Article proposé par Exponaute

Walker Evans : un certain visage de l’Amérique, au Centre Pompidou

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Si son nom peut être inconnu du grand public, plusieurs de ses photographies, elles, sont entrées dans la légende. Mais n’est-ce pas là le lot de nombre d’auteurs photographes qui immortalisent tant de visages, tant de scènes, que leur propre nom, au bout du compte, n’importe plus véritablement et s’efface humblement derrière le poids du témoignage ? Walker Evans (1903–1975) ne fait donc pas exception à la règle. Architecture, portraits, photographie de rue… Le Centre Pompidou propose, à compter du 26 avril 2017, un parcours d’une exceptionnelle richesse sur ce grand Monsieur de la pellicule. Visite…
15.Subway portrait

Walker Evans, Subway portrait © Walker Evans – Centre Pompidou

Les textes introductifs à l’entrée de l’exposition nous l’annoncent tout de go mais était-ce vraiment nécessaire ? On s’en rend compte bien rapidement : nous sommes là au cœur de la première grande rétrospective dans une institution muséale française consacrée au photographe américain Walker Evans. Le cheminement choisi par le Centre Pompidou suit une ligne chronologique que thématique, Walker Evans ayant, cela s’entend, des « périodes » artistiques au cours de sa prolifique existence.

Ainsi, c’est en toute logique que les premiers tirages nous accueillant dans cette exposition temporaire représentent des clichés de jeunesse du photographe. Influencé par la littérature moderne, par le vent de changement qui soufflait sur la première moitié du XXe siècle, Evans réalisa aux prémices de sa carrière des clichés fortement conceptuels, où l’abstraction, les effets de reflets, les ombres et les sujets anodins occupent une place prépondérante dans sa recherche esthétique.

Son intention n’étant nullement documentaire, Evans guette l’inquiétante étrangeté, la surprise déroutante et la beauté inattendue dans des scènes de rue captée au hasard, ou dans des autoportraits où l’homme joue à remodeler sa propre image.

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Walker Evans, Main street © Walker Evans – Centre Pompidou

Le temps passe à mesure que nous avançons dans le parcours muséal, nos yeux scrutent les noirs et blancs lumineux du photographe, témoin silencieux mais au regard éloquent d’une période charnière dans l’Histoire des États-Unis. L’étape la plus intense de sa production a en effet eu lieu entre la fin des années 20 et le début des années 40, tant et si bien que Walker Evans se trouvait aux premières loges pour suivre l’évolution fulgurante de celle qui était appelée à devenir la « superpuissance » américaine.

La prospérité des années vingt, l’essor économique fut en effet suivi, on le sait, par le terrible krach boursier d’octobre 1929. Evans parcourut plus que jamais les voies de son immense pays, captant le regard vissé à son œilleton les joueurs d’orgue de Barbarie dans les rues animées de New York jusqu’aux travailleurs aux visages burinés et masqués par la suie des mines de charbon.

14.Allie Mae Burroughs

Walker Evans, Allie Mae Burroughs © Walker Evans – Centre Pompidou

Il photographie, doté d’un puissant souci documentaire, des maisonnettes de bois couvertes de pancartes proposant des denrées alimentaires bon marché, il explore (urbexeur avant l’heure ?) les ruines envahies par la végétation des grandes et fastueuses propriétés des ex-puissants planteurs du sud des États-Unis, il interroge du bout de son objectif discret ces ombres drapées de noir qui se dirigent d’un pas hâtif, où ça ? Difficile à dire.

Mais les clichés à la volée d’Evans semblent tous poser la même question « Où va-t-il ? » Pourquoi semble-t-il si pressé de rejoindre son bureau trop lisse, quand l’Amérique s’enfonce dans la crise économique la plus profonde de son histoire ?

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Walker Evans, Alabama Tenant Farmer © Walker Evans – Centre Pompidou

Cette crise profonde, Walker Evans s’est rendu à sa rencontre, là où elle traça les plus cruels stigmates : dans les campagnes du sud-est des USA. C’est d’ailleurs en Alabama qu’Evans pris ses clichés les plus touchants, cheminant appareil photo à l’épaule jusqu’aux fermes les plus meurtries par les griffes de la Grande Dépression. Là, il rencontre des éleveurs, des métayers, des hommes et des femmes qui se tordent le dos pour extraire du sol coton et maïs.

Sur les tirages d’une fine qualité présentés au Centre Pompidou, le visiteur détaille, le cœur pincé, ces visages marqués par le labeur, la peau brûlée par le soleil, le front creusé par le souci, les joues des femmes prématurément affaissées, les prunelles d’enfants où aucune étincelle de joie ne transparaît. Rien, rien que des visages fermés à double-tour, l’esprit seulement soucieux de la prochaine tâche agricole à accomplir si l’on tient à ce que la table soit garnie avant la survenue du soir.

16.FERME A WESTCHESTER

Walker Evans, Farm at Westchester © Walker Evans – Centre Pompidou

Le parcours du Centre Pompidou est donc indéniablement d’une grande qualité. Complète, précise, l’exposition livre au visiteur un Walker Evans dans tout le spectre de son travail photographique. Un grand artiste fêté par un cheminement d’ampleur, qu’il faut aller voir sans faute.

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