Article proposé par Exponaute

La femme, l’orientalisme, la féérie : redécouvrir Albert Besnard au Petit Palais

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Grâce à une fructueuse collaboration avec le Palais Lumière d’Évian, le Petit Palais met à sa programmation la redécouverte des artistes qui, entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, ont eu une carrière prolifique mais qui ne les empêcha pas de tomber dans l’oubli à leur disparition… Car Albert Besnard est de ceux-là. Né en 1849 et mort en 1934, la production de l’artiste français se montre fluctuante, intense, variée et polymorphe. Peinture, gravure, pastel… Rien n’échappe à la créativité du maître. Redécouvrons ensemble une personnalité aux influences indénombrables, diamétralement opposées mais qui, sous son pinceau, deviennent magistralement complémentaires.
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Albert Besnard, Portrait de Madame Georges Rodenbach © Toulon, Musée d’Art

L’art du portrait

C’est à un mystère pour le moins impénétrable que le Petit  Palais nous introduit à partir du 25 octobre prochain. Comment un peintre de la Belle Époque, couvert de gloire de son vivant (grand prix de Rome en 1874, membre de l’Académie des Beaux-Arts, directeur de l’Académie des Beaux-Arts, décoré de la Légion d’Honneur…), a-t-il pu à ce point être oublié dans les décennies qui ont suivi son décès ? Car Besnard, dès la fin de sa formation et de retour d’un voyage artistique formatif à Londres, devient le portraitiste que le tout-Paris s’arrache, grâce à sa vision sensuelle des femmes, sa touche très précise et son style qui hésite entre la modernité et la beauté idéalisée des Préraphaélites qu’il a eu l’occasion de découvrir lors de son séjour en Albion.

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Albert Besnard, Portrait de Madame Roger Jourdain, 1886 © RMN – Musée d’Orsay

Et ces influences, elles sont véritablement palpables dans le grand portrait en pied qui trône en introduction de l’exposition du Petit Palais, intitulé  Portrait de Madame Roger Jourdain . Une oeuvre, il faut le souligner, admirablement mise en valeur grâce à une scénographie rondement menée, colorée et dotée d’un sens de l’immersion qui rend l’expérience de visite très agréable. Mais lors du Salon de 1886, la toile provoqua une levée de boucliers. En cause ? Ses contrastes de coloris forts et scindés sur le visage du modèle; un parti pris choquant pour ce temps ! Besnard avait pourtant cherché à représenter un souvenir particulier d’une belle dame qui se trouvait entre deux sources de lumières, celles de la flamme d’une bougie et l’autre venant de la clarté froide du jour tombant… Mais cette modernité ne fut pas comprise de ses contemporains, bien que la réputation de l’artiste fût déjà bien établie.

Figures de la Femme

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Albert Besnard, Baigneuse, 1888 © RMN – Musée d’Orsay

Voici probablement l’étape la plus touchante de l’accrochage « Albert Besnard, modernités Belle Époque » au Petit Palais. Nous sommes introduits là dans l’intimité du peintre, lorsque nous découvrons comme dans une alcôve ses visions très personnelles de la figure féminine, entre beautés ensorcelantes et femmes-enfants aux visages magnifiés. D’abord, la galerie des pastels. Des petits formats, aux couleurs vaporeuses, qui semblent flotter sur le papier. Nous admirons des nymphes à la peau d’albâtre, des Aphrodite anadyomènes modernes qui se baignent en se croyant seules, sans se douter qu’elles sont croquées avec passion et sensualité par Albert Besnard. Les couleurs délicates dansent, on croirait que ces teintes apposées par l’artiste caressent le papier davantage qu’elles ne l’ornent.

Puis viennent les nus, les gravures, où l’on découvre un nouvel aspect de la femme selon Besnard. Admirons-nous là une Eve innocente, avant l’épisode du fruit défendu, ou une Lilith tentatrice qui nous entraîne dans une danse obscure ? Les féeries intimes de Besnard s’apparentent parfois à du Romantisme noir, des angoisses à peine dissimulées dans ses œuvres. Les gravures exposées dans ce passage évoquent d’ailleurs avec beaucoup d’éloquence une admiration sans borne pour Francisco de Goya et ses Caprices

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Albert Besnard, Féérie intime, 1901 © Lucie Audouny

Nouveau souffle orientaliste

Si l’orientalisme que nous connaissons tous est un mouvement artistique né au XIXe siècle, l’on connaît un peu moins son pendant moderne, qui éclot vers les années 1905/1910. Peintures aux tons chauds, teintes saturées, costumes éclatants, poses lascives, lumières franches… Les œuvres exposées dans l’étape finale de l’exposition du Petit Palais témoignent d’une curiosité certaine de l’artiste pour les cultures étrangères et d’un œil friand d’explorations de cultures qu’il connaissait mal, mais par lesquelles il était comme fasciné.

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Albert Besnard, Marchands de fruits à Madura, 1888 © RMN – Musée d’Orsay

Au cours de sa vie, le peintre eut l’occasion d’effectuer plusieurs voyages, d’abord en Espagne et au Maroc, puis en Algérie dont il revint les valises pleines de carnets de croquis et les yeux ouverts à de nouvelles couleurs flamboyantes. Mais c’est véritablement en 1910 qu’il effectue un séjour au long-cours qui va créer un avant et un après dans sa production artistique. Le peintre s’est en effet embarqué dans un voyage de sept mois en Inde, au cours duquel il explore Madras, Delhi, Calcutta ou encore Pondichéry. Une manière de clore en apothéose cette belle exposition du Petit Palais, que l’on peut visiter jusqu’au 29 janvier 2017.

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