Article proposé par Exponaute

Pérégrinations visuelles d’André Derain, au Centre Pompidou

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Publié le , mis à jour le
Déjà mis en lumière dans le cadre de l’exposition « Derain, Balthus, Giacometti : une amitié artistique » au Musée d’art Moderne de la ville de Paris, c’est une autre institution culturelle de la capitale, le Centre Pompidou cette fois-ci, qui tourne désormais son regard vers le peintre français André Derain. Avec l’événement « André Derain, 1904–1914, la décennie radicale », Beaubourg se focalise sur une période bien précise de la carrière du peintre, annonciatrice du cubisme et du fauvisme, tout en demeurant profondément personnelle. Visitons ensemble ce parcours très intéressant…
The Bridge at Le Pecq, 1904-05 (oil on canvas)

André Derain, Le Pecq, hiver 1904–1905 © Adagp, Paris 2017

Entre danse et images figées, nous pénétrons dans le nouveau parcours temporaire du Centre Pompidou : « André Derain, 1904–1914, la décennie radicale ». Danse, car l’un des premiers tableaux que nous remarquons dans cette exposition n’est autre que Le Bal à Suresnes, exécuté en 1903. Images figées, car une petite salle adjacente à l’entrée de l’exposition nous présente de nombreuses, petites et émouvantes photographies d’époque. Derain (1880–1954), au tout début de sa carrière, pratique en effet assidûment la photographie qui lui sert ensuite de base pour la réalisation de ses premières œuvres qui s’ancrent dans un certain réalisme.

Le sourire aux lèvres, nous découvrons la ville natale de l’artiste, Chatou, telle qu’elle était alors que le XXe siècle lançait ses premiers vagissements. Chemins de terre, petite église pittoresque, bords de Seine encore préservés. Nous suivons d’ailleurs l’artiste dans ses promenades ensoleillées le long du fleuve, promenades qui le mènent parfois jusqu’à la ville voisine du Pecq, qu’il immortalise dans des toiles colorées et mouvantes. Les couleurs chatoyantes des péniches tranquillement amarrées se reflètent dans l’onde calme, tandis que la composition des œuvres, tout en courbes, donne un étrange sentiment de mouvement à l’ensemble.

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André Derain, Portrait de Lucie Kahnweiler, 1913 © Adagp, Paris 2017

Cependant, aborder le travail artistique d’André Derain est loin d’être chose aisée, puisque le peintre (mais aussi sculpteur et graveur) a jusqu’à la fin de sa vie connu une évolution stylistique constante. Alors Derain, postimpressionniste, fauviste, cubiste, réaliste… ? Au lieu de s’enfoncer dans ce casse-tête artistique, le Centre Pompidou a choisi de ne pas trancher mais plutôt de se concentrer sur une décennie, seulement, de la carrière du maître moderne, ami d’Ambroise Vollard, Maurice de Vlaminck (établi aussi à Chatou), Henri Matisse, Guillaume Apollinaire ou encore Pablo Picasso.

Et par-là même, en profiter pour réhabiliter quelque peu un artiste qui, peut-être justement à cause de la pluralité de ses styles, a été longtemps décrié voire totalement ignoré. Mais il est surprenant de constater que, même ne l’espace de dix ans, le peintre a exploré une quantité indénombrable de registres picturaux, passant du portrait au paysage tout en réalisant quelques détours du côté de la nature morte. Et ce, avec des touches pouvant évoquer le style de Georges Braque ou Paul Signac.

Saturday, 1911-14 (oil on canvas)

André Derain, Samedi, 1913 © Adagp, Paris 2017

Au fil des salles du parcours proposé par le Centre Pompidou jusqu’au 29 janvier prochain, on peut légitimement se demander si les revirements artistiques de Derain ne furent que la manifestation d’une quête de nouveauté perpétuelle ou au contraire des rejets de ses créations passées au profit de recherches plus proches de ses attentes. Difficile de trancher, encore aujourd’hui. Demeure cependant la sensation d’un peintre exécutant des œuvres avec un plaisir sans fin, des quêtes perpétuelles et des influences mixtes.

On retrouve bien sûr l’ombre de Pablo Picasso et on ne peut s’empêcher de songer à Cézanne lorsque vient l’étape consacrée aux Baigneuses. Le sujet religieux n’est également pas absent de ses préoccupations, comme on peut le voir dans un de ses portraits de groupes. Alors, au Diable les classifications, les codes, les cases toutes prêtes, bien rangées. Si pour une fois, nous nous mettions à apprécier la création pour ce qu’elle est, simplement, joyeusement, sans chercher à la ranger quelque part ?

13. Baigneuses, 1907

André Derain, Baigneuses, 1907 © Adagp, Paris 2017

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