Article proposé par Exponaute
Lorsque l’on évoque le nom de Paul Cézanne, se glisse immédiatement dans nos esprits les portraits chamarrés de cet homme du sud, qui passa une grande part de sa vie à mener d’indénombrables allers-retours entre Paris où bouillonne le monde de l’art et son Aix-en-Provence de cœur, où naquit son indéfectible amitié avec l’écrivain Émile Zola.
On perçoit en pensées les paysages d’ocre et de jaune réalisés dans sa région natale baignée d’un soleil écrasant, on se remémore ses natures mortes aux lignes fracturées, annonciatrices d’une modernité encore en incubation. « Je vais étonner les parisiens avec une pomme ! » se plaisait-il à déclarer, confiant dans son art et dans ses visions modernes.
Pourtant, il est une frange du travail pictural de Paul Cézanne qui demeure mal connue, peu voire pas étudiée et en cela, le Musée d’Orsay réalise une véritable première en concevant cette exposition temporaire à découvrir jusqu’au mois de septembre prochain. Cette branche du travail du peintre, c’est celle consacrée au portrait.
Comme beaucoup, Paul Cézanne commença par représenter ce qu’il connaissait peut-être le mieux : son propre visage. Dans le parcours temporaire de l’exposition, on ne comptabilise plus les autoportraits, dont ceux de début de carrière se retrouvent à porter les stigmates d’une violence d’exécution rare dans l’art de la fin du XIXe siècle. Cézanne appose ses couleurs par des touches particulièrement épaisses, qui confèrent puissance mais aussi volume à ses traits représentés sans concession.
Cernes, yeux injectés de sang, teint sombre… L’artiste, dès ses jeunes années de peintre, donne un coup de pied dans la fourmilière du Salon en refusant les compositions classiques accolées au domaine du portrait, suivant un itinéraire esthétique qui lui est propre, plus sinusoïdal que direct, mais il y glane assez rapidement son objectif premier : être considéré comme un créateur hors-norme.
Sa hardiesse surprend, ses touches de couleurs brutales rebutent, sa frontalité choque, ses expérimentations étonnent. Là où un visage doit être réalisé avec la plus méticuleuse des touches, Cézanne lui, les exécute au couteau à palette. Impossible de se surprendre, dès lors, lorsqu’on apprend que Cézanne est considéré comme le père de la modernité en peinture, tant il osa aller loin dans ses recherches, ses tentatives.
Ami du groupe des impressionnistes, en particulier avec Camille Pissarro, le peinte originaire du sud de la France a su se nourrir au milieu des années 1870 des recherches de cette école artistique qui fut, pourtant, si décriée au moment de sa création. Cézanne, lui aussi, décomposa le spectre de la lumière sur ses portraits, n’hésitant pas à utiliser des aplats de bleu, vert et mauve sur les traits des amis qui lui servent de modèle.
Mais dans cette brusquerie d’exécution, il est impossible de ne pas déceler une grande sensibilité. Et l’illustration la plus éloquente de cette affectivité émanant de l’artiste se décèle dans sa série de portraits consacrés à son épouse, Hortense Fiquet.
Les liens du couple furent orageux pendant de longues années, les deux amants se confrontant au refus du père de Cézanne de voir les amoureux s’unir par les liens du mariage (leur fils, d’ailleurs, naîtra hors-mariage mais sera néanmoins immédiatement reconnu par le peintre). Pourtant, au milieu des années 1875, le couple parvint à se redécouvrir et Cézanne exécuta de très nombreux portrait de sa compagne, célébrant la constance et la tranquillité de cette femme sur laquelle, il le savait, il pouvait se reposer sans crainte.
Aussi le visiteur sort-il de cette exposition consacrée aux portraits de Paul Cézanne le cœur gros d’émotions et de ressentis nouveaux. Cet accrochage nous donne en effet à voir un tout autre peintre que celui que l’Histoire de l’art retient traditionnellement. Nous avons vu le peintre vieillir, ses conceptions de l’art évoluer, ses amitiés se faire et se dénouer au long des aléas de l’existence. Et toujours, ces recherches picturales sans concession, pures et exaltées.
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