Article proposé par Exponaute
Androgyne alchimique. Tel nous apparaît ce drôle d’oiseau : un animal poétique, fruit de l’union de deux grands esprits assoiffés de ce qui est beau, peu importe la forme. Cette charmante créature, qui nous est présentée par Azzedine Alaïa en sa galerie jusqu’au 9 juillet prochain, c’est pascALEjandro, incarnation métaphorique de la collaboration entre le cinéaste-poète-bédéiste-cartomancien-touche-à-tout Alejandro Jodorowsky et Pascale Montandon-Jodorowsky, peintre, créatrice de costumes et de décors. Rarement présenté au public, jamais avec tant d’ampleur, pascALEjandro est l’enfant artistique du couple, spirituel et sentimental, une créature de la création qui porte en elle l’un et l’autre.
Imaginé il y a quelques années, l’androgyne a bien grandi. Assez pour partir à la rencontre de l’autre, du monde. Avec une désinvolture emprunte d’une modestie qu’on ne trouve que chez ceux qui savent à quel point tout compte et que rien n’a vraiment d’importance, Alejandro nous confiait s’estimer trop vieux pour offrir à Pascale un enfant littéral. Tout est dans le littéral. Au-delà de la collaboration artistique, du duo ou de l’à-quatre-mains, pascALEjandro porte avec indépendance le rayonnement d’une énergie partagée : on reconnait la symbolique instantanée de l’un, l’élégance paisible de l’autre, la poésie du couple.
Car c’est dans le fond ce dont il s’agit. De poésie. Que l’on ne distingue pas le cinéaste de l’écrivain, le scénariste du musicien ou du dessinateur. Peu importe, il en va toujours de la poésie, de quelque chose qui se perçoit, qui se construit et qui ne se transmet qu’à coup de tentatives. Voilà pourquoi sur les murs sont écrits des mots, voilà pourquoi la musique de ses films se dilue dans l’atmosphère (films auquel Pascale a ajouté sa touche, films dont pascALEjandro était l’affiche).
Un jour, il y a de cela plusieurs années, Pascale tombe par hasard sur un dessin d’Alejandro : un vieux croquis sans prétention qui saisi pourtant son regard. Ainsi l’idée de pascALEjandro est née : lui dessine quoi que ce soit, elle finalise et colorise. Le résultat surprend l’un comme l’autre, il signifie plus que prévu, mieux que prévu. Les trente dessins exposés chez Azzedine Alaïa, majoritairement créés pour l’exposition, sont autant de caractéristiques qui forgent l’androgyne mis au monde, sa personnalité, son énergie et son indépendance.
Le concept pourrait paraître flou ou hyperbolique, mais ceux qui connaissent d’une manière ou d’une autre le travail de Jodorowsky savent à quel point sa sensibilité lui permet d’être toujours sincère, bien qu’hyperactif. Il s’agit là de créer, encore et encore, de construire, de s’attacher à la poésie au sens pur (et étymologique) avec cette jeunesse qui ne l’a jamais quitté, celle pour laquelle on l’a parfois mal compris, persécuté, celle qui se place entre le Moi et l’Infini, l’originelle, l’essentielle. L’insouciance au fond du regard, la légèreté au bord des lèvres, Alejandro Jodorowsky se livre, encore, son lyrisme exceptionnellement embrassé par la chaleur d’une âme soeur qui l’aide, qui l’aime, qui l’admire, qu’il admire. Rarement on aura vu si touchant.
Exposition pascALEjandro jusqu’au 9 juillet
Galerie Azzedine Alaïa, 18 Rue de la Verrerie
75004 Paris
Ouvert tous les jours de 11h à 19h
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