Article proposé par Exponaute
C’est un double anniversaire qui tombe à pic. D’un côté, le 125ème anniversaire de la naissance d’Otto Dix, expressionniste de génie au destin si particulier. De l’autre, le retable d’Issenheim, chef-d’oeuvre de renommée internationale conservé au musée Unterlinden de Colmar. Tous deux sont réunis dans une exposition événement : la première monographie consacrée à Otto Dix depuis une quinzaine d’années et également la première exposition temporaire du musée Unterlinden depuis sa réouverture en 2015. Une exposition fascinante tant les liens qui unissent Otto Dix et l’oeuvre peinte par Grünewald au XVIème siècle sont nombreux et prolifiques.
Redécouvert au milieu du XIXème siècle par l’élite culturelle allemande après avoir été saisi par les commissaires de la Révolution, le Retable d’Issenheim attire les foules et devient rapidement une source d’inspiration intarissable pour les artistes de l’époque, notamment face à l’horreur de la Première Guerre Mondiale. C’est notamment, et surtout, le cas d’Otto Dix. Dès ses débuts, dès sa première période expressionniste, Otto Dix semble citer le Retable avec subtilité à travers des motifs réinterprétés, sans pour autant y faire ouvertement référence. Face à l’engouement de l’époque, l’artiste a probablement pris connaissance du Retable d’Issenheim à travers les reproductions qui foisonnaient à l’époque, même s’il est possible qu’il ait pu l’apercevoir lorsqu’il fut montré à Munich.
Pour Otto Dix, la Première Guerre Mondiale est une révélation : à la fois plongée dans le chaos et dans une transition sociétale radicale. A la fin du conflit, choqué, hanté, bouleversé, il fait appel aux codes et même aux techniques des maîtres anciens pour représenter avec un certain réalisme l’horreur de ce que le monde vient de vivre. C’est ici qu’interviennent les premières références évidentes au Retable d’Issenheim. Des postures, des gestes, des détails qui lui apporteront un surnom symbolique : « le nouveau Grünewald ».
A l’arrivée d’Hitler au pouvoir, Otto Dix, comme beaucoup d’artistes de l’époque, est considéré comme « artiste dégénéré » et démissionne de son poste à l’Académie des Beaux-Arts de Dresde, plus d’une centaine de ses œuvres sont confisquées par le régime, certaines apparaîtront même dans l’exposition « Entarterte Kunst » (l’art dégénéré). Émigré vers le sud de l’Allemagne, il se consacre alors à des sujets apolitiques, à des paysages et, surtout à des sujets bibliques.
Mais pendant les toutes dernières années, Otto Dix est contraint d’aller au front : enrôlé en 1945, il sera rapidement arrêté et conduit dans un camp de prisonniers Allié. Coup du sort, ce camp sera celui du Logelbach, à Colmar. Reconnu par un lieutenant, Otto Dix sera placé dans une section spéciale, réservée aux artistes, et pourra travailler dans l’atelier d’un peintre local. Au mois de juillet suivant, le Retable d’Issenheim est réinstallé au musée Unterlinden de Colmar : « J’ai vu deux fois le Retable d’Issenheim, écrira t-il, une œuvre impressionnante, d’une témérité et d’une liberté inouïes, au-delà de toute « composition », de toute construction, et inexplicablement mystérieuse dans ses différents éléments ».
A la fin de sa vie, Otto Dix mis de côté le Retable dans son oeuvre mais, comme le rapportera le médecin Hans Kinkel, « Il a cloué sur la porte de l’atelier une carte postale avec la reproduction du Saint Jean du Retable d’Issenheim. » L’histoire ne se terminera donc jamais vraiment car en 2017 et pour longtemps, la peinture d’Otto Dix restera intimement liée au chef d’oeuvre de Grünewald.
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