Article proposé par Exponaute
À l’origine, un constat : il est très délicat de trouver des témoignages féminins émanant de l’ère médiévale. Comme le précise Christine Sciacca, ancienne co-directrice du département des manuscrits au J. Paul Getty Museum et aujourd’hui conservatrice au Walter Art Museum, la majorité des textes qui nous sont parvenus de cette longue période ont été rédigés par des hommes, pour des hommes et concernent des préoccupations purement masculines.
L’historienne de l’art est aujourd’hui la curatrice de l’exposition « Illuminating Women in the Medieval World » (que l’on pourrait traduire par « Enluminer les femmes dans le monde médiéval ») qui se déroule actuellement au Getty Center de Los Angeles (une antenne culturelle dépendant du très célèbre J. Paul Getty Museum). Une exposition pour laquelle il aura été nécessaire de plonger dans les très riches archives de l’institution, en tirer les plus beaux manuscrits enluminés et enfin, chercher à découvrir cette « voix » perdue de la femme dans la longue, très longue période médiévale.
On lui doit également la direction d’un catalogue accompagnant l’exposition et qui vient compléter les vingt-trois manuscrits déjà sélectionnés pour le parcours temporaire, à commencer par un très rare ouvrage de la main de la philosophe et poétesse française Christine de Pizan.
Car il faut bien se rendre à l’évidence : les représentations de femmes dans les manuscrits enluminés médiévaux qui nous sont parvenus sont rares, voire très rares. Parmi les indénombrables rois, ducs, princes, paysans, saints et chevaliers, les femmes font triste mine. On peut croiser de temps à autres quelques saintes, des représentations de reines (cependant minoritaires quand comparées à leurs royal époux), de grandes dames issues de l’aristocratie…
De temps en temps, des paysannes le dos courbé par le labeur arrachent à la terre un maigre bien (mais livrent tout dans le même temps de précieuses informations sur les techniques agricoles d’il y a plusieurs siècles). Une seule figure féminine peut éventuellement faire exception à la règle : la Vierge Marie, figure majeure du christianisme s’il en est.
Il est d’ailleurs assez fréquent de la voir figurée accompagnée de sa mère, Sainte Anne, en train de lui apprendre à lire. Mais la représentation du duo féminin dans cette scène d’enseignement peut dire quelque chose sur le commanditaire de l’ouvrage : le propriétaire du manuscrit était-il une riche dame soucieuse de l’éducation de sa progéniture ?
En admirant ces pages aux couleurs exceptionnellement conservées malgré le temps qui passe, en détaillant les robes et bijoux portés par les dames, en scrutant les décors somptueux entourant les demoiselles, on en apprend néanmoins beaucoup sur la perception de la femme du Moyen-Âge par la société médiévale. L’obéissance et la maternité sont représentées comme des qualités indispensables, des thèmes renforcés par l’utilisation de « Livres des Heures » de petits formats que les femmes emportaient partout avec elle et qui servait à renforcer leur soumission religieuse comme à leur mari.
Et pourtant, dans ces ouvrages richement décorés, saint et religieux portaient des vêtements en adéquation avec la période à laquelle le manuscrit a été enluminé, faisant fi de tout respect historique. Qu’importe ! L’idée était de rendre la dévotion plus forte, l’identification plus aisée.
Parfois, le propriétaire du manuscrit demandait à l’enlumineur de le portraiturer directement à l’intérieur de l’ouvrage, comme ce fut le cas de Denise Poncher, fille de l’officier des finances Louis Poncher qui s’est fait représenter face à un squelette, évidente allégorie de la mort. Une preuve de courage de la part de la jeune fille ? Non, plutôt un Memento Mori : même si tu es une jeune femme noble et favorisée par l’existence, il te faudra mourir, comme tout un chacun.
Hommes de l’extérieur et du pouvoir, femmes de l’intérieur et de la soumission, les rôles ont-ils vraiment évolué de nos jours ? Si les femmes d’aujourd’hui ont évidemment bien plus d’indépendance que par le passé, beaucoup de ces attentes de maternité, de douceur et de religiosité demeurent dans certains esprits.
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