Article proposé par Exponaute

Steven Pippin et ses facéties photographiques au Centre Pompidou

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Transformer une machine à laver en appareil photo, cela vous semble une idée hautement saugrenue ? C’est pourtant à cet exercice qui peut légitimement faire lever un sourcil (ou deux) que s’est livré l’artiste britannique Steven Pippin, parmi tant d’autres expérimentations plus improbables les unes que les autres. Ingénieur de formation, le créateur bricole, imagine, invente, fabrique, pour obtenir des résultats qui se jouent de la limite existant entre photographie et performance. Décryptage du nouvel accrochage de la galerie de photographie du Centre Pompidou, visible jusqu’au 11 septembre prochain…
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© Steven Pippin

En plein milieu du désert du Qatar, un Rolleiflex âgé d’au minimum une cinquantaine d’années prend feu, posé sur un trépied, face à l’immensité infinie de sable brûlant. Quelques pas plus loin, un boîtier double-objectif de la marque japonaise Mamiya est pulvérisé d’une balle de révolver. Enfin, dans une vitrine trônant au beau milieu de l’espace d’exposition temporaire du Centre Pompidou, des appareils photos argentique comme reflex sont exposés, coupés en deux, démontés, bidouillés, malmenés… mais toujours fonctionnels.

Enfin, dans une certaine mesure, tout du moins. Ne sachant pas vraiment si nous venons de pénétrer dans le laboratoire d’un savant fou ou dans le garage d’un inventeur de génie, nous voici à nous promener dans l’exposition temporaire du Centre Pompidou consacrée à l’artiste contemporain Steven Pippin.

Aux murs, des photographies en noir et blanc pour leur grande majorité (Pippin n’a opté que très récemment dans sa carrière pour les clichés en couleur) déchirées, brûlées, flou, abstraites. Il est parfois difficile de déterminer le sujet de l’image, tant celui-ci est noyé dans l’imprécision de l’exécution. Mais c’est précisément ce que recherche l’artiste mis en avant par Beaubourg jusqu’au 11 septembre prochain.

Laundromat-Locomotion (Walking in Suit) 1997 by Steven Pippin born 1960

Steven Pippin, Laundromat-Locomotion, 1997 © Steven Pippin

Pippin le facétieux invente, tout le temps, parfois avec les outils les plus triviaux possibles. Ainsi développe-t-il des sténotypes dans les toilettes du train réalisant la liaison entre Londres et Brighton. Ou alors parvient-il à sortir de son réfrigérateur un cliché rudimentaire d’une boîte de six œufs, posés à même le sol, noyés dans une brume blanchâtre créée par le procédé imparfait de développement de l’image.

C’est cela, l’univers de Steven Pippin : créer des outils improbables, dont il tire des images rudimentaires ; tandis que dans le même temps, celui-ci cherche à rendre hommage aux premiers pas de la photographie en plein XIXe siècle. Ainsi, cet hommage rendu au pionnier britannique de la photographie, Eadweard Muybridge, qui réalisa une série de photographies en noir et blanc composée d’un cheval lancé au galop avec son cavalier.

On découvre ainsi, dans la série de photos documentaires Laundromat Locomotion, un Steven Pippin bombe sur la tête et cravache à la main, chevaucher un cheval lancé au trot dans une laverie de la banlieue de Londres. Les machines à laver le linge ont bien sûr, au préalable, été transformées en appareils photo rudimentaires, et celles-ci prirent une série de clichés au passage du jockey d’un jour.

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Steven Pippin, Self portrait with photobooth, 1987 © Steven Pippin

Steven Pippin propose-t-il là une réaction à l’essor de la photographie numérique ? C’est en effet à la toute fin des années 1980 que les premiers boîtiers reflex numériques font leur apparition sur le marché de l’image. Et à la même époque, l’artiste se fait connaître avec ses premières expérimentations, créant des bains de développement dans des toilettes publiques ou transformant un photomaton de sorte à ce qu’il puisse prendre une image de l’extérieur de la cabine. Toujours est-il que cet accrochage atypique a tout pour surprendre le visiteur.

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