’artiste emmêlés sans sens et sans cohérence.

Nœud mécanique © exponaute

L’artiste impose un dialogue avec l’espace en annulant la fonctionnalité de l’architecture. On perçoit, puis on croit reconnaître, on explore, puis on sourit aussi dans le Bloc d’ascenseurs.

C’est le déroulé d’une narration répétée autant de fois que les visiteurs se retrouvent dans ce comique de situation. Ils se dirigent vers huit cabines en enfilade afin de se rendre à l’étage du magasin. Ils réalisent alors que chaque boîte est ouverte sur la cabine voisine et se retrouvent face à d’autres usagers, à la déconvenue. De quoi sortir et lever les yeux au ciel.

Verrière sur ciel

Alors s’enchaîne le phénomène qui tient promesse : les deux grandes verrières du Bon Marché s’ouvrent mécaniquement sur un ciel où glissent des nuages aux contours identifiables.

Leandro Erlich ouvre une architecture astucieuse. Poétiquement, il rappelle aussi les regards ébahis des visiteurs du XIXe siècle. À cette époque, Aristide Boucicaut fait bâtir un immense édifice avec les matériaux de la nouvelle architecture : le fer et le verre. 8 000 tonnes de métal et une innovation technique signent la splendeur du Bon Marché.

La prouesse, c’est la double verrière. Les toits ont ainsi été conçus par l’architecte Armand Moisant afin d’éviter les problèmes d’isolation thermique et de condensation et de faire orner les plafonds de vitraux. Ils offrent en outre un éclairage atmosphérique par le haut.

L’été dernier, le grand magasin a d’ailleurs révélé ses verrières XIXe et Art déco qui étaient camouflées depuis des décennies sous des couches de plâtre. Ce sont celles que l’on peut contempler au deuxième étage du Bon Marché. Restaurées par des artisans d’art, elles filtrent délicatement la lumière du ciel et éclairent les végétaux du jardin d’hiver…

… En faisant le vœu de détourner les fonctions de l’architecture du grand magasin, Leandro Erlich les prolonge aussi.

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