Article proposé par Exponaute
D’abord, on lui jette un œil rapide, notre pupille attirée par les couleurs pastel et douce. Puis, irrémédiablement, notre attention est captée, comme aimantée par cette petite toile accrochée dans un coin, discrète, au début du nouveau parcours temporaire du musée Jacquemart-André. C’est une huile sur toile signée Camille Pissarro et exécutée en 1894, intitulée simplement Effet de neige à Éragny, soir.
La neige ? Vraiment ? Car nous ne tardons pas à le remarquer : il n’y a quasiment pas de blanc sur cette toile, mais plutôt d’indénombrables et minuscules touches de peinture rose, orange, jaune, bleues, mauves et vertes. Si rapprochées, si ténues et fines qu’elles se fondent entre elles avec une harmonie déconcertante, pour nous offrir un des plus beaux couchers de soleil hivernaux que l’on peut admirer en peinture impressionniste.
Une évidence, donc, l’exposition « Le jardin secret des Hansen » présentée par Jacquemart-André jusqu’au 22 janvier 2018 démarre sur les chapeaux de roue.
Mais ce petit Pissarro n’est qu’un prélude aux nombreuses surprises qui vont jalonner notre cheminement dans l’accrochage temporaire. Henny et Wilhelm Hansen, férus d’art, ont rassemblé entre 1916 et 1918 une collection de pièces époustouflante, allant de Courbet à Matisse en passant par Degas et Gauguin. Aujourd’hui, cet ensemble qui fait briller les yeux de tout amoureux d’Impressionnisme est conservé au sein du musée Ordrupgaard, à quelques kilomètres au nord de la capitale danoise, Copenhague.
L’ancienne demeure du couple Hansen, devenue depuis institution culturelle, a connu un nouveau souffle lorsque Zaha Hadid y a ajouté une extension, dans son style bien à elle, massif mais aux lignes pures. Un écrin entre tradition et modernité donc, mais qui fait écho aux pièces rassemblées par le riche couple danois.
Car ce qui frappe dans ce parcours temporaire, c’est bien la finesse constante dans les choix du couple Hansen. Ceux-ci ont découvert le mouvement Impressionniste suite à de nombreux séjours en France et, à ces occasions, ils recevaient les conseils avisés du critique d’art français Théodore Duret qui, toute sa vie durant, a défendu farouchement cette école artistique qui souffrait encore de beaucoup d’incompréhensions au début du XXe siècle.
Pour le plus grand bonheur du visiteur, tous les grands noms de l’impressionnisme et du post-impressionnisme sont représentés. Pissarro, particulièrement présent au début de l’accrochage, cède peu à peu sa place à un autre Camille, Corot cette fois, tandis que Monet brille de sa touche précise avec un magnifique paysage Le pavé de Chailly dans la forêt de Fontainebleau. Alfred Sisley, un autre artiste féru des boucles de la Seine, nous égaie avec ses bleus réjouissants et vifs, ses scènes de la vie commune qui prennent sous sa touche une dimension poétique.
Puis, en avançant dans l’exposition temporaire, on chemine de concerte vers une touche de modernité. En effet, Odilon Redon, Paul Gauguin et Henri Matisse font des apparitions remarquées, que ce soit via la nature morte (coup de chapeau à la Corbeille de poires de Manet qu’on aurait envie de croquer à pleines dents) ou le portrait.
Et bien sûr, on l’attendait et il est bien là : l’avant-gardiste Paul Cézanne, souvent considéré comme annonciateur du cubisme, nous ravit avec ses Baigneuses plantureuses, mouvantes et mystérieuses exécutées aux alentours de 1895 ; si belles qu’elles ont été choisies pour orner l’affiche de l’exposition de Jacquemart-André.
La composition, d’un étrange équilibre presque linéaire, a été réalisée en atelier à l’inverse des Impressionnistes qui n’aimaient rien de plus que planter leurs chevalets en plein air. Cézanne a imaginé cette œuvre à partir de croquis de nus réalisés lors de ses visites dans les grands musées français, dont évidemment le Louvre.
De notre côté, l’exposition fut le terrain de véritables découvertes esthétiques. Au creux de la salle cinq, consacrée à la nature en majesté, parmi les Courbet et les Daubigny, on notera la présence d’une discrète peinture signée de l’artiste Jules Dupré. Intitulée Clairière dans la forêt et achevée en 1875, l’œuvre de taille modeste brille néanmoins par sa composition soignée, qui mêle mystère et splendeur, lumière chaude et obscurité angoissante.
L’épais feuillage, représenté par des milliers de touches de peinture, paraît presque animé d’une légère brise qu’on se plaît à imaginer souffler sous nos yeux ébahis. Mais il y aurait encore beaucoup à dire sur ce nouveau parcours temporaire concocté par le Musée Jacquemart-André ! Un seul conseil : allez-y !
Vous aimerez aussi
Carnets d’exposition, hors-série, catalogues, albums, encyclopédies, anthologies, monographies d’artistes, beaux livres...
Visiter la boutiqueÀ lire aussi
Abonnés
CASSEL
Poissons volants et carnavals : l’univers fantastique de Nicolas Eekman, héritier méconnu de Bosch et Brueghel
VILLA MEDICIS
On vous explique la drôle de passion des peintres pour le citron depuis des siècles
Abonnés
Nogent-sur-Seine
Le premier maître de Camille Claudel et fondateur de la Ruche dans une exposition à Nogent-sur-Seine