Article proposé par Exponaute

Jean-Luc Verna, ou la mise en scène des corps : rétrospective au MAC VAL

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Compagnon de longue date du MAC VAL, l’artiste pluridisciplinaire Jean-Luc Verna est invité à déployer, chorégraphier, incarner dans l’espace d’exposition temporaire toute la dimension de son œuvre, traçant une carrière longue de 25 années débutée en 1991. L’exposition, visible jusqu’au 26 février 2017, lève le voile sur une œuvre protéiforme dont le dessin en est l’expression essentielle.
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Jean-Luc Verna, Courtesy Air de Paris, Paris

Pendant quelques mois, Jean-Luc Verna livre entre les murs du MAC VAL une part de sa vie. Une vie faite d’art, un art singulier découlant d’un corps qu’il s’emploie à transformer, dans toutes ses humeurs et tous ses états. La pratique protéiforme de Jean-Luc Verna est ici envisagée dans son intégralité. Il est question de dessin, au même titre que de photographie, d’installation, de performance et de danse.

Dès le mur de l’entrée s’affichent des textes de chansons importantes pour l’artiste accompagnées de photographies pour lesquelles Jean-Luc Verna a posé, donné l’image de son corps. Au centre de son panthéon musical, la chanteuse Siouxsie Sioux cohabite avec Blondie, Barbara, Nico ou encore Iggy Pop. Environ 300 pièces sont exposées, mais il s’agit moins « de donner à voir des objets d’art, mais bien au contraire de donner à éprouver, et à retranscrire en espace, l’expérience singulière de l’art de Jean-Luc Verna », précise le commissaire de l’exposition Frank Lamy. On peut considérer la pratique de Jean-Luc Verna comme un tout dont la colonne vertébrale est la pratique du dessin, qui trace tout au long de son œuvre comme une ligne, dont le point de départ et d’arrivée est le corps.

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Jean-Luc Verna, Siouxsie, 2015 © Marc Domage, Courtesy de l’artiste et Air de Paris

Comme son corps et sa peau, Jean-Luc Verna utilise l’espace de la feuille, qu’il travestit autant qu’il embellit. Le dessin original est décalqué, puis photocopié et réhaussé de crayons, de fards, de khôl et de fond de teint, venant renforcer cette volonté de faire illusion. Par association d’idées, Jean-Luc Verna convoque dans ses dessins des motifs récurrents et obsessionnels, qu’il puise autant dans l’iconographie chrétienne que dans l’imagerie contemporaine. Des figures mythologiques, des pans, des sirènes, des centaures, des crânes… aussi des nuées d’étoiles, et un logo hollywoodien, Paramount devenant Par amour, répété dans une variation infinie, comme une promesse toujours renouvelée détournée en déclaration d’amour. Une réinterprétation aussi à l’œuvre dans ses photographies où, face à l’objectif, les acteurs réinventent la scène de genre, entre allégorie et tableau historique.

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Jean-Luc Verna, Paramour, 2011 © Marc Domage, Courtesy Air de Paris

La scénographie de l’exposition est pensée telle une immense scène de théâtre, à la fois stricte et symétrique, noire et blanche, au cœur de laquelle trône un immense dispositif scénique. En complément de ce corpus de postures, de gestes et d’objets, une bande son omniprésente s’inscrit dans le parcours conviant le public à l’immersion la plus totale, évoquant par là-même une danse macabre « pas gothique mais forcément New wave ! » précise l’artiste ; un monde qui peut paraître sombre, mais aussi porteur de renouveau.

Avec cette première monographie au sein d’une institution muséale en France, l’artiste accomplit un geste de déposition comme pour symboliser une page qui se tourne, une rétrospective pour mieux renaître. Concession en est peut-être l’illustration ultime, mettant en scène la mort de l’artiste, ou sa faculté à revivre à travers la création d’un monument funéraire produit spécifiquement pour l’exposition. « C’est le moment des bilans, et on se demande de quoi il a été possible de rire, de quoi on ne peut plus rire, de quoi on va encore pouvoir se moquer afin de trouver de l’intérêt, peut-être à continuer dans cette voie, celle de l’art », souligne Jean-Luc Verna.

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Vue de l’exposition, Jean-Luc Verna, Rétrospective, MAC VAL © Laura Bourdon

Pendant toute sa durée, l’exposition est ponctuée d’événements musicaux, chorégraphiques et cinématographiques ; Jean-Luc Verna livre pour la première fois une performance relevant du champ de l’art contemporain. Présent dans une salle obscure de l’espace d’exposition, l’artiste invite le public à une expérience de rencontre singulière, se proposant d’être le reflet parfait de leur émotion…

Nourrie de symbolisme, d’ésotérisme mais aussi de culture contemporaine, une certaine gravité plane sur l’exposition où les corps à la fois s’exposent et se cachent. Entre velours et faux cuir, inversion des genres, Jean-Luc Verna dévoile une poétique de l’excès volontaire où tristesse, douceur et infinie tendresse se côtoient, qui ne manquera pas de laisser au visiteur une empreinte indélébile.

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