Article proposé par Exponaute

Jardin Infini, de Giverny à l’Amazonie au Centre Pompidou Metz

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Ce début de printemps voit la résurgence d’une thématique ayant profondément inspiré de nombreux artistes tout au long du XXe siècle dans le paysage culturel français : celle des jardins. Alors que le Grand Palais vient d’inaugurer l’exposition « Jardins », le Centre Pompidou Metz propose quant à lui une immersion dans ce terreau de toutes les expérimentations artistiques à travers le regard d’artistes essentiellement modernes et contemporains, avec « Jardin Infini, de Giverny à l’Amazonie » ; à découvrir jusqu’au 28 août prochain.
'Cosmic Spring’ By Frantisek Kupka, Dated Between 1913–1914. No higher resolution available!

František Kupka, Printemps cosmique I, 1913–1914, Prague, Národní Galerie v Praze © Adagp, Paris, 2016

Terrain de toutes les métamorphoses et de toutes les mutations, le jardin sort de son espace clos et ordonné et devient le laboratoire d’expérimentations artistiques des plus singulières. Dans un parcours scindé en deux temps, l’exposition « Jardin Infini, de Giverny à l’Amazonie » propose de réévaluer la place du jardin comme un territoire plastique mutant, source de raffinement extrême autant que d’exubérance, de fascination autant que de subversion.

Le visiteur pénètre d’abord dans un jardin sombre et cosmique, rappelant l’aube du XXe siècle où la quête symboliste des origines du monde contamine les arts plastiques. A cette époque, certains artistes s’emparent des problématiques de la botanique pour représenter l’émergence du vivant. Le peintre tchèque Frantisek Kupka utilise les nuées abstraites pour évoquer la fermentation d’une matière vivante, embrasée par les mécanismes de l’univers ; tandis qu’Hilma af Klint, figure pionnière de l’abstraction, fait entrer la spirale comme motif récurrent de son œuvre pour traduire la croissance et l’évolution.

Datierung: 1928Material/Technik: Gem‰lde / ÷l auf LeinwandBildmafl: 91,4 x 72 2,5 cm, Artist: Yves Tanguy

Yves Tanguy, Le Jardin sombre, 1928, Düsseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen © Adagp, Paris, 2017

Très vite, le jardin battant le pouls des saisons cristallise le mythe de la mutation universelle ; il se veut le terrain d’éclosion mais aussi de décomposition, de fécondité et de stérilité, de vie et de mort de toute chose. Des forces élémentaires qui fascinent les surréalistes : Yves Tanguy crée en 1928 « Le jardin sombre », témoin d’un monde en pleine gestation aux teintes ténébreuses ; Max Ernst donne naissance à ses énigmatiques « Fleurs de coquillages » en 1929.

A partir des années 1950, la terre devient la substance active de performances, les artistes défrichent, enterrent et déterrent, jusqu’à parfois se livrer dans des corps à corps proches de la lutte avec celle-ci. Ce fut le cas de l’artiste Kazuo Shiraga qui réalise en 1955 une performance devenue emblématique du mouvement d’avant-garde japonais Gutai.

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Jean Dubuffet, Jardin au sol, automne 1958,  Collection Fondation Dubuffet, Paris © Fondation Dubuffet/ADAGP, Paris, 2017

L’exposition permet aussi de (re)découvrir la passion profonde que vouait Jean Dubuffet à la texture des sols. Dans son atelier de Lubac, le peintre devient une sorte de sismographe : il observe les jardins mal soignés des environs dont il contemple « la terre sableuse et pierreuse », les menues plantes au ras du sol ; prélevant arbustes, pierres et gazon dans la campagne vençoise qu’il dit « arracher comme des lambeaux de peaux ». De là naîtront ses « célébrations du sol », « matériologies » ou encore « messes de terre », traduisant son adoration pour la terre lourde et fertile, travaillée à la main, qu’il redresse ici à la verticale.

Après Goethe, les observations de Darwin sur les plantes carnivores et la sexualité des végétaux alimentera un imaginaire fertile ouvert à l’imprévisible, à l’hybridation et la mutation ; Odilon Redon donnera naissance à des gravures peuplées d’improbables créatures mi-végétales, mi-animales, mi-humaines ; tandis que la micro-photographie et le time-lapse rendront tangibles des réalités invisibles.

Suite au désert de l’hiver, le parcours de l’exposition fait place à la pollinisation : les semences qui sommeillaient dans les friches explosent tandis que les oeuvres se parent de leurs plus belles couleurs. De Wolfgang Tillmans à Parmigiani, fasciné par la lumière dans toute sa force, le jardin devient lieu de régénération et d’exacerbation des passions. Le regard d’artistes contemporains est convoqué, notamment à travers la question de consommation de plantes aux effets psychotropes, et comment celles-ci nous emmènent dans un état modifié de conscience.

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Ernesto NETO, Flower Crystal Power, 2014, Photographe : Tony Prikryl

L’exposition se poursuit dans une scénographie entièrement décloisonnée au sein d’installations immersives, prenant comme point de départ mental « Les Nymphéas » de Claude Monet, et le combat politique qu’il dut mener pour l’acclimatation de ses plantes exotiques. De Monet à Pierre Huygues, le parcours permet de rendre compte de la manière dont Giverny est une source d’inspiration pour de nombreux artistes, de différentes manières.

La suite du parcours aborde un regard critique sur les motivations économiques et politiques qui sous-tendent les phénomènes de transplantation et de colonisation, avec les oeuvres d’artistes comme Yto Barrada et Gabriel Orozco. Dominique Gonzalez-Foerster élabore un diorama tropical dans la lignée d’une série d’installations inspirée des dispositifs scénographiques illusionistes du XIXe siècle, servant à « encapsuler » une nature factice ; reconstituant une jungle artificielle.

L’exposition se conclue par une installation immersive et olfactive à mi-chemin entre la sculpture et l’architecture, proposée par l’artiste brésilien Ernesto Neto. Composée de mélanges d’épices, de fleurs et de pierres thérapeuthiques, Flower Crystal Power (2014) convoque la forêt amazonienne et invite le spectateur à une expérience de perception accrue, de fusion totale avec le corps végétal.

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