Article proposé par Exponaute
La période peut paraître restreinte mais il y a là un vrai sujet. Un jeudi noir, puis un lundi noir suivi d’un mardi tout aussi noir : à la fin du mois d’octobre 1929, la Bourse de New-York est témoin d’un krach boursier phénoménal, point de départ d’une crise économique sans précédent. C’est le début de la plus importante crise économique du siècle dernier dite « crise de 1929 » ou encore « Grande Dépression ». Aux Etats-Unis, ils seront nombreux, très nombreux, à en subir les conséquences : perte d’emploi, de logement et d’économies, cette Grande Dépression affectera profondément l’Amérique des années 30. En toute logique, l’Histoire de l’art est également touchée par la grande Histoire, tant par les sujets abordés par les artistes que par leur façon de créer : retour à la terre face à une industrie en mauvaise santé, réappropriation du passé, représentation des différents traumatismes à l’échelle de la société comme sur un plan personnel, les témoignages d’artistes abondent en ces temps difficiles.
C’est ce sujet passionnant et extrêmement fructueux en matière de chefs-d’oeuvre que le musée de l’Orangerie a décidé de traiter dans l’exposition qui suivra son cours jusqu’au 30 janvier prochain, exposant des artistes références ou plus confidentiel et des œuvres parfois présentées pour la première fois en Europe grâce au soutien de l’Art Institute of Chicago et de la Royal Academy of Arts de Londres.
Face à l’atmosphère unique provoquée dans tout le pays par la crise financière et la situation difficile de millions d’américains, un grand nombre de peintres s’orientent vers le réalisme : à la campagne ou dans les villes, dans la nature ou dans des paysages industriels, la singularité de la situation passe par un certain réalisme. C’est dans cette veine qu’a été créé l’un des tableau qui aura le plus fait parler de l’exposition : American Gothic par Grant Wood (1930), connu et reconnu à travers le monde, à la fois grave et empreint d’une certaine légèreté. Ce tableau, conservé à Chicago est présenté en Europe pour la première fois de son histoire. Autre facette de cette Amérique-là, le superbe Paysage Américain de Charles Sheeler (1930), surprenant de détails et de beauté devant son sujet endormi, un paysage industriel aux lignes géométriques et aux couleurs harmonieuses.
Paradoxalement (ou pas, d’ailleurs), la vie nocturne des villes américaines connait un véritable essor dans les années 30 : cinémas, salles de concert, music-halls attirent de plus en plus de monde. L’une des salles de l’exposition est donc consacrée à cette vie festive et à l’avènement des divertissements, véritable exutoire à la gravité du quotidien. On retiendra notamment les représentations spectaculaires (et parfois presque morbides) des marathons de danse (on en a également un témoignage vidéo) durant lesquels les couples de danseurs passaient des heures, voire des jours sur la piste sans interruption.
L’aspect morbide de certaines toiles qui, même lorsqu’il s’agit de représenter la fête, dessinent des personnages squelettiques et fatigués, est lui aussi très répandu au cours de cette période très riche en expérimentations artistiques et en parti pris esthétiques. Cauchemars, visions d’horreur, scènes d’apocalypse, ces images utilisées par certains artistes sont à la fois hyperboliques et plutôt proches de ce que ressentent bon nombres d’américains. Il en va de même pour la réappropriation de scènes et de personnages du passé, abordés pour réaffirmer une identité fragile. Grant Wood lui-même s’est livré à l’exercice en représentant La Chevauchée nocturne de Paul Revere, réputé pour avoir chevauché de Boston à Lexington pour annoncer l’avancée des troupes britanniques en avril 1775.
En une dizaine d’année, l’ampleur phénoménale de la crise économique provoqua plus qu’un mouvement artistique. Car il s’agit là de tout un pan de l’Histoire de l’art, d’une période, d’une époque, initiée par un moment historique précis mais dont les inspirations et les témoignages ont pris des direction totalement opposées. A l’Orangerie, on croise Georgia O’keeffe (sublime comme toujours), Grant Wood, Edward Hopper et même Jackson Pollock, entourés d’autres artistes extrêmement touchants, intenses qui, même dans la légèreté, dévoilent avec force la difficulté de cette période de « Grande Dépression ». Enrichissant à tous les niveaux.
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