Article proposé par Exponaute

Eduardo Arroyo, pionnier de la figuration narrative, à la Fondation Maeght

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L’exposition d’été de la Fondation Maeght célèbre l’un des pionniers de la figuration narrative et icône majeure de sa génération : le peintre espagnol Eduardo Arroyo. A travers une riche rétrospective rendant compte de l’essentiel de la production de l’artiste depuis les années soixante à aujourd’hui, l’institution nous convie à une déambulation tant historique qu’humoristique dans l’univers facétieux d’un très grand et captivant peintre.
14.ARROYO.Dans le respect des traditions, 1965 +

Eduardo Arroyo, Dans le respect des traditions, 1965 © Adagp Paris 2017. Photo DR.

« Dans le respect des traditions » est le titre choisi, non sans une certaine ironie, par Eduardo Arroyo pour désigner l’exposition-rétrospective que lui consacre la Fondation Maeght, à Saint-Paul de Vence, jusqu’au mois de novembre prochain. Peintre mais aussi sculpteur, dessinateur, Eduardo Arroyo n’a jamais abandonné sa passion pour l’écriture. Il confiera lui-même n’être « qu’un peintre qui fait beaucoup de choses, qui se balade de l’écriture à la poésie, de la sculpture à la scénographie, pour arriver à la peinture, et peindre avec plus de force ».

Eduardo Arroyo convie dans son œuvre la grande Histoire, l’histoire de l’art, la politique, autant de références qu’il s’applique à déjouer, à détourner, à réécrire avec beaucoup d’esprit, de malice et de fantaisie. Déambuler dans l’univers d’Arroyo c’est aussi partir à la rencontre de personnages familiers, de van Gogh à Napoléon, de la Reine d’Angleterre à Dorian Gray, en passant par sa réinterprétation toute personnelle de quelques-uns des plus grands chefs-d’œuvre de l’histoire, de la Ronde de Nuit de Rembrandt à l’Adoration de l’agneau mystique peint par les frères Van Eyck au XVe siècle. Chacune de ses toiles raconte une histoire, une fiction narrative augmentée d’un sens aigu de la mise en scène et d’une grande attention portée à chaque détail.

16.ARROYO.Double portrait de Bocanegra ou le jeu des 7 erreurs, 1964 (1)

Eduardo Arroyo, Double portrait de Bocanegra ou le jeu des 7 erreurs, 1967 © Adagp Paris 2017. Photo DR.

Enfant de la guerre d’Espagne, qu’il fuit en 1958 contre le régime franquiste pour s’installer à Paris, le pays natal de l’artiste n’aura de cesse d’imprégner son œuvre telle une obsession toute sa vie durant. Elle donnera jour à des toiles puissantes en écho aux assassinats politiques et l’oppression subie, à l’instar de La mujer del minero Pérez Martinez llamada Tina es rapada par la policia, dressant le portrait de Tina, femme de mineur, symbole de la résistance mais surtout de douleur.

Le double portrait de Bocanegra ou le jeu des sept erreurs est le tableau le plus ancien de l’exposition, daté de 1964. Il représente deux toréadors qui se font face et s’observent de manière extrêmement violente, les deux poings serrés et fermés. Au centre, tombent du ciel des fleurs sur une sculpture représentant la colonne coupée des cimetières, symbolisant la mort.

03.ARROYO-Sylvia Beach fete - 2016-2017 +

Eduardo Arroyo, Sylvia Beach fête la publication d’Ulysse de Joyce dans la cuisine d’Adrienne Monnier, 2016–2017 © Adagp Paris 2017. Photo Claude Germain.

Les figures littéraires et les « doubles » sont fortement présents dans l’œuvre d’Arroyo, comme l’illustre à merveille le diptyque qu’il réalise récemment en 2016–2017, Sylvia Beach fête la publication d’Ulysse de Joyce dans la cuisine d’Adrienne Monnier. Libraire et éditrice américaine, Sylvia Beach a tenu la librairie Shakespeare and Company à Paris, qui publiera en 1922 le roman Ulysse de James Joyce, alors qu’il fut interdit aux Etats-Unis pour son caractère obscène.

Dans ce tableau coupé en deux, on reconnaît le portrait de Joyce suspendu au mur de la cuisine d’Adrienne Monnier (compagne de Sylvia Beach), tandis que son double la regarde ; « chacun reconnaîtra Sylvia Beach », nous précise-t-on. « Les deux femmes se font face, elles fêtent la sortie du livre de Joyce, l’atmosphère est tendue, une lune monte dans l’empyrée de la cuisine. L’astre est bleu comme la mer où navigua le chercheur de passes inventé par Homère et comme la couverture de la première édition en anglais d’Ulysse.  », écrit Daniel Rondeau à propos de ce tableau.

13.ARROYO.Titan White Rembrandt I, 1969 (1)

Eduardo Arroyo, Titan White Rembrandt I, 1969 © Adagp Paris 2017. Photo DR.

La figure double est aussi reprise avec le tableau Hodler et son modèle, réalisé en 2017. Ainsi les jeux d’images, le théâtre, la nuit, font aussi partie des thèmes de prédilection d’Eduardo Arroyo qui par ailleurs reprend la thématique du portrait et de l’autoportrait, détournés par l’usage de masques et de travestissements, le plus souvent autour de grands personnages historiques ou de figures de pouvoir.

Parmi elles, Arroyo reprend la figure de Winston Churchill. Il s’adresse non-pas à la figure politique que l’on connaît mais plutôt à celle de Churchill peintre, qui laissa derrière lui un propos souvent repris s’agissant de sa pratique de la peinture, dont il disait que que l’essence même de la peinture était de « rendre vivant un cm² de toile ». Ce qui n’empêcha pas Arroyo de rendre hommage à ce peintre « du dimanche »  qu’il était, avec un petit théâtre à haute charge humoristique, Titan White Rembrandt I.

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