Article proposé par Exponaute

Du dessin au tableau au temps de Rembrandt, à la Fondation Custodia

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Si les tableaux des grands artistes sont bien sûr connus et admirés tels quels, il est parfois difficile d’imaginer tout le travail qui a été nécessaire, en amont, afin de les réaliser. Esquisses, ébauches, croquis… On essaie, on réfléchit, on hésite, on efface, on recouvre… Et c’est là que les dessins révèlent le véritable processus de création qui existe bien avant le tableau final que nous avons la chance d’avoir sous les yeux. Ce laboratoire d’idées révélé par les crayons, la Fondation Custodia a décidé de le mettre en lumière. La belle exposition « Du dessin au tableau au siècle de Rembrandt » révèle quelques magnifiques feuilles du célèbre peintre, ainsi que de nombre de ses contemporains néerlandais.
Dirck Hals

Dirck Hals, Études d’un homme assis, fumant la pipe, et de deux jambes, 1622–1627 © Rijksmuseum

Dirck Hals, Jacob van Ruisdael, Aelbert Cuyp, Adriaen van de Velde et bien sûr, Rembrandt van Rijn ! Ils sont tous là : le maître, ses élèves, ses suiveurs, ses héritiers. Les artistes bien sûr, mais avant et surtout leurs œuvres. Celles qui sont achevées, les huiles sur toile destinées au grand public, sans oublier l’élément principal de ce riche parcours présenté par la Fondation Custodia jusqu’au 7 mai prochain : leurs dessins. Mais mettre sur pied un tel accrochage n’est pas sans difficultés.

En effet, si aujourd’hui l’Histoire peut s’enorgueillir de préserver d’indénombrables feuilles préparatoires signées de la main des plus grands artistes des temps passés, parvenir à lier ces esquisses avec une œuvre finie n’est pas toujours faisable. Cela demande beaucoup de temps passé en recherche, en concordance, en observation… Si la quête est absolument passionnante pour tout conservateur ou historien de l’art, l’objectif n’est hélas pas nécessairement atteint à chaque fois.

La prédication de saint Jean-Baptiste

Rembrandt Harmensz van Rijn, Saint Jean-Baptiste prêchant, 1634–1635 © Staatliche Museen

Lier les oeuvres

Pourtant pour cette belle exposition présentée jusqu’en mai prochain, l’objectif a été brillamment atteint ! Les visiteurs pourront, au premier étage de l’espace culturel au cœur de Paris, découvrir vingt-et-un tableaux accompagnés d’une centaine de dessins. Des œuvres rares, délicates, précieuses mais surtout, épisodiquement présentées aux yeux du grand public.

Ce sont là tous les ingrédients qui font de cet accrochage une magnifique surprise, en plus d’une plongée excessivement intéressante dans la psyché des grands créateurs. Alors Custodia nous raconte.

Studie zu dem Gemälde „Die Predigt Johannes des Täufers“

Rembrandt Harmensz van Rijn, Personnages de l’auditoire pour le Saint Jean-Baptiste prêchant © Staatliche Museen

Esquisses et brouillons

Au centre du parcours, une magnifique huile sur toile de Willem van de Velde (frère de…) représentant des bateaux néerlandais s’apprêtant à voguer vers d’autres horizons. Et tout auteur du magnifique tableau, trois dessins : des esquisses des divers éléments qui composent l’œuvre finale.

C’est avec beaucoup d’amusement que l’on admire ainsi une grande feuille représentant un fier galion fourmillant de détails qui, une fois sur l’huile sur toile terminée, se retrouve relégué, tout petit, en arrière-plan. Une nouvelle preuve que chez les grands artistes, rien n’est laissé au hasard, chaque détail compte et a le droit à ses études préparatoires, toutes plus minutieuses les unes que les autres.

Aelbert Cuyp (1620–1691) 2

Cornelis Saftleven, Chasseur endormi, 1642 © Collection Maida, Boston

Sens du détail

Si l’on ne devait retenir qu’un seul et unique mot pour désigner la peinture du siècle d’or néerlandais en peinture, ce serait probablement celui-ci : réalisme. Car il faut le reconnaître, que l’on se trouve face au portrait d’un notable du royaume, devant un vase dans lequel se déploie un foisonnant bouquet de fleurs ou admirant une scène pittoresque de la vie paysanne de la Hollande, chaque élément est rendu avec une précision presque chirurgicale.

Alors le visiteur se demande : ces tableaux ont-ils été réalisés au-dehors, d’après nature ? Non. Pour voir les artistes sortir leurs chevalets directement dans les campagnes, il faut attendre l’impressionnisme. Toutes les toiles des maîtres de l’Europe du nord ont été exécutées en atelier. Leur secret résidait dans ces carnets de croquis dont ils ne se défaisaient jamais.

Au rythme de leurs promenades, leurs voyages, leurs séjours, ils croquaient tout, absolument tout, imaginaient parfois, saisissaient beaucoup. Puis, à partir de ces indénombrables feuilles recueillies puis conservées précieusement, ils composaient enfin l’huile sur toile dans l’ombre et le calme des ateliers d’artistes.

Aelbert Cuyp (1620–1691)

Aelbert Cuyp, Études d’une vache et d’un cheval, vers 1650 © Fondation Custodia

Les feuilles sélectionnées pour l’exposition sont, disons-le tout de go, superbes. Avec bonheur, on reste de longues minutes à explorer les traits à la sanguine pour une étude de mains et de pieds (le tout sur la même page !), on admire un Adonis allongé, dans la splendeur de sa nudité (sur le papier bleu, il semble endormi  mais c’est mortellement blessé qu’il apparaîtra sur l’huile sur toile finale), on regarde le plissé compliqué de vieilles redingotes et de bottes en cuir usées par des années de marche.

Tout est sujet à ravissement, à émerveillement. On prend plaisir à découvrir comment les artistes néerlandais des temps jadis travaillaient, et l’on ressort de l’exposition avec l’envie furieuse de filer à la boutique la plus proche acquérir notre première boîte de fusains… !

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