Article proposé par Exponaute

Le mystère Tino Sehgal : rencontres et poésie au Palais de Tokyo

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C’est l’exposition dont tout le monde parle sans trop savoir pourquoi. Pas de photos, de vidéos ou de détails, la Carte Blanche offerte à Tino Sehgal par le Palais de Tokyo tient à rester un mystère, de l’annonce jusqu’à la porte d’entrée. Gadget pour certains, marketing pour d’autres, nous avons, de notre côté, choisi de ne pas trop en dévoiler tout en vous encourageant à vous aventurer dans les méandres de ce Palais de Tokyo réinventé. Visite à l’aveugle.

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© Palais de Tokyo

Il a rarement été aussi crucial (et parallèlement difficile) de parler ici d’une exposition, et d’en parler correctement. Pas d’images, pas de détails, juste quelques noms et une couleur, celle qui habille mystérieusement les réseaux sociaux du Palais de Tokyo depuis quelques temps : le blanc. Blanc comme la carte blanche proposée à Tino Sehgal, blanc comme l’immensité du Palais de Tokyo débarrassé de toutes ses cimaises, mis ainsi à nu pour la première fois depuis sa construction en 1937.

Show me the way

Voilà à peu de choses près ce qu’il faut savoir avant d’aller voir l’exposition imaginée par Tino Sehgal et ses invités, dans l’idéal en tout cas. Car en savoir plus serait trop, en savoir ne serait-ce qu’un peu serait trop : n’attendez donc pas ici le compte-rendu factuel d’une exposition qui, parce qu’elle est hors du commun, ne doit pas se raconter avant de s’être vécue. Ce qui va suivre est donc 100% garanti sans spoiler. On entend d’ici s’insurger les rabat-joie de service contre cette communication un peu agressive à base de vide et de mystère (car l’art, c’est un plaisir personnel, l’art, c’est une expérience, l’art c’est avec ou sans spoiler, l’art c’est… bref). Le fait est que Tino Sehgal, c’est ça : aucune archive, pas de photo, pas de vidéo, rien ne témoigne de ses œuvres passées et sa grande exposition parisienne n’échappera pas à la règle.

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La page facebook du Palais de Tokyo

Il y a là un événement, quelque chose d’unique et, bien sûr, une hype au rayonnement exponentiel peut-être bien calculée. Mais le snobisme n’étant pas tout à fait le genre de la maison, nous ne boudons pas notre plaisir et nous ne bouderons pas le vôtre : car si la Carte Blanche à Tino Sehgal plaira y compris à celui qui s’attendra au détail près à ce qui est sur le point d’arriver, la surprise nous a surpris, l’inattendu nous a semblé un élément crucial dans l’expérience sensible qu’est cet événement-là et c’est ainsi que l’on tient à le partager avec vous. Pas d’injonction, pas de complaisance, on décide ici de ne pas tâcher avec nos gros doigts mécontents la blancheur du Palais de Tokyo car c’est ainsi que l’on souhaite s’exprimer. Libre à vous de mordre ou non à cet hameçon qui est probablement beaucoup plus que ce dont il a l’air et libre à tous ne mettre de côté, pour une fois, les questions fumeuses (l’expo du XXIème siècle ??!!) et la péremption ( l’art = Game of Thrones).

And don’t ask why

Ceci étant dit, on ne parlera pas ici très littéralement car là-bas rien n’est concret. Tout est atmosphère, déambulation, dialogue, réflexion : les œuvres ne sont pas matérielles (à l’exception d’un plafond de Buren dont on ne s’explique toujours pas la présence et d’un rideau de Gonzalez-Torres qu’on n’imagine plus ailleurs), incarnées (plutôt qu’interprétées) par des dizaines d’intervenants. Tout le reste se découvre sur place, seul, à plusieurs, une fois, deux fois, trois fois : certaines œuvres-performances-installations sont purement sensorielles dans leur rapport à l’autre (au point de remettre en question la manière dont nous appréhendons le monde depuis la naissance…), d’autres sont des évocations, des rencontres, des projections de soi, de sa vie, sur un autre, sur une autre. On entend, on parle, on pose des questions, on se pose des questions, on nous pose des questions, des questions que l’on s’est toujours posées.

Le Palais de Tokyo est gigantesque, méconnaissable, aux airs paradoxalement naturels, nus et la liberté de déambulation totale est rafraîchissante (on ose aller là où on n’allait jamais). Les premières réactions dithyrambiques ont rapidement été refroidies par des critiques plutôt axées sur l’enrobage un peu sucré d’un travail pourtant passionnant. Certains crient au génie, d’autres à la révolution muséale : le fait est que, à défaut d’être absolument originale (il y a un peu de déjà-vu dans la surprise), l’exposition est un vrai vent de fraîcheur. Le voyage mental que nous propose  Tino Sehgal dépendra de la confiance qu’on lui accorde : certains sortiront bouleversés, d’autres horrifiés ou mal à l’aise voire pire, ennuyés. Vous avez jusqu’au 18 décembre pour vivre l’expérience (même si, dis comme ça on croirait vous vendre un voyage à Disneyland ou un week-end en Thalasso), pour apprécier et réfléchir en allant recevoir du langage, du dialogue, de la sensation plutôt que des images. Nous, en tout cas, on ne vous aura pas prévenus.

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