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Kandinsky : la délicatesse des années parisiennes

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Un homme, 150 ans et deux expositions : voici la seconde partie de notre diptyque consacré à Vassily Kandinsky, artiste clé dans l’Histoire de l’abstraction et de l’art moderne. Les années 1910 et le « Cavalier Bleu » à Bâle, la période parisienne à Grenoble, deux musées nous ont offert la possibilité de réfléchir et d’analyser l’oeuvre passionnante de Vassly Kandinsky… Et on ne s’est pas gêné ! Après avoir feuilleté les précieuses pages de l’almanach du Cavalier Bleu, le temps est venu de se pencher sur les dernières années de la vie de Kandinsky, de son arrivée en région parisienne en 1933 jusqu’à sa mort en 1944, grâce à l’exposition précieuse, comme toujours, du musée de Grenoble. 
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Sans titre, 1940 Musée national d’art moderne / CCI – Centre Georges Pompidou, Paris Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN- Grand Palais / Jacqueline Hyde

On vous en parlait au moment de la grande annonce : le Centre Pompidou a décidé, en tant que Musée National d’Art Moderne, de célébrer son quarantième anniversaire à travers toute la France. 40 ans, 40 villes et 40 événements rendus possibles grâce à un grand nombre de prêts des collections de Beaubourg. Si tout cela aura lieu au cours de l’année 2017 (le Centre a été inauguré en janvier 1977), la première de ces expositions a déjà ouvert ses portes, au musée de Grenoble, pour évoquer un sujet passionnant mais peu exposé :  la période parisienne de Vassily Kandinsky.

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Groupement, 1937, Moderna Museet – Stockholm, Suède Photo © Prallan Allsten / Moderna Museet

Retrouvons donc l’artiste vingt ans après l’avoir laissé, dans une situation pour le moins similaires. L’exposition de Bâle sur le Blau Reiter s’achevait avec l’exil forcé de Kandinsky hors d’Allemagne vers la Russie, au début de la Première Guerre Mondiale. Celle de Grenoble se déroule à Paris, vingt ans et un Bauhaus plus tard, où Kandinsky pose ses pinceaux, forcé une nouvelle fois à l’exil par l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en 1933. Après avoir été directeur de l’école des Beaux-Arts de Weimar, rebaptisée Bauhaus (à voir en ce moment aux Arts-Décos), Vassily Kandinsky emménage à Neuilly avec sa femme Nina. Commence alors pour lui une grande période d’introspection : exilé et isolé dans une société plutôt frileuse en ce qui concerne l’art abstrait, l’artiste intensifie sa pensée tout en se nourrissant de certaines découvertes qui lui permettront d’illustrer, toujours plus, la vibration qu’il ressent face au Monde.

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Entassement réglé, 1938 , Musée national d’art moderne / CCI – Centre Georges Pompidou, Paris Photo © Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN- Grand Palais / Bertrand Prévost

Si les dix dernières années de Kandinsky sont une période cruciale pour comprendre son oeuvre de manière globale, la dernière exposition française consacrée à ce sujet précis date de 1972. A cette époque, le Centre Pompidou n’était pas encore sorti de terre. C’est pourtant grâce à lui que la bonne idée du musée de Grenoble a pu être réalisée, présentant en détail une facette de l’artiste peu connue du grand public.

En présentant la fin de sa carrière année après année, le musée nous offre une occasion extraordinaire d’appréhender Kandinsky. Sous nos yeux il essaye, il découvre, il explore, les formes comme les couleurs, les fonds unis et la multitude d’objets qui s’y développe. Cette période sera avant tout formellement marquée par une découverte majeure : celle des cellules observées au microscope. Kandinsky sera fasciné dans les dernières années de sa vie par les formes rondes des cellules et des organismes découverts dans les livres de sciences qu’il dévore (le musée nous en offre quelques exemplaires savoureux), tant pour les explorations esthétiques qu’elles représentent que par l’infini symbolique qu’elles portent en elles. Car ces cellules, ces formes, ces couleurs qui composent notre être biologique sont une opportunité extraordinaire pour Kandinsky, plus radicalement introspectif que jamais, de « résonner » avec le Monde, les deux infinis de Pascal s’unissent, l’infiniment petit rejoint l’infiniment grand. Le sentiment du spectateur est vertigineux, impossible de discerner une quelconque échelle, impossible de s’accrocher à un mouvement, à une ligne pour essayer d’entrevoir un modèle. Perdus dans l’immensité de l’univers ou dans celle de l’atome, nous partageons simplement un sentiment avec l’artiste avec beaucoup d’émotion.

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Complexité simple(Ambiguité), 1939, Musée de Grenoble Dépôt du Musée national d’art moderne/ CCI- Centre Georges Pompidou, Paris en 1988 Photo musée de Grenoble / Jean-Luc Lacroix

Voilà brièvement ce que parvient à présenter le musée de Grenoble : chaque salle est un émerveillement, Kandinsky ne cesse de nous étonner, dans l’infini d’un ciel étoilé de formes vagues, dans la précision du minuscule, intensément proche du naturel par l’abstraction. L’exposition se traverse au fil des années, chronologiquement, chaque salle est une année, une avancée unique, un virage, une nouveauté, une réjouissance pleine d’intelligence, de légèreté et d’harmonie. Si l’exposition de Bâle est essentielle pour comprendre les premiers balbutiement de toute une démarche, celle de Grenoble est un véritable bijou didactique : entre les découvertes et la synthèse théorique globale du Kandinsky des dernières années, l’exposition aborde avec tranquillité et précision, via un grand nombre de toiles et de dessins, une période cruciale et trop peu mise en lumière de la carrière de l’artiste. A vous d’en profiter jusqu’au 29 janvier prochain.

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