Article proposé par Exponaute

Musée Pinault : les 86 millions déboursés par Anne Hidalgo font polémique

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D’ici 2020, Paris devrait se doter d’une nouvelle institution consacrée à l’art contemporain : le Musée Pinault, installé au sein de l’ancienne Bourse du Commerce. Seul hic : le Canard Enchaîné a révélé il y a maintenant quelques jours que la Mairie de Paris avait acheté le bâtiment pour pas moins de 86 millions d’euros à la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Capitale, à qui elle l’avait concédé en 1949 pour… un franc symbolique. Décryptage.
Franois Pinault

Franois Henri Pinault, Anne Hidalgo et Franois Pinault lors de l’officialisation de la création du musée, en 2016 © Getty Images

Tout commence par un article publié par le Canard Enchaîné le 27 décembre dernier. Dans ce papier, la rédaction révélait que pour installer le musée d’art contemporain de l’homme d’affaires François Pinault au sein de l’ancienne Bourse du Commerce de Paris (un somptueux édifice datant du XVIIIe siècle situé dans le Ier arrondissement de la capitale), la Mairie avait financé l’achat du monument pour la bagatelle de 86 millions d’euros.

Une somme qui a évidemment fait bondir, mais que la Mairie de Paris s’est empressée de justifier et d’expliquer suite au tollé provoqué par le journal satirique.

Money, money, money

Le journal hebdomadaire affirmait en effet dans ce papier que le bâtiment aurait techniquement pu être racheté par Anne Hidalgo pour… quinze centimes d’euros, puisque le site avait été cédé par la ville de Paris en 1949 à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris à l’époque pour un franc symbolique. Bien évidemment, la Mairie dément avec force cette information de l’anatidé.

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François Pinault devant une oeuvre de Mark Handforth, en 2009 © DR

Pourtant, rien ne semble assez beau pour pouvoir accueillir à Paris la riche collection d’art contemporain du milliardaire François Pinault. La création d’un nouveau musée au sein de la Bourse du commerce a été annoncée par la maire de Paris dès 2016, un lieu stratégique puisque situé au cœur de la capitale et non loin du Centre Pompidou.

Il fallait donc parvenir à convaincre Pinault, quelque peu échaudé par l’échec de son installation sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt. La ville de Paris s’est donc engagée à récupérer le bâtiment (qui appartenait à la CCI), puis à le concéder pour 50 ans à la Fondation Pinault, moyennant une redevance annuelle. Au terme de la concession, l’usage du lieu reviendra à la Ville de Paris. C’est ensuite la Fondation elle-même qui financera les travaux de rénovation du monument, des travaux dont s’occupe le célèbre architecte japonais Tadao Ando.

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François Pinault au Palazzo Grassi © Getty Images

Cependant, Le Canard Enchaîné à exhumé une clause dans le contrat de 1949 qui cédait la Chambre à la ville de Paris pour un franc symbolique. Celle-ci explique que « La transaction peut être annulée si l’immeuble ne sert plus à l’usage principal de services publics dépendant de la chambre de commerce ». Ainsi, grâce à cette clause, l’immeuble aurait pu être racheté par la Mairie pour environ… 15 centimes d’euros.

Immédiatement, les services de communication d’Anne Hidalgo sont montés au créneau, qui affirme que le contrat signé en 1949 interdit à la CCI de vendre le bâtiment à des tiers mais qu’en cas de revente à la Ville de Paris, « La CCI est en droit de valoriser le bien ». La Mairie précise qu’il y a bien eu une négociation sur le prix de rachat, mais qu’il était impossible de récupérer l’immeuble pour le même prix d’après-guerre.

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L’intérieur de la Bourse du Commerce © Wikimedia Commons

Retenir François Pinault

Finalement, le montant total de la facture pour la Mairie de Paris est de 86 millions d’euros : 65 millions pour le rachat du monument en lui-même auxquels s’ajoutent 23 millions d’indemnisation de la Chambre de Commerce et d’Industrie. Or, comme le pointe Le Canard Enchaîné, le montant des investissements réalisés dans le bâtiment depuis 1949 auraient été évalués par un audit de la préfecture d’Île-de-France à 4.3 millions d’euros. Le montant de la transaction serait donc bien trop élevé, selon le Canard. Là aussi, la Mairie de Paris se défend : « Les 23 millions constituent une indemnité de reconstitution de service public, pas une indemnisation des investissements. Cela n’a rien d’inédit. »

Techniquement, les 65 millions d’euros payés correspondent à la valeur sur le marché du superbe bâtiment du XVIIIe siècle, mais l’indemnité de restitution a sûrement été chèrement négociée par la CCI. Anne Hidalgo aurait pu la revoir à la baisse, mais celle-ci était plutôt soucieuse de ne pas à nouveau décourager François Pinault par des négociations traînant dans le temps, comme il le fut avec l’île Seguin, en 2005. Il fallait donc que le richissime homme d’affaires puisse exposer quelque part dans Paris ses œuvres d’art contemporain… coûte que coûte.

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