Article proposé par Exponaute
C’est l’histoire incroyable de quelque chose de grand. Au delà des siècles, au delà des frontières, au delà même de la pierre elle-même, l’histoire du jade est avant l’histoire d’une fascination presque naturelle, l’histoire du genre humain face au Beau. Si la question peut sembler vaste, le musée Guimet a bel et bien réussi son pari, en ratissant large tout en visant juste via un voyage captivant à travers les âges et les contrées (asiatiques mais pas seulement). Un minéral comme fil conducteur, des maîtres-artisans, des stars et des empereurs en guise de compagnons, la réunion au sommet des collections du Musée national du Palais de Taipei et de celle du musée chinois du château de Fontainebleau (créé par l’Impératrice Eugénie en 1863)…bienvenue dans une expo qui fera date et que l’on vous conseille passionnément.
Tout commence comme tout a commencé : avant même de faire un pas dans l’exposition on le découvre, on le redécouvre : le jade, ici présent dans sa forme la plus pure, se livre au regard et au toucher des visiteurs. Le voilà, celui qui fascine, celui qu’on façonne, tel que l’ont appréhendé et admiré les hommes de tous les âges.
Il n’a pourtant rien de bling bling, ce jade : trop brut pour être considéré comme une pierre précieuse, loin de la transparence et des jeux de lumière du diamant, on l’utilise pour créer et fabriquer toutes sortes de choses. Des armes (des haches, des épées dès le VIème millénaire avant notre ère), des anneaux, des bijoux et des artefacts qui, dans des régions pourtant très éloignées, étaient utilisés au cours de rituels religieux ou auprès des éminents défunts de leurs différentes communautés. Ainsi commence l’histoire du jade, pierre qui, à défaut d’être littéralement précieuse, a rapidement été traitée comme telle, son travail artisanal difficile rapidement lié à un caractère sacré et à une sagesse qu’il conservera au fil des siècles.
S’il existe plusieurs types et plusieurs couleurs de ce que l’on appelle « jade », sa forme la plus répandue et la plus célèbre restera tout de même cette pierre verdâtre, naturelle, brute et dont se dégage une incroyable modestie. Ainsi voyageons-nous au fil des empereurs, passant des tablettes et des ceintures de jade de la hiérarchie mandarine à la délicatesse du pourtant très austère empereur Yongzheng (qui régna de 1723 à 1735), de l’esthète empereur Qianlong (qui dédia plusieurs poème au jade) à la fameuse dynastie Ming, tous exploitant en masse des gisements de jade pour développer leurs styles propres, avant-gardistes ou archaïsants, qui se succèdent avec une merveilleuse délicatesse au sein de l’exposition.
Evidemment, le jade finira par attiser la curiosité des esthètes occidentaux et des cours royales, prises de passion pour les objets de jade venus de Chine, mais aussi du monde islamique. Mais en France, la figure de proue de la passion du jade n’est pas un empereur : c’est une impératrice, Eugénie, épouse de Napoléon III. Suite au sac du Palais d’été de Pékin, l’une des résidences de l’Empereur chinois, par les troupes françaises et britanniques, Napoléon III reçoit une partie de ses collections, pillées avant que l’on mette le feu au Palais. Dans la veine très éclectique des passions esthétiques de la haute société de l’époque, Eugénie décide d’ouvrir un musée chinois à Fontainebleau en 1863, d’où viennent de nombreuses pièces exposées.
Le voyage s’achève avec grâce sur la fascination de Coco Chanel, de Cartier et de la bijouterie de luxe de la première moitié du XXème siècle, dont le collier constitué de 27 boules de jadéite impériale, serti de platine, d’or, de diamant et de rubis porté par Barbara Hutton est un exemple éblouissant. Pour la première fois en France, le jade nous permet, en une exposition très riche, de parcourir les âges et les pratiques, les modes et les partis pris esthétiques : sans jamais être passé de mode, il aura conquis les plus grands de ce monde et, on en est sûr, des visiteurs d’aujourd’hui.
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