Article proposé par Exponaute
Pour suivre le cheminement de l’existence d’Alfred Sisley (1839–1899), il suffit de jeter un œil à ses toiles. Alors, nous suivons à la trace et avec un plaisir indicible les pérégrinations de l’artiste qui puise ses racines du côté d’Albion : la banlieue parisienne, la campagne de Hampton Court, les champs de Bougival, les pavés de Marly-le-Roi, le calme de Moret-sur-Loing. Tous ces lieux de villégiature, de part et d’autre de la Manche, ont cependant un point commun : leurs paysages préservés ou à peine modelés par le monde paysan.
Doté d’une sensibilité exacerbée, Alfred Sisley ne pouvait que logiquement se tourner vers les hautes sphères de l’art, délaissant bien rapidement le commerce florissant de textile auquel le destinait initialement son père. Le jeune artiste ne tarda pas à s’en convaincre : il n’était pas fait pour compter les pièces sonnantes et trébuchantes, ni donner des ordres à des ouvriers. Il ne se sentait à l’aise qu’au beau milieu du spectacle infini et prodigue de la nature.
Avec ses compères artistes Monet, Pissarro, Renoir et Bazille, Alfred Sisley fait partie de la Pléiade du mouvement impressionniste, inspiré comme il l’était par l’influente école de Barbizon, au sein de laquelle brillèrent tout particulièrement Corot Millet. Alors, dans les traces de ces prestigieux prédécesseurs, Sisley exécuta ses premières peintures à l’huile aux abords de la forêt de Fontainebleau, poursuivant leur œuvre de définition des codes de la peinture de paysage.
Touche légère, fugacité d’une variation d’atmosphère saisie pour l’éternité, ombres noires, bleutées, ou mauves selon la luminosité d’un instant et toujours, clé de lecture du mouvement Impressionniste : cette rapidité d’exécution exigée par la peinture sur le motif. Une fois le chevalet planté au milieu de la forêt ou dressé sur une colline surplombant la vallée de la Seine, il convient de voir vite, reproduire rapidement, jeter sa sensibilité par cette fenêtre vierge qu’on appelle toile.
Un nuage léger ne s’attarde que quelques minutes devant l’éclat d’un soleil estival, il s’agit alors ne de pas perdre de temps. Et ce même temps s’écoule pourtant lentement, si lentement, entre les murs de cette nouvelle exposition temporaire de l’Hôtel de Caumont, à Aix en Provence.
Deux éléments, presque obsédants, innervent le travail pictural d’Alfred Sisley : l’eau et le ciel. La première joue volontiers le rôle de miroir du second. Aux abords de la ville de Bougival baignée par la Seine, sous les ponts modernes de la Révolution Industrielle de Hampton Court, aux abords de l’ancien abreuvoir de Marly-le-Roi, Sisley peignait d’abord, immanquablement, les ciels et leurs couleurs chamarrées.
Puis, il se tournait vers le monde aqueux, sur la façon dont le miroir à la surface légèrement troublé par une brise printanière reflète les humeurs du firmament. Des hommes, aucune trace. Ou si peu ! Pauvres silhouettes esquissées d’un bout de pinceau timide, des taches courbées sous la pluie comme sur une estampe de Kuniyoshi, des ombres qui se mêlent à celles, longues et tremblantes, projetées par les arbres sur une allée en bord de fleuve.
Ce ne sont pas les hommes, ni leurs constructions, qui intéressent Sisley. Tout au plus se livra-t-il à un exercice similaire à Claude Monet face à la cathédrale de Rouen : l’impressionniste exécuta une série de toiles consacrée à Notre-Dame de Moret-sur-Loing, retiré des foules et l’âge arrivant, toujours plus admirateur de la lumière fugitive, de la couleur insaisissable, de la beauté indicible. Mais inlassablement, jusqu’au bout, avant que ne l’emporte un cancer foudroyant, Sisley revint au paysage, châsse des émerveillements qu’il rechercha inlassablement pour tenter de les apposer sur une toile.
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