Article proposé par Exponaute

Les captivantes offrandes de Gao Bo à la MEP

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Lorsqu’on lui demande pourquoi il a souhaité emprunter le chemin de l’art, Gao Bo répond humblement qu’il se sentait habité par la nécessité d’aimer la vie. En créant, en imaginant, en concevant, peut-être parviendrait-il à exorciser les fantômes de son passé et délivrer des messages authentiques, graciles mais aussi parfois, très complexes. Jusqu’au 9 avril prochain, l’artiste né dans la province du Sichuan en 1964 expose à la Maison Européenne de la Photographie des clichés, bien sûr, mais également des œuvres situées à la charnière de l’installation, de la peinture et de la photo. Et l’espace culturel nous fait également une offrande : celle d’une plongée privilégiée dans le psychisme d’un créateur.

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Le Tibet

Le nouveau parcours temporaire de la Maison Européenne de la Photographie se divise en plusieurs parties distinctes, chacune livrant au regard du monde un éclat, un fragment de l’âme de Gao Bo. Dans la salle principale de la Maison Européenne de la Photographie, retentissent des chants traditionnels tibétains tandis que sur les murs, s’affichent des clichés d’une puissance époustouflante.

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Gao Bo, Tibet, 2009 © BoStudio

Cette force est si saisissante qu’elle fait de ce début de parcours la clé de voûte de l’accrochage entier dédié à Gao Bo. Réalisées à l’aide d’un boîtier argentique, cette sélection d’images réalisées par la MEP parcourt pas moins de dix ans d’existence du créateur chinois. Défiant les lois de son pays d’origine, Gao Bo s’est rendu, pour une quête aussi bien spirituelle qu’artistique, sur les hauteurs du Tibet, province malmenée depuis des décennies par le pouvoir de Pékin.

Ces images, d’une sensibilité artistique poignante, saisissent à la hâte des instants de vie des tibétains, fige les prières des moines, capturent un rayon de lumière sur les hauts plateaux glacés de cette région qui peut vite devenir inhospitalière. Et sur chaque image, en offrande, Gao Bo a tracé des symboles, des formes abstraites, grâce à un pinceau imbibé de son propre sang.

Les mandalas

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Gao Bo, Grand Noir, 2009 © BoStudio

Nous gravissons un premier étage à la Maison Européenne de la Photographie et réalisons tout dans le même temps une gradation dans la découverte du travail de Gao Bo. Si la première étape du parcours s’était essentiellement concentrée sur son œuvre photographique, repensée et remodelée à l’aide de collages et de taches sanguinolentes, ce second moment dans l’exposition nous propose de rencontrer un Gao Bo bien plus ancré dans la modernité et dans les courants de l’art contemporain.

Car l’artiste s’inscrit pleinement dans cette nouvelle vague de créateurs que nous a offert la Chine depuis environ deux décennies. La surprise est de taille, au sens propre comme au figuré. Des portraits nous scrutent, nous fixent à nous donner froid dans le cœur, mais ces visages reproduits sur des tirages au format monumentaux sont en vérité déstructurés, fragmentés, par des balafres rouges faites de tubes de néon à l’éclat sanguinolent et aveuglant.

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Gao Bo, Précepte des pierres, 2009 © BoStudio

Gao Ba choisi de réinterpréter de vieilles images saisies il y a plusieurs années, soit en les divisant, soit en les recouvrant de peintures noire et blanche, avant de les inclure dans des installations étonnantes.

Les disparus

Des visages, des figures, des traits barrés par des banderoles sur lesquelles s’étalent des idéogrammes chinois, indéchiffrables sauf aux initiés. On ignore tout de ces hommes et femmes de prime abord, on se demande bien qui ils peuvent être, jusqu’à ce qu’on lise les cartels ; et alors on comprend et on s’émeut.

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Gao Bo, Disparition de la Figure I, 2009 © BoStudio

Ces personnages sont des condamnés à mort, d’où le titre de cette ultime étape de l’exposition de Gao Bo : les disparus. Là aussi, les images ont été malmenées par l’artiste, dans une rage difficilement contrôlée. L’artiste a volontairement choisi des individus condamnés à la disparition dans une quête inatteignable d’affront fait à la mort. Celle à qui nul ne peut échapper se retrouve ici bafouée, moquée, pointée du doigt.

L’artiste chinois teste sa force, repousse les limites du possible humain et prouve que l’art peut littéralement tout, même garder vivace des souvenirs qui normalement, n’auraient pas dû subsister. Des photographies bouleversantes, pour clore une exposition excessivement intéressante.

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