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La nouvelle École des Beaux-Arts de Nantes : où se construisent les œuvres et les aspirations !

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Publié le , mis à jour le
La région nantaise est structurée comme un réseau industriel où se promener est une expérience de l’espace et de la matière. Dans ce maillage, les anciennes halles Alstom sur l’île de Nantes forment un écrin idéal pour la nouvelle École des Beaux-Arts conçue par l’architecte Franklin Azzi, et pour la construction d’une métropole culturelle compétitive sur la carte du monde. 

Architecture Franklin Azzi © Luc Boegly

La belle école à l’usine

Le polycarbonate fait une enveloppe gondolée translucide sur la charpente des halles. En un squelette de métal, de grandes poutres se rejoignent au faîtage et prolongent l’arête grise. Il y a aussi du blanc.

Ce sont deux blocs qui emmurent des boîtes dans des boîtes, dans des boîtes… en bois clair contreplaqué. À l’intérieur de ces cubes, des ateliers et des plateaux où tout est clos.

Ils forment deux manteaux que l’on pénètre pour se protéger du froid s’engouffrant par les portes coulissantes, au Nord et au Sud de la traversée centrale. Cette rue intérieure est la première percée qui recompose l’espace.

Les nouvelles constructions s’y intègrent sans contredire la place existante. Ce sont deux parallélépipèdes compacts et interconnectés par des passerelles étagées, sous le parapluie de polycarbonate qui recouvre la structure métallique originelle.

Les entités sont désolidarisées comme deux peaux dissociées dans une logique de performance énergétique et thermique. Le parapluie gère les eaux pluviales et diffuse la réverbération de la lumière naturelle – le polycarbonate offre plus de luminosité que le verre ! Les boîtes enchâssées font une niche thermique.

Architecture Franklin Azzi © Luc Boegly

Les halles 4 et 5 du site Alstom ont été réhabilitées en pensant aux propriétés de l’ouvrage. Il fallait partir du volume initial, profiter de ces grandes portées. C’était donc un travail en mètres cubes plus qu’en mètres carrés, en volume plutôt qu’en plan.

Le dessin des façades suit cette logique. Pleins et vides alternent en suspension et à terre, comme l’opaque et le transparent. Les connexions entre et hors-les-murs sont physiques et visuelles. Et la lumière du Nord que les ateliers d’artistes réclament s’y infiltre, homogène et zénithale pour la création idéale.

L’air transparent court par les coursives en redans sur 160 mètres de long. Tout est visible, et cette esthétique était nécessaire car la zone est hyper sismique. Encore une autre règle qui a tiré les traits de cette architecture…

Elle est aussi mobile et ludique. Escaliers de désenfumage à la Manhattan, ponts roulants jaunes posés sur des rails, tout là-haut… On circule entre des structures articulées. Et la nuit le bâtiment fait comme une méduse, la peau de polycarbonate filtrant l’éclairage qui phosphore.

Architecture Franklin Azzi © Luc Boegly

Le vœu de l’architecte et de l’école : libérer les structures, faire muter les formes et surtout, ne cristalliser ni les moments ni les usages. Donc conserver les qualités intrinsèques du site mais adopter une approche radicale tout de même. Ouvrir, tomber les murs et pouvoir repousser les nouveaux, ne faire subsister que la structure, faire le pari de la densité relative.

Il fallait investir et inviter à investir, à prendre possession des locaux. Car ils attendaient d’être pénétrés, habités sur une superficie de 6 894 mètres carrés, longs de 161 mètres, et larges de 42 mètres. Jusque très haut, à 19 mètres.

Pour la matière, il fallait assurer la sécurité mais aussi la mobilité. L’architecte a refusé les matériaux sur lesquels on n’ose marquer son empreinte. Car pour faire œuvre, il faut répéter le geste.

Et cette architecture a cet aspect sériel. Le toit est une répétition de triangles inclinés. Les étages multiplient la forme rectiligne et la structure croise les lignes. Elle abolit les ornements pour être le foyer des formes concrètes et brutes. Elle fait espace. Elle laisse l’espace.

Échelles de l’espace

La nouvelle École des Beaux-Arts s’est mise à l’échelle de la création qui se fait en ses murs. Et hors ses murs.

Une École des Beaux-Arts contemporaine est plus qu’affaire de chevalets et d’esquisses d’argile. Elle est monumentale et technique, sérielle, et utilise les machines de l’industrie lourde.

Celle de Nantes s’est dotée d’un équipement technique de pointe. Les 4 300 mètres carrés d’ateliers sont consacrés à la recherche et à l’expérimentation et organisés en trois pôles : construction, image, print.

Architecture Franklin Azzi © Luc Boegly

Pour la création en trois dimensions sous toutes ses formes, du moulage aux matériaux composites, on a fait l’acquisition de scies à format, de tours, de fours, postes de soudures, faiseuses, forge, pliage, fonte… Tous les usinages et tous les usages de la matière sont possibles. Le print décline la gravure, la lithographie, l’offset, la sérigraphie avec des presses manuelles et numériques, plans de travail chauffant, châssis d’insolation, poste de grainage… Et pour pouvoir utiliser ces machines, les élèves sont formés par des professionnels.

Une armée de techniciens a été mobilisée pour mener à bien ce travail complexe. Car tout est pensé pour être efficient, de la pression au sol en béton à la sécurité des usagers, en passant par le son mis au point avec un acousticien. L’art contemporain est un art industriel, le lieu est un atelier géant de production.

C’est donc l’échelle de deux halles d’usine qu’il lui fallait, ce qui permet aussi de doubler le nombre d’étudiants : 500 seront accueillis en 2018.

Et puis, il y a la conscience de l’échelle territoriale, à laquelle est liée l’école. L’histoire a fait de Nantes un pic du commerce triangulaire et un lieu d’industrie maritime flamboyant. En résulte un patrimoine architectural singulier, des demeures coloniales dans la ville aux halles Alstom sur l’île, jusqu’aux chantiers navals de Saint-Nazaire. Un territoire investi par le métal, les échos, les entrechocs et les vapeurs d’usine.

Architecture Franklin Azzi © Luc Boegly

Cela n’appartient pas qu’au passé. Cette architecture vit, le rythme du travail y bat. Mais d’autres visiteurs l’ont infiltrée avec bonheur… Ce sont les artistes qui s’inspirent des lieux et y dessinent un parcours. De Saint-Nazaire – où il y aura désormais une prépa artistique publique – par l’Estuaire, on longe la Loire, on glisse entre les œuvres et on parvient à la ville.  Puis c’est le Voyage à Nantes, qui elle-même rêve d’autres rives, d’autres sphères, et ose l’échelle du monde.

La belle endormie s’est éveillée en métropole culturelle. Parmi les inaugurations récentes, celle de la Maison Fumetti, la réouverture du musée d’Arts, trente nouveaux ateliers d’artistes, la Libre Usine, binôme du Lieu Unique…

Et maintenant l’école, amarrée à son île fait croître ses partenariats à l’étranger. Nantes/Saint-Nazaire, Houston/Marfa aux États-Unis, Séoul/Suncheon en Corée du Sud, Dakar/Rufisque au Sénégal : avec la création de trois campus sur trois continents associant une métropole et un territoire singulier, elle compte bien explorer de nouveaux territoires de recherche et de production.

Elle s’ancre à Nantes et étend ses rayons à l’échelle du monde. Ce n’est pas une cloche mais un pôle ouvert comme son architecture, qui dans la création d’une future cartographie des espaces collaboratifs et artistiques, impose son marquage.

Les Halles, cœur battant de l’art nantais !

Cette marque se concentre en un lieu : le quartier des arts sur l’île de Nantes. On y navigue entre les cubes, les usines et les Machines. Les grands monochromes et les murs métalliques. Et le site Alstom, un amalgame de halles.

En son sein, le bâtiment de l’école est en interaction avec la ville. La galerie, la bibliothèque, le nouveau centre de ressources et l’amphithéâtre donnent sur le parvis des arts, sont visibles de l’extérieur, et accueillent les visiteurs. Une seconde halle a été démolie pour faire la traversée Est-Ouest et libérer l’espace, permettre des installations sauvages.

Architecture Franklin Azzi © Luc Boegly

Et si la ville peut entrer publiquement, les étudiants aussi visitent leurs voisins. Le programme pédagogique a pour but de les inciter au partage des compétences. Les élèves peuvent circuler entre les pôles, les spécialités, dans l’école et chez les autres.

Car le quartier de la création représente plus de 90 000 mètres carrés d’activité sur lesquels la réhabilitation des Halles est un véritable enjeu. Sur 1,5 hectares de friches industrielles, ce centre névralgique du quartier regroupera d’ici 2020 l’école des Beaux-Arts, le pôle universitaire dédié aux cultures numériques, l’école d’architecture, l’école de cinéma, une école de design et le campus de communication, enfin une école de danse et de musique et des hôtels d’entreprises créatives.

C’est le projet d’un réseau culturel et créatif qui sera un hub à dimension européenne. C’est la promesse d’une dynamique de territoire, une ouverture sur celui qui est cher, à rénover et celui qui est à explorer.

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