Article proposé par Exponaute

Karel Appel et la peinture gestuelle, au Musée d’Art Moderne de Paris

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Jusqu’au 20 août prochain, le Musée d’art Moderne de la ville de Paris consacre une exposition majeure dédiée à une figure incontournable de l’art du XXe siècle, le néerlandais Karel Appel, qui passa la plus grande partie de sa vie en France. Grâce à une donation d’un ensemble exceptionnel de vingt-et-une œuvres phares, l’exposition met en perspective toute la diversité de l’œuvre de l’artiste à travers plus de soixante années de création.

APPEL 1

Monde animal, 1948, Huile sur toile, MaM Paris, Photo Fondation Karel Appel © Karel Appel Foundation / ADAGP, Paris 2017

Le nom de Karel Appel est indissociable du mouvement CoBrA dont il est l’un des membres fondateurs en 1948 et figure de proue jusqu’à sa dissolution en 1951. Aussi, l’artiste décédé en 2006 aura produit un nombre considérable d’œuvres pendant plus de soixante ans, passant de la peinture à la sculpture, la céramique et l’installation, avec une force gestuelle, une expressivité et une profusion de couleurs incomparables.

Grâce à la donation d’Harriet de Visser, compagne de l’artiste durant les dernières décennies de sa vie, l’exposition « L’art est une fête ! » présente un ensemble complet particulièrement représentatif de la diversité de son œuvre, à travers dix-sept peintures et quatre sculptures qui comptent parmi les œuvres phares de l’artiste.

CoBrA

Peu représenté dans les institutions muséales françaises, Karel Appel a pourtant passé la plus grande partie de sa vie en France. Né à Amsterdam, il se rend à Paris pour la deuxième fois en 1948 à l’occasion d’une conférence sur l’art d’avant-garde organisée par des surréalistes révolutionnaires. Là, en total désaccord avec les propos soutenus par les français, Karel Appel accompagné de Christian Dotremont, Asger Jorn, Constant, Corneille et Noiret quittent l’assemblée et se retrouvent au café Le Notre-Dame, où ils fondent le groupe qui prendra le nom de CoBrA, en référence aux capitales des pays d’origine des artistes (Copenhague, Bruxelles et Amsterdam).

Considérant l’art abstrait comme trop académique et rigide, ces artistes prônent un art spontané presque sauvage, à l’image de dessins d’enfants, de l’art populaire et de l’esthétique primitiviste ; caractéristiques que l’on retrouve dans la première salle d’exposition du MaM. Là, le visiteur fait face aux bricolages réalisés à partir d’objets trouvés de Karel Appel, parmi un ensemble d’œuvres à la touche griffonnée et aux coloris des plus éclatants, iconographie de prédilection de la mouvance. C’est aussi dans cette salle que se trouve le Carnet d’art psychopathologique acquis par Karel Appel en 1947 lors de sa visite à l’hôpital Sainte-Anne, à l’occasion d’une présentation sur l’art pratiqué par les résidents malades ; touché par cette découverte, l’artiste achète la brochure et la recouvre d’illustrations.

Entre Paris et New-York

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© exponaute

CoBrA est dissout en 1951. Les membres du groupe créent de nouvelles associations aux velléités politiques fortes, tandis que Karel Appel poursuit une voie plus solitaire à Paris où il est très vite remarqué par un certain Michel Tapié, personnalité clé de la décennie. Fasciné par la véhémence expressive des peintures de Karel Appel qu’il relie à la tendance « gestuelle » qui se développe de part et d’autre de l’Atlantique avec notamment l’expressionnisme abstrait américain, Tapié ouvre à l’artiste la voie des Etats-Unis en le présentant à Martha Jackson, influente marchande d’art.

Des compositions épurées

APPEL 2

Machteld (série des nus), 1962, Huile sur toile, 195 × 130 cm, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, Photo Fondation Karel Appel © Karel Appel Foundation / ADAGP, Paris 2017

Vivant entre Paris et New-York, Appel s’éloigne peu à peu des thèmes phares des débuts pour se tourner vers les paysages archaïques et le nu, dont l’emblématique Machteld qui représente son ex-compagne décédée prématurément. Appel tient tellement à cette œuvre qu’il finira par la racheter lors d’une vente aux enchères, afin de la conserver avec le plus grand soin.

Parallèlement, sa technique évolue vers une gestuelle beaucoup plus posée et structurée, assagie. En découlent des œuvres à la composition épurée, dans lesquelles il délaisse la couleur pour une atmosphère plus sobre et plus mélancolique. Témoin de ce renouveau pictural, l’immense polyptyque qu’il réalise au début des années 1980 à New-York, mettant en scène des personnages décapités sur un fond peint de noir, de blanc et de rouge évoquant la couleur sang.

Sans titre

© exponaute

L’ensemble du corpus de Karel Appel témoigne aussi d’un nombre important de sculptures, évoluant des bricolages CoBrA aux grandes compositions théâtrales des années 90–2000 réalisées à partir d’accessoires de carnaval et de cirque, dont l’assemblage témoigne néanmoins d’une certaine mélancolie. Le parcours de l’exposition se conclue par une « œuvre-testament » méconnue, réalisée peu avant le décès de l’artiste en 2006. Sur cette œuvre se trouve l’inscription suivante : « Feetje ? », qui signifie littéralement « petite fête », ou une invitation à envisager l’art comme une fête.

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