Article proposé par Exponaute

Les pépites de la collection Hansen à Jacquemart-André

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Connaissez-vous les collectionneurs danois Wilhelm et Henny Hansen ? Ce couple de férus d’art est très célèbre en Europe du Nord, pour avoir rassemblé au tout début du XXe siècle une collection absolument unique d’œuvres essentiellement tournée vers l’Impressionnisme et le post-impressionnisme. Après avoir exposé les œuvres personnelles de la femme d’affaires espagnole Alicia Koplowitz, le musée Jacquemart-André poursuit donc ses présentations de collection privées influentes. Visite d’un parcours étonnant et regorgeant de bonnes surprises.

Claude Monet, Marine, Le Havre, vers 1866 © Ordrupgaard

D’abord, on lui jette un œil rapide, notre pupille attirée par les couleurs pastel et douce. Puis, irrémédiablement, notre attention est captée, comme aimantée par cette petite toile accrochée dans un coin, discrète, au début du nouveau parcours temporaire du musée Jacquemart-André. C’est une huile sur toile signée Camille Pissarro et exécutée en 1894, intitulée simplement Effet de neige à Éragny, soir.

La neige ? Vraiment ? Car nous ne tardons pas à le remarquer : il n’y a quasiment pas de blanc sur cette toile, mais plutôt d’indénombrables et minuscules touches de peinture rose, orange, jaune, bleues, mauves et vertes. Si rapprochées, si ténues et fines qu’elles se fondent entre elles avec une harmonie déconcertante, pour nous offrir un des plus beaux couchers de soleil hivernaux que l’on peut admirer en peinture impressionniste.

Une évidence, donc, l’exposition « Le jardin secret des Hansen  » présentée par Jacquemart-André jusqu’au 22 janvier 2018 démarre sur les chapeaux de roue.

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Alfred Sisley, Déchargement de péniches à Billancourt, 1877 © Ordrupgaard

De la France au Danemark

Mais ce petit Pissarro n’est qu’un prélude aux nombreuses surprises qui vont jalonner notre cheminement dans l’accrochage temporaire. Henny et Wilhelm Hansen, férus d’art, ont rassemblé entre 1916 et 1918 une collection de pièces époustouflante, allant de Courbet à Matisse en passant par Degas et Gauguin. Aujourd’hui, cet ensemble qui fait briller les yeux de tout amoureux d’Impressionnisme est conservé au sein du musée Ordrupgaard, à quelques kilomètres au nord de la capitale danoise, Copenhague.

L’ancienne demeure du couple Hansen, devenue depuis institution culturelle, a connu un nouveau souffle lorsque Zaha Hadid y a ajouté une extension, dans son style bien à elle, massif mais aux lignes pures. Un écrin entre tradition et modernité donc, mais qui fait écho aux pièces rassemblées par le riche couple danois.

Car ce qui frappe dans ce parcours temporaire, c’est bien la finesse constante dans les choix du couple Hansen. Ceux-ci ont découvert le mouvement Impressionniste suite à de nombreux séjours en France et, à ces occasions, ils recevaient les conseils avisés du critique d’art français Théodore Duret qui, toute sa vie durant, a défendu farouchement cette école artistique qui souffrait encore de beaucoup d’incompréhensions au début du XXe siècle.

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Gustave Courbet, Le change, chasse aux chevreuils, 1866 © Ordrupgaard

Hall of fame

Pour le plus grand bonheur du visiteur, tous les grands noms de l’impressionnisme et du post-impressionnisme sont représentés. Pissarro, particulièrement présent au début de l’accrochage, cède peu à peu sa place à un autre Camille, Corot cette fois, tandis que Monet brille de sa touche précise avec un magnifique paysage Le pavé de Chailly dans la forêt de Fontainebleau. Alfred Sisley, un autre artiste féru des boucles de la Seine, nous égaie avec ses bleus réjouissants et vifs, ses scènes de la vie commune qui prennent sous sa touche une dimension poétique.

Puis, en avançant dans l’exposition temporaire, on chemine de concerte vers une touche de modernité. En effet, Odilon Redon, Paul Gauguin et Henri Matisse font des apparitions remarquées, que ce soit via la nature morte (coup de chapeau à la Corbeille de poires de Manet qu’on aurait envie de croquer à pleines dents) ou le portrait.

Gauguin Jeune fille Vaite Jeanne Goupil 1896 Inv224 WH

Paul Gauguin, Jeune fille, Vaïté, 1896 © Ordrupgaard

Au bain

Et bien sûr, on l’attendait et il est bien là : l’avant-gardiste Paul Cézanne, souvent considéré comme annonciateur du cubisme, nous ravit avec ses Baigneuses plantureuses, mouvantes et mystérieuses exécutées aux alentours de 1895 ; si belles qu’elles ont été choisies pour orner l’affiche de l’exposition de Jacquemart-André.

La composition, d’un étrange équilibre presque linéaire, a été réalisée en atelier à l’inverse des Impressionnistes qui n’aimaient rien de plus que planter leurs chevalets en plein air. Cézanne a imaginé cette œuvre à partir de croquis de nus réalisés lors de ses visites dans les grands musées français, dont évidemment le Louvre.

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Paul Cézanne, Baigneuses, vers 1895© Ordrupgaard

De belles surprises

De notre côté, l’exposition fut le terrain de véritables découvertes esthétiques. Au creux de la salle cinq, consacrée à la nature en majesté, parmi les Courbet et les Daubigny, on notera la présence d’une discrète peinture signée de l’artiste Jules Dupré. Intitulée Clairière dans la forêt et achevée en 1875, l’œuvre de taille modeste brille néanmoins par sa composition soignée, qui mêle mystère et splendeur, lumière chaude et obscurité angoissante.

L’épais feuillage, représenté par des milliers de touches de peinture, paraît presque animé d’une légère brise qu’on se plaît à imaginer souffler sous nos yeux ébahis. Mais il y aurait encore beaucoup à dire sur ce nouveau parcours temporaire concocté par le Musée Jacquemart-André ! Un seul conseil : allez-y !

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