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Jean Arp au Kröller Müller Museum : la Poésie des formes

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Situé en plein cœur du Parc National De Hoge Veluwe à proximité du petit village néerlandais d’Otterlo, le musée Kröller-Müller baptisé en l’honneur de ses fondateurs, le couple Hélène et Anton Kröller-Müller, propose de poser son regard sur l’un des artistes les plus importants du XXe siècle. Dans la lignée des événements consacrés au centenaire du mouvement De Stijl, et suite au centenaire du dadaïsme, lumière sur la vie et l’œuvre de Jean Arp, artiste chez qui la poésie n’est jamais très loin.
Medium-Arp met Navel-monocle - Arp with Navel-Monocle, 1926, collection Arp Stiftung Berlijn

Arp with Navel-Monocle, 1926 © Collection Arp Stiftung Berlijn

Peintre, sculpteur et poète accompli, Jean Arp laisse derrière lui une œuvre abondante et mondialement saluée. Né à Strasbourg en 1886 d’un père allemand et d’une mère alsacienne, il étudie les beaux-arts avant de se consacrer à l’écriture. Puis, ces deux pratiques artistiques se poursuivront tout au long de sa carrière, n’ayant de cesse de s’inspirer l’une l’autre. En tant qu’artiste et poète, Arp participe pleinement des mouvements artistiques notoires de son époque. Il cofonde le mouvement Dada à Zurich en 1916 dont il deviendra l’un des plus illustres représentants ; puis quelques années plus tard le mouvement Abstraction-Création. Proche des surréalistes et de nombreux artistes de l’avant-garde européenne, sa rencontre avec Sophie Taeuber, artiste-peintre (et âme sœur ?), sera décisive. Sophie Taeuber deviendra sa partenaire artistique et sa femme, le couple s’installera en 1927 à Clamart.

Artiste iconoclaste, usant d’un vocabulaire de formes pluriel, Arp est impossible à classer dans une seule mouvance. De ses formes biomorphiques à ses premiers reliefs, puis ses « langage-objets », ses concrétions et papiers « froissés », les œuvres plastiques, sculpturales et écrites qu’il produit tout au long de sa carrière forment un ensemble complémentaire. Un dialogue qu’a cherché à mettre en lumière l’exposition « Poetry of forms » (la poésie des formes), initiée par le musée Kröller-Müller et pour notre plus grand plaisir des yeux. En effet, c’est la première rétrospective consacrée à l’œuvre d’Arp depuis 1967 (il y a cinquante ans !), un an après sa mort.

Medium-Jean Arp, Configuration ailée - Bottle and Bird or winged configuration, 1925, collection Musee Strasbourg

Configuration ailée, Bottle and Bird or winged configuration, 1925 © Collection musée Strasbourg

Arp commence à sculpter en 1917. Sa plus grande source d’inspiration est ce qu’il appelle « l’atelier de la nature ». Contrairement aux cubistes dont il découvre les œuvres à Paris, Arp ne cherche pas tant à rendre la réalité abstraite qu’à créer de nouvelles formes. Pour lui, l’art ne consiste pas à copier le monde naturel, l’art est lui-même un produit de la nature. L’ensemble de ses activités créatives est ainsi conçue : comme une extrapolation des procédés naturels, tels que la croissance, la métamorphose, la décomposition, le renouvellement.

Au début des années 1920 Arp découvre les formes « décisives » aujourd’hui appelées « biomorphiques », permettant à l’artiste d’explorer le monde naturel sans le représenter directement. C’est par ces formes fluides et organiques qu’il illustrera bon nombre d’ouvrages dada, que l’on retrouve au cœur de l’exposition, tandis que son œuvre plastique se façonnera de manière plus géométrique. Si l’œuvre plastique et dessinée d’Arp se révèlent d’abord en opposition théorique, elles ont néanmoins pour trait commun le souci de la simplification.

Medium-KM 111.939 Jean Arp, Berger de nuages - Cloud Shepherd, 1953

Jean Arp, Berger de Nuages, 1953 © Marjon Gemmeke

L’exposition dévoile ensuite les créations réalisées par Arp et Sophie Taeuber, son épouse, avec qui il crée des collages usant des matériaux et techniques associées à l’artisanat plutôt qu’aux beaux-arts. Carrés de papier coupés à la machine, motifs textiles, sculptures en bois tournés, Arp met en valeur le côté manuel de ces œuvres, ne cherchant nullement à cacher les clous qui les assemblent, comme un pied-de-nez aux règles esthétiques conventionnelles de l’époque. Ses tableaux reliefs deviennent la base de l’élaboration de ce qu’il appellera le « langage-objet », des structures en relief contenant volontiers des assiettes, des nœuds-papillons, des moustaches… toutes sortes de configurations surprenantes, venant souligner la fascination d’Arp pour la rencontre entre le l’image et le mot.

L’année 1930 marque un tournant dans la carrière artistique d’Arp. Une visite à l’atelier de Brancusi, en 1929, serait à l’origine de son retour à la sculpture en ronde-bosse. Arp prolonge ainsi le jeu du hasard éprouvé dans les reliefs, dans la variation des formes qui s’enflent ou se creusent sous ses doigts, via l’usage d’un matériau plus souple : le plâtre. Arp inaugure une nouvelle série de sculptures baptisée les « Concrétions », où les formes se suivent comme s’il s’agissait d’un seul et même être entraîné dans un mouvement perpétuel. Il poursuivra avec la série des « Constellations », représentations poétiques des métamorphoses de la nature généralement peintes en noir et blanc. Arp considèrera ses séries comme le produit d’une collaboration entre l’artiste, le spectateur et la nature.

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Jean Arp, Coquille-Cristal, 1938 © Marjon Gemmeke

La perte de sa mère suivie de peu par celle de l’un de ses plus proche ami, Théo van Doesburg, en 1931, marquera profondément Arp. Sophie Taeuber s’éteint par asphyxie en 1943. Ces décès consécutifs et le début de la Seconde Guerre mondiale auront un impact significatif sur l’œuvre plastique d’Arp, qui matérialisera dans son oeuvre le caractère fugace de la vie. Dans ses « papiers déchirés », Arp déchire les œuvres précédemment conçues avec Taeuber comme pour mieux venir à bout de sa perte, et renouveler à titre posthume la collaboration qui avait joué un rôle prépondérant dans leur vie commune.

A la fin de la Guerre, Arp revient à Paris et reprend la sculpture après une longue pause. Il revient à des thèmes du début de sa carrière, et produit des œuvres de grande taille, notamment les sculptures « Seuils » destinées à être placées en plein air. Ainsi le musée Kröller-Müller grâce à un parcours chronologique et largement documenté, permet de rendre compte du cheminement artistique d’Arp, et des résurgences perpétuelles entre son oeuvre plastique et écrite. Il atteindra l’apogée en 1954, lorsqu’il reçoit le grand Prix de la sculpture de la Biennale de Venise, avant d’être fait Chevalier de la Légion d’honneur quelques années plus tard en 1960.

Medium-Jean Arp, Torse préadamite, 1938 (links - left), Étoile, 1939, photo_ Marjon Gemmeke

Jean Arp, Torse préadamite, 1938 (à gauche) / Etoile, 1939 (à droite) © Marjon Gemmeke

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