Article proposé par Exponaute
Nous évoquions précédemment l’engagement du collectionneur, en l’occurrence celui de Marc Ladreit de Lacharrière et de sa compagne Véronique Morali dans le cadre de l’exposition Eclectique que présente le musée du Quai Branly-Jacques Chirac jusqu’au 2 avril ; une collection qui témoigne d’une reconnaissance égale et sans hiérarchie des arts.
Nous allons nous attarder cette fois sur la place des œuvres modernes et contemporaines au cœur de ce parcours et plus globalement du musée. Chagall, Hartung, Picasso, De Staël, Soulages : pourquoi l’art moderne trouve-t-il parfaitement sa place au quai Branly ?
En 2011, Marc Ladreit de Lacharrière reçoit une lettre de son ami Jacques Chirac. « Je sais que tu partages avec moi la conviction de l’égale dignité des cultures et du monde et l’ambition de rassembler tous ceux qui, partout, s’emploient à faire progresser le dialogue des cultures et le rapprochement des civilisations. (…) Si tu acceptais de faire partager ton jardin secret, ce sont ces passions communes que le public pourrait ainsi découvrir dans ce merveilleux Musée du Quai Branly, panthéon de l’humanité, qui rend justice à l’infinie diversité des cultures et aux peuples trop souvent humiliés. »
Depuis la fin 2016, le pari est relevé, et avec brio. La collection personnelle de Marc Ladreit Lacharrière donne à voir de précieux chefs-d’œuvre de l’Antiquité grecque et romaine et de l’art extra-occidental tout autant que de prestigieux chefs-d’œuvre modernes, comme un bronze de Picasso ou une gouache de Sonia Delaunay.
Car Marc Ladreit de Lacharrière n’est pas de ceux que l’on enferme dans une case quelconque ; bien au contraire. Il prône une vision claire et sans équivoque : pour lui, l’art est universel et n’est d’aucun temps.
Eclectique reproduit les espaces domestiques du collectionneur : le salon, le bureau et la bibliothèque, un univers en grande partie influencé par son épouse Véronique Morali. De ce fait, la peinture contemporaine y reprend ses droits, accompagnée de sculptures antiques africaines et océaniennes.
Les œuvres s’assemblent et se regardent, à l’image des deux masques cimiers ci-wara bamana posés de part et d’autre de la cheminée de marbre, au milieu de laquelle s’élève une peinture émouvante de Nicolas de Staël, réalisée il y a exactement 70 ans.
Une oeuvre de Hans Hartung (1904–1989), l’un des plus grands représentants de l’art abstrait du XXe siècle, fait face à une abstraction de Martin Barré, réalisée à partir de bombage et de peinture appliquée directement depuis le tube ; deux œuvres résolument modernes qui côtoient dans un même espace les premières acquisitions de statuettes africaines du collectionneur, placées au centre de la pièce. L’on retrouve ce dialogue avec un bouclier de Nouvelle-Guinée accompagné d’un Simon Hantaï, et d’une huile sur toile proche de l’idéogramme réalisée par Soulages dans les années soixante.
Autant de rapprochements inattendus et de face-à-face subjectifs témoignant de l’ouverture, la curiosité et l’absence de hiérarchie d’une collection qui finalement, raconte « l’Histoire universelle ».
Et ce mélange des genres et des époques est un crédo partagé par Stéphane Martin, Président du musée du Quai Branly-Jacques Chirac, dont la vocation universaliste (pilier théorique de la création du musée) est une tâche qu’il s’emploie à incarner quotidiennement.
C’est pourquoi nous avons ici la rencontre entre un homme et une institution qui se ressemblent, où l’immémorial côtoie le moderne, où les âges et les continents dialoguent sans aucune hiérarchie ; une collection comme un lieu où les traditions parlent d’égal à égal et racontent l’histoire universelle. Une incitation à peut-être finalement, vivre ensemble.
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