Article proposé par Exponaute
Nous tous, qui nous nous promenons d’une œuvre à une autre dans le nouveau parcours temporaire du Musée du Louvre, ne serions-nous que de vulgaires voyeurs pénétrant par effraction dans l’intimité d’un intérieur de jeune femme ? C’est pourtant la sensation qui se dégage du tableau peint par Johannes Vermeer vers 1670 et qui nous occupe aujourd’hui : Femme écrivant une lettre et sa servante.
Cet intérieur, nous avons le sentiment de bien le connaître, et à raison : cet arrangement est fréquent dans les tableaux de Vermeer et plus largement aussi, dans les contemporains de celui-ci (Gerard Dou, Gabriel Metsu…) Le lourd rideau de velours vert qui occupe le premier plan a semble-t-il été écarté par une main indélicate, désireuse de surprendre les deux jeunes femmes qui nous font face dans leur intimité et dans une occupation innocente qui ne regarde qu’elles deux.
Pourtant, l’épaisseur du tissu n’ôte rien à la luminosité de la scène, assurée par la fenêtre de gauche, qui alterne des carreaux transparents et colorés. Le voilage blanc, accolé à la vitre, vient rehausser cette luminosité bienvenue.
Nous sommes résolument dans un intérieur luxueux : tissus lourds, fenêtre finement ouvragée à l’aide de plombures, sol couvert de dalles de marbre blanc et noir… Et sur ce dallage justement, repose le premier indice que nous livre Johannes Vermeer sur le sens de cette toile de taille modeste. Un jeu de piste qui n’a rien de surprenant dans le registre de la peinture de genre comme l’aimait les peintres néerlandais : le principe est de toujours chercher à voir au-delà de ce que nous montre la peinture, de sorte à découvrir une autre vérité…
Que trouve-t-on, reposant à même le sol ? Une lettre, pliée à la hâte ainsi que son enveloppe un peu froissée. Juste à côté des petits papiers, un bâtonnet de cire rouge que l’on utilisait pour cacheter le courrier et enfin, un rond de couleur orangée, probablement le cachet de ladite lettre qui vient d’être ouverte, comme avec empressement. La couleur chaude de la cire n’a pas été choisie au hasard par Vermeer, celui-ci voulait résolument (mais discrètement) attirer l’œil du spectateur sur ce petit élément, discret, mais qui peut en dire long.
Notre œil remonte alors vers la table qui occupe le centre de la composition. Une jeune femme, aux traits fins et d’une grande beauté, est absorbée dans la rédaction d’une lettre, un lourd encrier de métal posé à sa gauche. Elle ne sait pas qu’elle est épiée par nous, visiteurs du parcours, elle ne se doute pas que ce moment d’intimité où elle ouvre son cœur à un correspondant est observé par des inconnus. L’émotion est là, palpable.
Après tout, nous sommes au début de la rédaction du courrier (la plume de la jeune fille est positionnée en hauteur sur la feuille de papier), ce qui indique que nous arrivons après un autre moment d’émotion : celui de la lecture de la lettre reçue, et qui a provoqué cette mise au travail immédiate. Pourquoi un tel empressement ? La dame au centre du tableau écrit-elle à un proche parent ? À une amie ? Ou peut-être est-ce un amant…
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