Article proposé par Exponaute
D’abord élève dans l’atelier de Jacques-Louis David, Ingres est élu professeur de peinture aux Beaux-Arts en 1829, alors qu’il est de retour à Paris suite à un séjour à Rome puis à Florence. Quelques années plus tard en 1832, il en prendra la présidence : c’est dire si l’exposition que lui consacre actuellement l’Ecole à l’occasion de son bicentenaire fait sens, offrant là une véritable plongée dans le processus créatif, in situ, de cet immense artiste. Si bon nombre d’artistes revendiquent leur passage dans son atelier, l’on situe autour de cent-cinquante le nombre de ses élèves.
Jusqu’au 29 avril, l’exposition sobrement intitulée Ingres et ses élèves donne à voir près de cinquante esquisses dont seize signées de la main du maître, mises en correspondance avec les travaux de ses élèves qu’il formait suivant quelques principes auxquels il était très attaché, salué par ses contemporains pour son exigence et sa passion. Car en effet, l’idée de l’exposition est précisément de rendre compte de l’influence évidente du peintre sur les œuvres de ceux qu’il a formé, parmi eux lesquels les frères Hippolyte et Paul Flandrin, Théodore Chassériau ou bien Sébastien Cornu.
Paysages, portraits, sujets religieux, le parcours de l’exposition est organisé par thématique. Elle offre un aperçu sensible de l’actualité des commandes ayant cours dans la seconde moitié du XIXe siècle, où par-delà les grands genres académiques comme la peinture d’histoire, les décors et particulièrement ceux d’églises étaient très en vogue. Ainsi, l’exposition permet de redécouvrir les grands chantiers de l’église Saint-Roch ou de celle de Saint-Germain des Prés, illustrés par un certain Sébastien-Melchior Cornu, élève d’Ingres et dont la réputation s’est notamment forgée autour des peintures de chapelles.
Mais les décors intérieurs de grandes demeures privées étaient également très prisés pendant l’effervescent Second Empire. La grande étude préparatoire au décor de la salle d’apparat du château de Dompierre, commandée par le duc de Luynes à Hippolyte Flandrin, élève d’Ingres, figure parmi les intérieurs les plus renommés de cette époque. Le peintre y exécuta vingt figures féminines via la technique dite de l’encaustique (peinture à la cire), où l’on relève l’influence du maître dans son goût des courbes et la pureté des contours du nu ; tandis que le regard lointain et l’attitude mesurée du modèle illustre le style propre de Flandrin, empreint de douceur et de délicatesse.
Grand portraitiste, Ingres est aussi le peintre de la femme, une femme dont il renouvelle l’image sensuelle et idéale. Parmi les seize dessins du maître, l’on retrouve notamment ses nus dessinés ; Femme nue couchée et études de têtes et de bras révèle l’attention d’Ingres pour l’élégance gracieuse de l’attitude et des gestes de la figure féminine. Cette jeune femme qui occupe toute la diagonale de la feuille est saisie hors de tout contexte environnemental, il cerne à la pointe du graphite les contours qui épousent les multiples courbes de son modèle et accentue l’allongement des jambes galbées.
Entre autres trésors, un des rares autoportraits de l’illustre peintre réalisé à la fin de sa vie est également montré. Il dévoile un artiste au sommet de sa gloire paré de ses multiples décorations, non-pas palette à la main mais plutôt sous la forme d’un notable, plein d’assurance.
L’ensemble des dessins ici rassemblé est issu du fonds propre des Beaux-Arts, une collection qui s’est forgée au long cours par le biais de legs de donateurs comme celui de Jean-Edouard Gatteaux (1788–1881), graveur, sculpteur et ami d’Ingres. Avec près de cinquante esquisses et études préparatoires, Ingres et ses élèves représente l’occasion unique de plonger au sein de l’atelier et du processus de création d’Ingres, démontrant la multiplicité des pratiques graphiques du maître, autant que l’originalité dont ont pu témoigner ses élèves.
Ingres et ses élèves, une exposition à visiter au sein de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, Cabinet des dessins Jean Bonnat, jusqu’au 29 avril 2017.
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