Article proposé par Exponaute

L’ombre et la flamme : Valentin de Boulogne au Louvre

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Non content d’avoir défini les codes d’une nouvelle peinture aux tons ténébreux et inquiétants, le Caravage (1571–1610) a laissé dans son sillage d’indénombrables artistes fortement inspirés par sa touche, tant et si bien que l’Histoire de l’art dû leur trouver un nom : les Caravagistes. Couleurs fortes, scènes plongées dans une semi-obscurité, touches de lumière jaune jetée par la flamme vacillante des bougies… Le style est reconnaissable entre tous. Et parmi les représentants les plus brillants de ce cénacle de suiveurs, Valentin de Boulogne (1591–1632) brille par sa maestria. Le Musée du Louvre lui dédie une belle exposition, jusqu’au 22 mai prochain…
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Valentin de Boulogne, Judith et Holopherne © National Museum of Art, Malte

La scène est connue car très souvent traitée dans l’Histoire de l’art : le beau David, aux traits juvéniles mais cependant déterminés, les sourcils froncés par le poids du destin, présente à un public stupéfait la tête du géant Goliath, qu’il a abattu à l’aide d’une simple fronde. Quelles pensées peuvent bien prématurément strier le front du jeune héros, dans la fleur de l’âge ?

Réalise-t-il le poids de la mission divine qui déjà, pèse sur ses épaules ? Mesure-t-il l’importance et l’impact de son geste, avoir terrassé ce démon philistin ? Pressent-il déjà qu’il deviendra le deuxième roi d’Israël ? Nul ne le sait, mais grâce à sa touche élégante, Valentin de Boulogne représente sur son tableau réalisé entre 1616 et 1618 un personnage étonnamment charismatique, dont le teint pâle est rehaussé par la semi-obscurité dans laquelle la scène se trouve plongée.

Face à cette seule peinture, on comprend vite pourquoi Valentin de Boulogne est considéré comme un des plus brillants artistes de la vague du caravagisme et la suite de l’accrochage va nous conforter dans cette impression.

Valentin de Boulogne (1594-1632). Paris, musée du Louvre. INV8255.

Valentin de Boulogne, Réunion dans un cabaret © Musée du Louvre

Originaire de Coulommiers, le peintre ne s’attarda cependant pas en France, attiré comme une phalène  par les éclats de Rome. Là-bas, il sait qu’il a toutes les chances de se former auprès des plus grands et d’obtenir des commandes prestigieuses de la part de riches mécènes. Cependant, les sources hésitent encore quant à la date véritable de son arrivée dans la Péninsule.

Mais cette installation survint probablement entre 1609 et 1614. Et dès son établissement dans la cité éternelle, en effet les commandes affluent. Le parcours suit un cheminement thématique, qui nous permet tout dans le même temps de nous délecter des toiles de cet artiste peu connu, mais dont le Louvre possède le plus important ensemble d’œuvres. Du combat entre David et Goliath, l’on continue dans les sujets bibliques avec une représentation de la Cène, puis l’épisode du Christ chassant les marchands du Temple.

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Valentin de Boulogne, Saint Matthieu l’évangéliste © Château de Versailles

La corrélation entre Valentin et le Caravage saute bien sûr aux yeux, tant par les choix esthétiques que thématiques. Et histoire de pousser encore plus loin le mimétisme, les deux peintres eurent une existence très similaire : volontiers bagarreurs (on dispose de plusieurs plaintes déposées contre Valentin de Boulogne, comme pour le Caravage), mystérieux aussi, il ne data pas ses œuvres avant la toute fin de sa carrière et enfin, comme son maître, Valentin mourut prématurément, à l’âge de 38 ans.

Mais si les deux hommes sont tellement proches, aussi bien dans leurs vies personnelles que dans leur art, pourquoi alors avoir sous-titré l’exposition « Réinventer Caravage » ? Le choix du Louvre s’explique de la façon suivante : si Valentin reprend bien de très nombreuses thématiques chères à Caravage (les scènes de taverne, les jeux de carte, quelques passages bibliques emblématiques), il n’en demeure pas moins qu’il sut transcender le maître et passer outre les critiques que l’on peut adresser au peintre né à Milan en 1571.

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Valentin de Boulogne, David et la tête de Goliath, 1620–1622 © Museo Thyssen-Bornemisza

Caravage était le peintre de la violence, des tensions, des pulsions. Sur son Couronnement d’épines, trois hommes menacent le Christ avec des bâtons tandis que leur fureur bande leurs muscles, qui paraissent prêts à se rompre.  Les sabres sont toujours au claire, on ressent le choc subit par Saint Paul au moment de sa chute de cheval dans le désert, les visages reflètent toujours les émotions les plus violentes.

Les personnages représentés par Valentin de Boulogne, au contraire, démontrent davantage de finesse psychologique, tandis que les couleurs de l’artiste mis à l’honneur par le Louvre sont moins brutales que les clairs obscurs chéris par Caravage. D’où cette réinvention, au-delà d’une simple filiation.

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