Article proposé par Exponaute

Lee Ungno, une histoire de foules et de lyrisme au musée Cernuschi

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En France, hormis de quelques spécialistes de l’art asiatique, le nom de Lee Ungno demeure malheureusement peu connu. Pourtant, en Corée du Sud, il est à juste titre considéré comme un des plus grands artistes ayant traversé le XXe siècle coréen, créant au long de sa prolifique carrière aussi bien des calligraphies inspirées de traditions ancestrales que des œuvres tant puissantes que colorées, frôlant l’abstraction pour mieux solliciter notre imagination. Découverte d’un univers touchant et d’un créateur profondément humaniste.
Deux oiseaux

Ung-No Lee (1904–1989). « Deux oiseaux ». Encre de Chine. Paris, musée Cernuschi.

En observant la chronologie de la production artistique de Lee Ungno, il est tout à fait possible de percevoir les divers bouleversements politiques et sociaux qui ont secoué l’histoire de la Corée tout au long du XXe siècle. Dès les années 1930, l’artiste coréen connut ses premiers succès dans son pays natal, exposant des œuvres s’inspirant de la calligraphie asiatique traditionnelle, avec une influence évidente du style japonais ; pays dans lequel il partit étudier à compter de 1937. C’est d’ailleurs une œuvre de cette période précoce qui nous accueille dans le début de la nouvelle exposition temporaire du Musée Cernuschi : « Lee Ungno, l’homme des foules » : une œuvre sur papier, mêlant encre et peinture, représentant un paysage de rizière. Pas un souffle de vent ne semble troubler le cours d’eau qui sinue à travers l’œuvre, seulement ridée par la lente dérive d’une petite barque de bois. Tout autour de l’embarcation solitaire, d’indénombrables coups de pinceaux, rapides, précis, fins, élancés, figurent la végétation typique de ces régions humides du globe terrestre. Mais Lee Ungno aura tôt fait d’abandonner la figuration, au profit d’un cheminement progressif vers l’abstraction.

Sans titre

Lee Ung-No (1904–1989). « Sans titre ». Encre sur papier. 1986. Paris, musée Cernuschi.

En août 1945, tandis que la Corée parvint enfin à se libérer de trente-cinq ans de domination nippone, l’artiste décida de doter sa peinture d’une portée militante, représentant avec tout à la fois force et poésie  les enjeux se dressant face au pays. La production artistique de Lee se fit alors bien plus brute, les aplats de couleurs puissants, les traits larges et pleins de fougues, tandis que le créateur n’hésita pas à voyager jusqu’en Allemagne puis en France pour confronter ses propres connaissances esthétiques aux codes occidentaux.

Au cours des années 1960, Lee Ungno fut amené à rencontrer des personnalités influentes de l’art moderne comme Hans Hartung, Pierre Soulages ou encore Zao Wou-Ki. Les idéogrammes coréens devinrent matière d’expérimentation nouvelle, sur la ligne et le vide, la foule se retrouva fourmilière entourée par un silence oppressant sur le reste de la toile. Les inspirations étaient multiples, les productions protéiformes, les aspirations inatteignables. Mais n’est-ce pas cette recherche d’absolu qui nous pousse toujours plus loin vers l’expérimentation de la création ?

Foule

Lee Ung-No (1904–1989). « Foule ». Encre sur papier. 1985. Paris, musée Cernuschi.

Mais l’étape la plus bouleversante du parcours temporaire du Musée Cernuschi demeure probablement celle consacrée à un seul et unique motif, qui tint une place absolument centrale dans toute la création de l’inspirant Lee Ungno : le bambou. Celui-ci fait en effet partie des quatre plantes symbolisant les vertus de l’homme lettré en Asie. Ainsi, que les peintures à l’encre aient été réalisées au cours des années 1924 comme au début des années 1970, le bambou toujours fier, toujours vert, poussant avec force et fougue, demeure comme un totem dans le cheminement artistique de l’artiste.

Nous pouvons comme percevoir la sève courant à travers les feuilles fines et coupantes comme le rasoir de cette plante. Parmi les touches d’encre de chine noire, il convient de laisser vagabonder son imagination. En écartant quelques branche, peut-être parviendrons-nous à discerner la silhouette d’une hirondelle dans ce que nous ne pensions n’être qu’un bouquet de feuillage au premier regard. Il célèbre la nature, la contemplation silencieuse, le renouveau du vivant que rien ne saurait bouleverser.

Sans titre

Lee Ung-No (1904–1989). « Sans titre ». Encre sur papier. 1983. Paris, musée Cernuschi.

Mais il y a, évidemment, encore beaucoup à dire sur ce fascinant parcours. Lee Ungno est de ces artistes qui explorent sans cesse, qui reprennent des styles emblématiques pour mieux se les attribuer, créent de nouveaux langages visuels qui nous inspirent. Vous avez jusqu’au 19 novembre prochain pour vous promener dans ce beau parcours !

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