Article proposé par Exponaute
Sortir de l’exposition « La légende National Geographic » organisée au sein du Muséum National d’Histoire Naturelle, à Paris, nous donne envie de courir dans la bibliothèque la plus proche pour lire et relire les textes les plus emblématiques de Richard Dawkins, Carl Sagan et bien sûr, Charles Darwin. Car si l’on en croit certaines Cassandre, il n’y aurait tout bonnement plus rien à découvrir sur notre globe terrestre, les ultimes frontières ayant été vaincues.
De même, certains présidents à l’improbable houppette peroxydée n’hésitent pas à clamer depuis leur bureau aseptisé que le changement climatique est une illusion, et qu’il est tout à fait logique qu’en 2017, une superpuissance relance sa production de charbon afin de l’utiliser comme source d’énergie. Réaliser seulement quelques pas dans le nouveau parcours temporaire de l’institution parisienne, qui a posé ses valises à l’intérieur de la Galerie de Minéralogie, suffit à comprendre le contraire.
National Geographic, la légendaire revue que l’on ne présente plus, se bat depuis la fin du XIXe siècle pour diffuser, au plus grand nombre, des reportages émouvants mais aussi édifiants sur l’État de notre monde. Un globe pris dans toute sa richesse, habité autant par la faune animale que par nous autres humains.
D’un reportage photographique à un autre, l’on plonge dans l’exode des Afghans face à l’avancée des troupes soviétiques au long de la Guerre Froide, à la découverte d’un regroupement de narvals dans les eaux glaciales arctiques, en passant par la toute première exploration de l’inénarrable paquebot Titanic, dont l’épave (faut-il le rappeler) fut découverte par des scientifiques mandatés par « Nat’ Geo ». Ainsi, le cheminement thématique du parcours temporaire se propose, de la même façon que le fait le fameux magazine, de nous étonner.
Grâce à des autochromes et des tirages de belle qualité de très vieilles photographies, nous partons sur les traces du Machu Picchu qui, en 1911, vient d’être redécouvert par une équipe d’aventuriers qui n’ont rien à envier à Indiana Jones. Jusqu’alors, le monde scientifique n’avait connaissance du site que grâce à une carte incomplète et peu précise, datant du XVIIe siècle.
On chemine d’aventure en aventure, d’émerveillement en émerveillement. Si ce ne sont pas les ruines majestueuses abandonnées par des civilisations dont on ignore absolument tout, c’est dans les profondeurs de la Terre que les images du magazine nous entraînent.
Coi, l’œil peinant à croire ce qu’il admire, le visiteur découvre l’existence de la Mine de Naïca, au Mexique : une grotte contenant des cristaux de gypse de plusieurs mètres de long et où l’homme, sans équipement adapté, ne peut survivre plus de dix minutes du fait de la chaleur étouffante et de l’humidité de l’air avoisinant les 100%.
Notre réflexion se met alors en branle, le doute nous saisit. Peut-on véritablement rester indifférent face à tant de beauté ? Le museau rond d’un renard polaire au pelage immaculé nous interpelle : les régions froides et enneigées des pôles, voilà son habitat. De quel droit polluons-nous l’air au point de provoquer la fonte généralisée des glaces ? Une image nocturne, résultant d’un piégeage photographique, noue notre estomac : on y voit un magnifique puma vaquant à ses occupations vespérales, un collier émetteur autour du cou.
La population de ces somptueux félins décline si drastiquement que les scientifiques sont obligés de les affubler de ces GPS portatifs afin de surveiller leurs déplacements et examiner leur survie sur la surface de notre Terre du XXIe siècle. Avec sept milliards d’individus à nourrir et des nations ne s’exprimant qu’en termes de profit, cette situation ne se serait jamais présentée. Alors, la beauté pourra-t-elle sauver le monde ?
Les images édifiantes saisies par les photographes de National Geographic parviendront-elles à modifier nos actuels paradigmes, nous pousser à enfin abandonner les énergies fossiles ? À moins que nous ne tenions tant que cela à provoquer une dramatique montée du niveau des océans qui viendront submerger les côtes, engloutir les îles, provoquer des déplacements massifs de populations qui amèneront, immanquablement, aux guerres, famines et pandémies.
Cette nouvelle exposition au cœur du Muséum National d’Histoire Naturelle est une somptueuse mais également bouleversante piqûre de rappel sur ce qu’il est en train d’advenir de la planète, par la seule faute de l’être humain. Le discours va bien au-delà de réaliser une hagiographie consacrée à un magazine influent. Et c’est en cela que cette exposition, au-delà d’être instructive, se révèle profondément nécessaire.
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