Article proposé par Exponaute

À l’abbaye royale de Saint-Riquier, peinture et photo arpentent la lumière…

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 Dans le cadre magnifique et chargé d’histoire de l’abbaye Royale de Saint-Riquier, en baie de Somme, un magnifique accrochage attend les visiteurs… Une rencontre entre deux univers, deux approches, deux générations, deux artistes, mais pourtant une seule et même quête : saisir la lumière, si particulière, qui nimbe la jolie région de la baie de Somme dans le nord de la France. Le peintre français Alfred Manessier (1911–1993) et le photographe coréen Han Sungpil ( né en 1972 ) ont donc été rapprochés par l’abbaye dans un parcours haut en couleurs et émouvant. Une superbe ode à la nature.
Montage photo - Manessier Han Sungpil

Montage photo – Manessier Han Sungpil © Abbaye Royale de Saint Riquier, 2017

« Voir un monde dans un grain de sable, Et un paradis dans une fleur sauvage, Tenir l’infinité dans la paume de ta main, Et l’éternité dans une heure. » Ces vers très célèbres de l’artiste et écrivain britannique William Blake sont accrochés en bonne place dans la nouvelle exposition de l’abbaye royale de Saint-Riquier.

Comme une invitation à libérer son imaginaire de toute entrave, l’artiste du XVIIIe siècle priait le lecteur de se laisser porter par la seule beauté, où qu’elle fût. Dans un détail, un éclair, un mouvement, un rai de lumière. La lumière. Elle est justement l’invitée de marque du nouveau parcours temporaire de cette abbaye plus que millénaire du Nord de la France, représentée ou captée en majesté par deux artistes que tout semble opposer.

D’abord, il y a le peintre Alfred Manessier, disparu en 1993. Cet artiste non-figuratif, représentant éminent de la Nouvelle École de Paris, est né dans la Somme et y passa la majeure partie de sa vie. D’un caractère contemplatif et un brin solitaire, le peintre passait de longues journées à simplement marcher, sans but précis, sur les interminables plages de la Baie de Somme.

Chercher la lumière

Derniers rayons dans la baie de Somme - Manessier (1) jpeg

Derniers rayons dans la baie de Somme – Manessier © Alfred Manessier – Abbaye royale de Saint Riquier

Là-haut, dans le Nord, lorsque la mer se retire à marée basse, elle le fait sur de très longues distances livrant à notre regard des paysages blancs ou écrus sans fin où la lumière du soleil se reflète dans des miroirs blancs, bleus, crème, éblouissants et dépaysants. Et lorsque le peintre ne vagabondait pas sur le bord de mer, face aux embruns et au sel qui craquelle la peau, il errait à bord d’une petite barque le long des hortillonnages, ces marais entrecoupés de petits canaux, exploités pour les cultures maraîchères typiques de la Picardie.

Puis il y a le photographe coréen Han Sungpil, repéré par l’abbaye de Saint-Riquier à l’occasion d’une résidence. Le jeune photographe, né en 1972 à Séoul, a d’abord commencé par la photographie d’architecture avant de se tourner peu à peu vers le paysage. Lors de sa résidence à l’abbaye royale, il fit une rencontre qui bouleversa sa carrière professionnelle : celle avec la mer qui vient lécher langoureusement les sables de la Baie de Somme.

Seul, appareil photo en bandoulière, il a arpenté les dunes et les lagunes, laissant son regard se perdre vers l’immensité du paysage. Au lointain, il eut la surprise de constater qu’il n’existait pas véritablement de ligne d’horizon: l’eau et le ciel s’enlaçaient, se fondaient l’un dans l’autre dans une unité de bleu, de blanc, de noir, de gris, les couleurs dansant devant le capteur de son boîtier reflex.

Saisir la lumière

Light of Baie du Somme with Venus 1 - Han Sungpil (1)

Light of Baie du Somme with Venus © Han Sungpil – Abbaye royale de Saint Riquier

La rencontre est donc la thématique située au cœur de cette exposition. Une rencontre entre deux personnages que rien ne prédestinait à se rapprocher un jour, entre deux pratiques artistiques, l’une ancestrale, l’autre très récente et entre les éléments dominant la région de la baie de Somme. Tous ceux qui ont eu le bonheur de voyager du côté de cette région septentrionale vous l’affirmeront d’une même voix : la lumière y est unique, indescriptible, ineffable. Elle est tantôt brumeuse, tantôt laiteuse, parfois éblouissante, souvent caressante. Alfred Manessier est parvenu à la saisir, l’immobiliser, l’apposer avec force et amour tout dans le même temps sur ces toiles qui, parfois, frôlent l’abstraction.

Des vagues de tons violents viennent se fracasser contre les étendues de sable à perte de vue, l’eau furieuse qui déferle et emporte tout. Puis il peint le sable qui garde, encore humide, les stigmates du passage de l’océan. Quant à Han Sungpil, il exploite tous les ressorts de la technologie mis à sa disposition pour produire de véritables tableaux photographiques. Filtre dégradé neutre, filtre ND, filtre polarisant, trépied, poses longues nocturnes ou diurnes, contrastes poussés à leur paroxysme…

Ses clichés sont d’une beauté époustouflante et qu’aillent au diable les tristes Sires qui viendront pester contre la retouche (discrète) et les artifices technologiques (usés, pas abusés). L’atmosphère est là, la poésie est palpable, les couleurs embrasent le ciel comme l’eau. Il faut se laisser porter par des émotions pures et envahissantes car nous sommes là face à une très belle exposition, il faut le dire et le redire. La rencontre n’est pas artificielle, elle est évidente. Les ponts entre les œuvres du peintre et du photographe sont flagrants, magnifiques. Un vrai régal.

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