Article proposé par Exponaute

Medusa : le bijou comme objet rituel, au Musée d’art Moderne de Paris

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Des bijoux dans un musée d’art moderne ? Et après tout, pourquoi pas ? C’est là probablement la conclusion à laquelle est arrivé le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris qui, depuis le 19 mai dernier, propose au grand public un parcours innovant et surtout extrêmement intéressant : Medusa, bijoux et tabous. Entre art, histoire, sociologie et artisanat, le cheminement de l’institution parisienne propose un décryptage fascinant de cet objet du quotidien qu’est le bijou. Dans ce focus, décryptons un instant le rôle joué par la parure en tant qu’objet de rites, tout en analysant ses diverses fonctions.
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Reproduction d’une œuvre de Salvador Dalí par Henryk Kaston Ruby Lips, années 1970–80 © Robin Hill

Comment trouver une définition précise du bijou ? Est-il une sculpture portative ? Une œuvre d’art ? Une pièce d’artisanat ? Un talisman ? Un marqueur social ? Plutôt que de trancher, est-il possible d’avancer l’hypothèse selon laquelle il serait tout cela à la fois ? Voilà, en substance, ce que propose d’explorer le Musée d’art Moderne de la ville de Paris, avec l’intéressante exposition « Medusa : Bijoux et Tabous ».

Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si l’institution parisienne a choisi comme titre du parcours une référence à la fameuse gorgone de la mythologie grecque Méduse, qui fascinait par son regard capable de transformer les hommes en pierre et repoussait par son apparence terrifiante. Car c’est bien connu : plus on cherchera à ne pas regarder quelque chose et plus il sera pressant de céder à la tentation. Mais de nos jours, peut-on dire du bijou qu’il est une sorte de talisman, s’interroge le musée dans la quatrième partie de l’exposition ? Analysons ensemble cette question.

Andreas Pauly - Estate of Evelyn Hoffer

© Andreas Pauly – Estate of Evelyn Hoffer

Loin d’autres expositions parisiennes qui ont pu mettre en avant une ribambelle de trésors tous plus inestimables les uns que les autres (on pense par exemple à l’exposition Cartier qui s’était tenue en 2014 ou plus récemment à la collection du Qatari Al-Thani au Grand Palais), le parcours mené par le Musée d’art Moderne de Paris s’entend avant tout comme une réflexion sociologique. Que doit-on voir dans cette broche en forme de bouche souriante ? Dans ce collier sinuant au cou de la dame comme un serpent ? Dans ces bagues si imposants qu’elles en éclipsent la finesse de celle (ou celui !) qui la porte ?

Le bijou en vérité, n’est jamais un simple objet ornemental, porté pour sa seule valeur esthétique. Au contraire, il est souvent considéré comme un talisman, une protection, un bouclier ou un porte-bonheur. Si aujourd’hui cette image du bijou peut paraître quelque peu désuète, force est de constater que la parure accompagne de son éclat les étapes importantes d’une vie d’homme ou de femme. On s’offre des alliances lors d’un mariage, on perce les oreilles des petites filles, on achète un diamant solitaire à sa bien-aimée, un homme acquiert sa première montre de valeur…

Dans sa dimension religieuse, les personnes croyantes arboreront un crucifix autour du cou ou une étoile de David, comme revendication de ses convictions ou comme simple besoin de se sentir « protégé » par la représentation symbolique qu’une force supérieure qui l’est tout autant. Le bijou en somme, incarne un rite de passage qui scelle ce changement d’une étape à une autre.

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Collier Serpent, Cartier Paris, commande de 1968 © Cartier

Comment alors aujourd’hui, pouvoir espérer ôter du bijou sa portée superstitieuse et symbolique ? Le bijou se met au service de notre personne, représente notre religion (rosaire), notre statut social (décoration par exemple de la Légion d’Honneur), notre rôle hiérarchique (couronne, sceptre…) Il participe à ancrer dans l’imaginaire publique une image que l’on souhaite donner de soi-même, qu’elle soit conforme ou non à la réalité.

Par la suite, cette image elle-même servira de protection éventuelle contre le reste du monde. Bien évidemment, tout cela relève de l’imaginaire : nous accordons à un bijou l’importance, les pouvoirs, les capacités « magiques » que nous souhaiterions le voir posséder véritablement. Mais n’est-ce pas là partie intégrante de toute la complexité de la parure ?

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