Article proposé par Exponaute
Fondée en 1919 à Weimar, déplacée en 1925 à Dessau et dissoute en 1933 à Berlin, l’Ecole d’enseignement artistique du Bauhaus s’est imposée comme une référence incontournable de l’histoire de l’art du XXe siècle. Originellement créée par Gropius, l’Ecole du Bauhaus participe à l’éclatement des frontières et des catégories de l’art, jusqu’alors réservé à l’élite aristocratique ; l’art est ici pensé comme une unité, investissant de multiples champs d’expérimentation, brisant le formalisme académique et croisant largement l’art, l’artisanat et l’industrie pour atteindre un but suprême : la collaboration de tous les arts en vue d’un projet commun, celui de la construction.
C’est dans un lieu à priori éloigné des avant-gardes que naît l’Ecole du Bauhaus, à Weimar (Allemagne) en 1919. Dans cette volonté de bousculer les codes, d’apporter de la créativité au quotidien, l’Ecole se veut être un véritable lieu de vie où de jeunes étudiants côtoient les plus grands maîtres, dans une ébullition d’idées, d’échanges et de disputes artistiques. Kandinsky pour la peinture, Marcel Breuer pour le mobilier, Theodor Bogler pour la céramique ou encore Marianne Brandt pour le métal, les cours théologiques portés par l’Ecole du Bauhaus visent à briser les codes académiques et ouvrir l’esprit des élèves ; par-delà une étude théologique de l’Histoire de l’art pure, ces cours préliminaires relèvent davantage d’une étude scientifique des formes, des forces, des matières et des couleurs.
La visite de L’Esprit du Bauhaus témoigne de ces influences qui se mêlent et se répondent, mettant en perspective les travaux préparatoires des élèves auprès de ceux, plus aboutis, de leurs maîtres ; comme le travail sur les couleurs de Kandinsky, envisagé dans une hyper-radicalité. Le premier atelier que l’on visite est celui du tissage, mettant en exergue des tapis géométriques, des patchworks en collage de tissu et l’expérimentation d’infimes détails dénotant d’une inventivité. Le visiteur découvre ensuite l’atelier d’imprimerie, mettant en présence les portfolios que les maîtres du Bauhaus réalisent alors en réponse à des commanditaires, leur permettant de récolter de l’argent. L’Ecole du Bauhaus repense et transforme l’invitation – auparavant formelle – elle devient un document purement artistique, prenant la forme de flyers et de publicité ; jouant des logos et de la typographie. C’est aussi à cette période que va se cristalliser la technique de la photographie, documentaire et expérimentale.
Le visiteur découvre ensuite la période très prolifique du métal, présentant des chandeliers, services à thé, cendriers. C’est la naissance du design ; on sort du Arts & Crafts pur pour faire entrer le métal et l’aluminium dans les objets du quotidien et ainsi entrer dans quelque chose de plus industriel ; le Bauhaus assume l’utilisation d’outils de l’industrie.
Le champ artistique de la peinture est aussi exploré, l’on découvre des peintures sur verre dont certaines sont réalisées sur des tessons de bouteille. Côté ameublement, le Bauhaus va vers la rationalisation du mobilier qu’il simplifie de plus en plus, donnant naissance à des formes radicales ; les chaises, notamment, sont envisagées au croisement de diverses activités : alliant parfaitement la sculpture, la peinture et le design. Avec une vraie approche scientifique, l’idée revient à créer du beau et du fonctionnel. Un design qui influencera par la suite les plus grands créateurs de ce champ artistique, de Prouvé à Le Corbusier.
Le tour des ateliers se termine par le non-moindre atelier du théâtre, animé par Oskar Schlemmer, dont la réputation s’est forgée avec le Ballet Triadique (1922) ; le théâtre du Bauhaus est la discipline où convergent toutes les expérimentations : les décors, les costumes, les danses, toutes témoignent de l’esprit du Bauhaus et forment l’œuvre d’art ultime. L’œuvre est ici totale, chacun participe à la réalisation d’un tout. L’espace traduit aussi l’esprit festif du Bauhaus, malgré le contexte économique difficile. On y découvre les invitations aux fêtes ainsi que des gravures de Kandinsky autour du Cercle des Amis du Bauhaus.
En 1923, le Bauhaus est en pleine ébullition. C’est à ce moment que Gropius organise la première exposition, autour d’une maison témoin, fruit d’un travail collaboratif des différents ateliers de l’école. Faisant face à des difficultés matérielles et politiques, le Bauhaus déménage en 1925 à Dessau, s’installant dans un nouveau bâtiment illustrant à merveille les idéologies défendues par Gropius. La vie, les productions et les fêtes reprennent jusqu’en 1932, année où l’Ecole quitte Dessau pour s’installer à Berlin dans une usine téléphonique désaffectée. C’est Ludwig Mies Van der Rohe qui en reprend la direction, de courte durée, l’école devant être fermée en 1933 suite à l’attaque d’un raid nazi.
C’est aussi à ce moment que va naître, finalement, l’Esprit du Bauhaus ; à travers les esprits de ses membres qui fuient l’Allemagne et se propagent à travers le monde : aux Etats-Unis, en Russie, en Afrique du Sud ou encore au Japon. Ils continuent d’enseigner, on commence à historiciser ce mouvement d’avant-garde ayant imprégné tous les domaines de la création.
La dernière salle de l’exposition consacre l’Héritage, considérable, du Bauhaus, avec une invitation faite à l’artiste Mathieu Mercier, lui-même ayant déjà créé des productions en référence au mouvement Bauhaus. Mathieu Mercier réunit une cinquantaine d’artistes contemporains, plasticiens, designers, stylistes, tous nés après 1960 et dont le travail poursuit l’Esprit du Bauhaus.
Le parcours de l’exposition explore ainsi généreusement l’idée selon laquelle le mouvement Bauhaus, suivant sa théorie de penser l’art comme un tout, réinvente notre quotidien. Dans une approche scientifique à la croisée de l’Arts & Crafts, de l’industriel et du fonctionnel, l’art entre au cœur de nos maisons ; l’iconographie du design apparaît : on repense les objets, les peintures, les luminaires et l’ameublement. Tout devient art, liant l’esthétique au fonctionnel, quittant d’abord le musée pour finalement s’y retrouver, puisque le mouvement Bauhaus inspirera les plus grands créateurs, artisans, plasticiens et designers ; un mouvement aujourd’hui reconnu comme avant-gardiste et précurseur, et qui marque encore aujourd’hui son empreinte tant dans les Arts Décoratifs que le Design, les Arts plastique, l’architecture et l’art de la performance.
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