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Batman, Superman, Suicide Squad : les supers héros à l’honneur au Musée Art Ludique

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À partir du 31 mars prochain, le Musée Art Ludique de Paris ouvre sa nouvelle exposition-événement. Après avoir mis en avant les héros hauts en couleurs made in Marvel en 2014, il était logique de voir s’ouvrir au sein de l’institution des bords de Seine un parcours consacré au principal rival de la maison d’édition de comic books : DC Comics. Dans un parcours d’une grande richesse, qui mêle aussi bien cinéma, bande-dessinée, pop culture, histoire et société, le visiteur (re)découvre les héros de son enfance… sous un jour bien nouveau.

Jaime Jones, Man of Steel © DC Comics – Wbei

C’est tout d’abord une frise chronologique qui nous accueille dans les salles du Musée Art Ludique. Une (très) longue flèche, ponctuée d’indénombrables dates, images et références. Cependant, la première de toute ne tarde pas à retenir notre attention tout en nous faisant pousser un cri d’exclamation : 1938.

C’est en effet à cette date qu’un personnage emblématique fit sa toute première apparition dans les pages de la revue Action Comics, un héros appelé à connaître une superbe longévité, puisqu’il s’agit de Superman. Difficile de croire que ce personnage imaginé il y a maintenant 79 ans puisse encore se retrouver en tête d’affiche des plus récentes productions à grand public hollywoodiennes.

Et pourtant, nous ne sommes pas au bout de nos surprises quant à cette exceptionnelle persistance des héros dans notre imagination commune, puisque les prochains personnages que nous rencontrerons dans l’exposition nous le prouve : même âgés de presque quatre-vingts ans pour certain, les Superman, Joker, Harley Quinn et Wonder Woman semblent n’avoir pas pris une ride.

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Marshall Rogers, Batman et le Joker, 1980 © DC Comis – WBEI

Pop culture et 7e art

Et pourtant, le Musée Art Ludique semble avoir clairement situé son curseur scénographique sur la volonté de jouer avec la nostalgie des uns et la pop culture des plus jeunes. La nostalgie d’abord, pour les visiteurs de plus de cinquante ans qui retrouvent avec beaucoup d’émotions certaines planches et couvertures des volumes de comics qui ont bercé leur enfance. Flash Gordon, Hawkman et Killer Croc ne sont désormais plus rangés dans nos bibliothèques colorées, mais bien placés sous cadre et verres délicats sous les cimaises d’une institution muséale.

Nostalgie aussi grâce à la présentation de certains costumes inoubliables, comme les fort moulantes combinaisons du film Batman et Robin commis par Joel Schumacher en 1997. Impossible ? Pas tant que ça, comme nous le prouve l’institution des quais de Seine. Il aurait été bien simple pour le musée de se limiter à l’accrochage des planches les plus emblématiques de DC Comics, le tout agrémenté de (superbes) concept-art réalisés pour tous les dérivés de nos super-héros (série télévisée Batman qui fut diffusée en France à partir de 1992, peintures numériques pour la préparation des films Man of Steel et Batman vs Superman du très controversé réalisateur Zack Snyder…)

Mais l’institution va bien plus loin, heureusement. Son but n’est absolument pas de composer un « wall of fame » des plus célèbres héros, mais bien de les replacer dans un contexte socio-culturel, situer une époque, expliquer les raisons de leur naissance : Seconde Guerre Mondiale, naissance du Féminisme aux États-Unis, avancées scientifiques majeures… Et c’est en cela que le parcours devient excessivement intéressant.

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Michael Wilkinson, Batman VS Superman, 2016 © DC Comics – Wbei

Superman chez Nietzsche

Ainsi, la figure bigarrée et un brin cliché de Superman se trouve rapprochée des sculptures tout droit venues de la Grèce Antique. Sur de nombreuses couvertures de comic books, Clark Kent reproduit des postures célèbres de marbres anciens, mettant en avant (parfois avec un « contrapposto » que n’aurait pas renié Michel-Ange)  sa musculature irréelle. Superman s’ancre également dans un contexte politique très particulier. Après le krach boursier de 1929, les États-Unis d’Amérique furent durement frappés par une crise économique sans précédent, qui déboussola la population et ébrécha les incertitudes des plus optimistes.

Superman, par son costume reprenant les couleurs du drapeau américain et son courage inébranlable face aux plus grands dangers, incarne à la perfection le désir du pays de relever la tête et affirmer sa position de puissance mondiale. Le personnage de Superman est d’ailleurs parfaitement placé en contrepoids d’un autre super-héros que nous connaissons tous : Batman, le chevalier noir.

Là où Superman avance visage découvert, costume coloré et attitude un brin « m’as-tu-vu », Bruce Wayne lui, se dissimule via un masque, l’obscurité de la nuit et à travers la peur des hommes pour l’inconnu, l’insaisissable et aussi des chauves-souris. Chaque super-héros a ainsi droit à sa remise en contexte politique, économique et sociale, souvent en faisant appel à des philosophes d’envergure (Nietzsche, Lévi-Strauss, les grandes penseuses féministes Étasuniennes…)

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Frank Cho, Wonder Woman, 2016 © DC Comics

De 1960 à 2017

Mais le présent n’en est pas oublié pour autant, malgré ces indénombrables incursions dans le passé. Celui-ci est d’ailleurs particulièrement affirmé au travers de l’étape de l’exposition consacrée au long-métrage Suicide Squad, sorti sur grand écran en août 2016 aux USA. Le Suicide Squad, c’est cette équipe de justiciers qui apparaît pour la première fois en 1959, mais possède sa propre bande-dessinée à partir de 1987 seulement.

A contrario des héros irréprochables et courageux (même si chacun possède sa part d’ombre), les membres de cette équipe de casse-cous improbables sont tous des repris de justice, qui réalisent des missions impossibles en échange d’une remise de peine. Pas de quoi porter haut les valeurs de l’Amérique, mais ce qui démontre aussi que les temps changent, évoluent. Le public se prend étrangement de passion pour ces « super-vilains » déjantés qui ne cherchent qu’à s’amuser et abandonnent toute morale.

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Nathan Crowley, Concept-art pour Batman, The dark knight rises © DC Comics – WBEI

Mais nous pourrions rédiger encore de longs paragraphes sur cette exposition qui ne cesse de nous surprendre, à chaque étape. Que l’on soit un lecteur nostalgique des comic books des années 1960, que l’on soit un tout jeune trentenaire qui se souviendra avec émotion du déguisement loufoque de Danny de Vito (grimé en méchant Pingouin) dans Batman Le Défi de Tim Burton, ou un jeune fan du tout dernier Suicide Squad qui trépigne d’impatience face à l’arrivée imminente d’un film consacré à Wonder Woman, toutes les générations y trouveront leur compte. Intelligent, malin, riche et distrayant à la fois, c’est encore un sans-faute pour le Musée Art Ludique !

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