Article proposé par Exponaute

ORLAN investit la Maison Européenne de la Photographie

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Plasticienne, photographe, peintre, sculptrice, performeuse… Difficile de trouver une casquette que cette artiste inclassable ne porterait pas. Immensément célèbre autant en France qu’à l’internationale, célèbre pour ses engagements politiques et sociaux, la grande dame de l’art contemporain est aujourd’hui fêtée par la Maison Européenne de la Photographie. Comment, cependant, parvenir à proposer une exposition complète sur une artiste qui cherche à se renouveler sans cesse ? C’est impossible. Restent les surprises, le propos original et l’hommage évident que propose le parcours temporaire de la MEP. Et ce, jusqu’au 18 juin prochain.
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© ORLAN

« Approchez ! Approchez ! » scande-t-elle d’une voix un peu grave et rocailleuse. Les haut-parleurs installés dans la salle d’exposition temporaire de la Maison Européenne de la Photographie diffusent en boucle les éclats de voix d’Orlan, qui nous invite à nous approcher de l’artiste comme un forain attise la curiosité des passants à l’entrée d’une foire. Orlan propose son image, la présente en tant qu’œuvre-même, la déconstruit, joue avec elle, la repense, la détruit pour mieux la reconstruire.

On s’en rend vite compte après avoir parcouru les nombreux portraits et images qui ornent les murs du parcours temporaire. Car le fil rouge de cet accrochage est bien celui-là : l’image va courir à la manière d’un long fil rouge tout au long du cheminement muséal. Mais de quelle image parle-t-on, exactement ? Pour le comprendre, il faut se tourner du côté de Simone de Beauvoir et de son ouvrage majeur Le Deuxième Sexe.

L’auteure y explique que pour plaire aux hommes (leurs futurs maris), « Il faut être jolie comme une image ». Ou comment définir et contraindre toute l’existence d’un sexe en fonction des attentes faussées du masculin. Orlan, connue pour ses positions ouvertement féministes, s’est dressée toute sa carrière contre les diktats genrés, au point d’en faire une constante de sa pratique artistique.

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© ORLAN

Dans une scénographie qui laisse la part belle au noir et aux forts contrastes, les photographies exposées interrogent avec beaucoup de profondeur, mais aussi un brin de cynisme et de désenchantement, notre rapport au corps. Pourquoi sommes-nous quelque peu gênés face à ces photographies de nue ? Pas de retouche, pas de poses travaillées, pas d’esthétisation. Simplement un homme, une femme, debout, dévêtus. Pourquoi ce dérangement intime face aux attributs sexuels que nous possédons tous, alors que nous ne ressentons pas cette pointe d’embarras face à la paume d’une main où une nuque ?

Orlan bien sûr, n’apportera pas de réponse franche et ferme avec ses créations ouvertement provocantes et ses installations qui détonnent. Son but n’est pas de dicter une façon de penser qu’elle considère juste, simplement de provoquer la remise en question. Et il faut le reconnaître : elle y arrive admirablement.

On retrouve avec beaucoup de bonheur des créations datant des années 1970, ainsi que des œuvres bien plus contemporaines. Parfois, on assiste à un syncrétisme de deux époques, illustrant que les combats esthétiques d’Orlan sont toujours les mêmes, que ses thématiques de prédilection (rapport au corps, féminité…) sont des sources d’inspiration (mais aussi de colère) absolument inépuisables.

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© ORLAN

Car aussi bien dans les années 1980 qu’en 2017, cette question demeure toujours aussi problématique : peut-on affirmer que notre corps nous appartient réellement ? Si oui, la nudité ne devrait rien avoir de choquant. Sinon, il est compréhensible que la société se sente encore choquée par des photographies d’un corps féminin prises sur une table d’opération.

Des pointillés tracés au feutre directement sur la peau nous interpellent : Orlan est sur le point de faire appel à la chirurgie esthétique. Non pas pour se conformer à des impératifs sociétaux, mais pour mieux les moquer et les décrypter. Ces interrogations, profondes, nous font du bien et l’on ressort de la Maison Européenne de la Photographie avec un regard bien plus interrogateur sur les travers de notre époque…

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