Article proposé par Exponaute

Bernard Buffet, ou le fou d’Annabel

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En 1963, il y avait Le Fou d’Elsa, écrit par le poète Louis Aragon. De 1958 à 1999, il y eut aussi, dans le domaine de la peinture, le Fou d’Annabel. Ce fou, cet amoureux transi, cet homme qui à chaque coup d’œil redécouvrait le visage de sa compagne, c’était Bernard Buffet. Dans la nouvelle exposition temporaire du Musée de Montmartre : « Bernard Buffet, intimement », une part non-négligeable des œuvres exposée est consacrée à la figure féminine indispensable à la puissance créatrice du peintre : Annabel Buffet. À travers la redécouverte de quelques œuvres célèbres, penchons-nous sur cette histoire d’amour artistique…
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Bernard et Annabel Buffet dans le sud de la France, en 1958 © Luc Fournol

Dans la très belle exposition temporaire du Musée de Montmartre : « Bernard Buffet, intimement », elle est absolument partout. Annabel Buffet, la muse, l’inspiratrice, le moteur, le cœur, l’encouragement, le soutien sans faille. Celle qui accompagna Bernard Buffet de leur rencontre dans le courant de leurs jeunes années jusqu’au suicide de ce dernier, en 1999.

Celui-ci, miné par la maladie de Parkinson, ne pouvait plus peindre et préféra mettre fin à ses jours. Avant que la peinture ne soit sur le devant de la scène de ce bel accrochage, c’est d’abord par des photographies que nous apprenons à connaître Annabel Buffet. La plus émouvante de toutes celles réunies au rez-de-chaussée du Musée de Montmartre est probablement celle prise par leur ami photographe Luc Fournol, à Saint-Tropez, en 1958. Tous les deux étaient jeunes trentenaires, pleins d’espoirs et d’avenir.

Là, dans un petit mas au calme de la campagne du Sud de la France, loin de l’animation que l’on accole traditionnellement à cette célèbre ville, ce fut le coup de foudre. Annabel et Bernard, elle mannequin et chanteuse, lui peintre prometteur, ne se quitteraient plus.

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Bernard Buffet, Portrait d’Annabel, 1958–1959 © ADAGP, Paris 2016

Tout autour de ce cliché en noir et blanc qui célèbre une rencontre, d’autres images content les relations entre le peintre et sa muse. Annabel n’était jamais très loin de Bernard. La majorité des photographies en noir et blanc exposés au sein de l’institution les montrent côte à côte dans l’atelier de Bernard, discutant d’une toile, lui penché sur son travail et elle le contemplant ; certaines images, cependant, ont été saisies dans l’intimité du couple, dans leur intérieur richement meublé.

Car Buffet gagna très vite et très bien sa vie, fait dont il ne se cacha jamais, ce que le milieu de l’art lui a difficilement pardonné. Puis, il convient de gravir les quelques marches en bois du centre culturel des hauteurs de Paris pour naviguer, via onze sections distinctes, dans l’univers pictural de Buffet.

Le cirque, ses amis artistes, la ville de Paris, les natures-mortes, le portrait, le paysage… Autant de thématiques qui occupèrent le travail du peintre français inclassable jusqu’à la toute fin du XXe siècle. Mais s’il y a bien une figure, obsédante, omniprésente, qui occupe tout l’espace, c’est bien elle et elle seule : Annabel.

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Bernard Buffet, Annabel, 1959 © ADAGP, Paris 2016

Quand il ne la représentait pas telle quelle, en pied ou en buste, sa présence est pourtant indéniablement palpable. Sur le tronc d’un arbre peint dans sa jeunesse, Buffet a gravé dans l’écorce leurs deux initiales, enserrées dans un même cœur. Au deuxième étage, de nombreux bouquets de fleurs n’ont pas été achetés comme simple agrément de décoration : tous furent offerts à la femme de sa vie. De belles roses rouges, souvent, couleur ardente de la passion qui ne le quitta jamais pour sa très belle compagne.

Car oui, Annabel Buffet était belle, très belle. Une silhouette longiligne, des pommettes hautes, d’immenses yeux noirs, des cheveux épais. La jeune femme plaisait et commença dès la fin de ses études une carrière dans le mannequinat. Elle devint la coqueluche de Saint-Germain-des-Près, fréquentant le milieu intellectuel de ce quartier parisien. Des fréquentations qui lui permirent de croiser la route de Bernard Buffet, pour ne plus jamais en sortir. Tout au long de son existence, Buffet célébra cette silhouette sculpturale.

Dans son style bien à lui, rectiligne et sans perspective, l’artiste figure encore et encore, sans jamais se lasser, celle qu’il aima comme un fou. Annabel en robe du soir, Annabel en T-shirt blanc et culotte, Annabel en pull noir, Annabel en buste, portrait d’Annabel. Partout, partout, partout, partout, elle et seulement elle.

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Et dans tous ces tableaux, ces dessins, ces esquisses, transparaît le sentiment qui transcende tout : l’amour. Bernard Buffet ne cherchait même pas à cacher ou museler sa passion pour elle, passion qu’elle lui rendait d’ailleurs bien. Les deux amoureux restèrent indéfectiblement liés toute leur existence.

Quant à l’exposition, vous avez jusqu’au 5 mars 2017 pour la découvrir. Et on vous la conseille chaudement, courez-y !

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