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Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard : mythe et réalité

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Qui n’a jamais admiré cette magnifique toile de Jacques-Louis David, représentant Napoléon Bonaparte, encore Premier Consul, traversant les Alpes sur son fougueux destrier ? Composition  saisissante, couleurs vives, posture altière… Le tableau peint par l’artiste néo-classique rassemblait toutes les qualités pour entrer dans l’Histoire de l’art. Mais saviez-vous que quelques secrets se cachent au sujet de ce tableau célèbre ? À l’occasion de l’anniversaire de la disparition de David (l’artiste s’est éteint le 29 décembre 1825), voici quelques anecdotes sur l’œuvre…
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Jacques-Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, 1801 © Château de Malmaison

Il existe cinq versions du tableau

Parce que un c’est bien, mais cinq c’est tout de même nettement mieux ! La toute première version résulte d’une commande passée en 1800 à David par le roi d’Espagne Charles IV. Par cet achat, le souverain espérait réaliser un geste d’entente entre le royaume d’Espagne et la République française. David travailla ardemment à cette peinture, à tel point que le tableau fut achevé en quatre mois !

La deuxième version, comme la troisième et la quatrième sont, elles, des commandes émanant directement du Premier Consul Bonaparte, celui-ci ayant compris l’impact que pouvaient avoir ces œuvres réalisées à sa gloire, pour son prestige et son influence politique.

La première était destinée au château royal de Saint-Cloud, la deuxième allait orner les murs de la bibliothèque de l’Hôtel des Invalides en 1802 et enfin, la troisième était destinée à décorer le Palais de la République Cisalpine ; cette version fut livrée en 1803. Enfin, la cinquième et dernière n’est pas issue d’une commande, mais fut conservée par David jusqu’à son décès, en 1825.

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Jacques-Louis David, Autoportrait, 1794 © Musée du Louvre

Napoléon ne chevauchait pas un cheval

Oups ! Mieux valait ne pas ébruiter la nouvelle, à l’époque… Remontons le fil du temps. Cette toile représente une étape de la deuxième campagne d’Italie, un conflit déclenché par la reprise de la cité de Milan par les forces autrichiennes. Pour Napoléon, il s’agissait d’agir rapidement.

Accompagné de son armée de réserve, Napoléon Bonaparte passa le col du Grand-Saint-Bernard le 20 mai, alors qu’il était vêtu d’un simple uniforme militaire bleu, recouvert d’une redingote blanche et sur sa tête, un bicorne couvert de toile cirée. On est bien loin des riches vêtements et de la fière cape aux couleurs chatoyantes volant au vent.

Mais le détail le plus croustillant concerne la monture du Premier Consul… Pas de fier cheval, crinière libre et ayant hâte d’en découdre avec l’ennemi. Pour le passage délicat de ce col des Alpes, Napoléon Bonaparte était en effet monté sur une… mule ! Pour des raisons évidentes de prestige, on comprend bien pourquoi David a quelque peu modifié la réalité historique…

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Buste d’Hannibal Barca © Musée archéologique national de Naples

Hannibal et Charlemagne

Chaussez vos meilleures lunettes et regardez attentivement le coin inférieur gauche de la composition. Sur le sol du col du Grand-Saint-Bernard, ressortent distinctement trois grosses pierres, sur lesquelles ont été gravées des inscriptions. La première est évidente, on distingue lisiblement le nom du Premier Consul : Bonaparte. L’homme d’état scelle dans la pierre son exploit et son fait de guerre. Mais juste en-dessous, deux autres noms illustres peuvent être devinés. Ceux de personnages historiques : Hannibal et Charlemagne.

Le général carthaginois et l’empereur d’occident de la dynastie des Carolingiens viennent donc se lier au destin de Napoléon. Tous les trois ont en effet accompli l’exploit de traverser les Alpes avec leurs armées. Grâce à ces inscriptions, Jacques-Louis David inscrit Bonaparte en tant qu’héritier de ces vénérables prédécesseurs.

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Jacques-Louis David, Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, 1801 © Musée du Château de Versailles

Napoléon n’a pas posé pour le tableau

Et puis quoi encore ? Un Premier Consul très occupé à gérer une nation a autre chose à faire que de poser pendant des heures dans l’atelier glacé d’un artiste, tout célèbre qu’il soit ! Pourtant, Jacques-Louis David aura fortement insisté, fait des pieds et des mains pour avoir le dirigeant dans son atelier, ne serait-ce que pour réaliser quelques esquisses préparatoires. Las ! Bonaparte n’a pas pu (voulu ?) se libérer pour ces séances de pose. Qu’à cela ne tienne, David est tout de même parvenu à se débrouiller.

Pour réaliser les traits du futur empereur, le peintre s’est inspiré d’un buste sculpté de Napoléon. En ce qui concerne la posture, c’est à son propre fils qu’il demanda de prendre la pose. Mais Bonaparte accepta tout de même d’aider (un peu) l’artiste dans sa tâche : il lui prêta l’uniforme et le bicorne qu’il portait à Marengo ; des atours dont David affubla un mannequin de bois pour la réalisation de la toile.

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