Article proposé par Exponaute

Immense collection Chtchoukine à la Fondation Louis Vuitton

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Ils sont tous là. Et quand on vous dit tous, c’est vraiment tous. Gauguin, van Gogh, Monet, Renoir, Sisley, Matisse, Cézanne, Picasso, Courbet, Degas, Rodtchenko, Malevitch… Et encore, ce n’est là qu’un petit échantillon des trésors qui vous attendent à partir du 22 octobre prochain au sein de la Fondation Louis Vuitton. Événement culturel d’ampleur internationale, on parle là de l’arrivée de la collection Chtchoukine dans l’Hexagone. Des perles méconnues, un collectionneur avisé, un avant-gardisme certain… Visite d’un accrochage en tous points exceptionnel.
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Paul Gauguin, Aha oé feii, 1892 © Musée Pouchkine, Moscou

Visionnaire, mécène, curieux… C’est tout cela, Serguei Chtchoukine. Un ami des plus grands marchands d’art comme Paul Durand-Ruel ou Ambroise Vollard. Un personnage à la critique aiguisée qui a su s’intéresser aux Impressionnistes, aux Fauves et aux Cubistes alors que le marché de l’art les considérait encore d’un œil quelque peu circonspect.

Le parcours de la Fondation Louis Vuitton met en avant cet ensemble absolument exceptionnel, mais a su brillamment mettre un coup de projecteur aussi bienvenu que nécessaire sur Serguei Chtchoukine lui-même, son caractère, ses amitiés et son flair de façon à ce que l’homme ne se dissipe pas derrière l’immensité de sa collection. Ainsi, tout au fil d’un parcours découpé en quatorze salles différentes, chronologique comme thématique, nous découvrons les goûts de Chtchoukine qui évoluent de concert avec ses rencontres, ses amitiés et ses surprises.

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Vincent van Gogh, Portrait du Dr. Rey, 1889 © Musée Pouchkine, Moscou

Du portrait…

Une attention toute particulière est portée à l’art du portrait (mais aussi de l’autoportrait) en introduction de l’exposition. C’est Cézanne, indéniablement, qui domine cet espace avec un autoportrait de taille modeste, aux teintes sombres, mais qui n’enlèvent en rien l’intensité du regard de l’artiste, qui semble nous épier, sur la réserve, tandis que l’on évolue dans la Fondation Vuitton. Face à lui, on rencontre Derain, Picasso (superbe et lumineux Portrait de Bernet Soler réalisé pendant sa période bleue, en 1903) et Gauguin, un brin moqueur.

Mais c’est surtout une œuvre de Vincent van Gogh qui retient toute notre attention. Discret malgré son cadre en bois doré finement travaillé, se trouve accroché là le Portrait du docteur Rey, ses tons jaunes et verts, ses volutes orangées décorant le fond de la composition. L’œuvre, conservée au Musée Pouchkine de Moscou, est extrêmement touchante lorsque l’on sait que cette huile sur toile est avant tout un cadeau, un signe de reconnaissance.

Vincent van Gogh avait offert ce portrait à ce médecin qui avait pris soin de lui à Arles, après que le peintre se soit mutilé en se tranchant l’oreille. L’atmosphère se dégageant de l’œuvre est étrangement apaisée, sereine, une constatation surprenante lorsque l’on connaît la terrible crise qui se trouve à l’origine de l’idée de produire cette œuvre…

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Claude Monet, Les mouettes et le parlement de Londres, 1904 © Musée Pouchkine, Moscou

…au paysage

Quelques pas plus loin et l’on passe à un registre pictural bien différent de la salle d’introduction. Après les portraits, place en effet au paysage. Chtchoukine s’est révélé au cours de sa vie tout particulièrement attaché à ce genre qu’il plaçait très haut dans la pyramide de ses goûts personnels. Voyageur, le collectionneur n’aimait rien de moins qu’admirer durant de longues heures ou au cours de ses trajets les vastes étendues sauvages qu’il était amené à traverser, consignant dans ses carnets de note les variations de couleurs, les panoramas à couper le souffle et les teintes mouvantes.

Rien d’étonnant alors, à constater la présence d’un grand nombre de paysages dans l’événement de la Fondation Vuitton. Maurice Denis, Paul Signac et Camille Pissaro confrontent leurs styles et leurs visions dans l’exposition (dont la scénographie est, il faut le dire, minimaliste comme pour mieux souligner la grandeur de la collection), mais c’est bien Claude Monet qui tient ici le haut du panier. Une dizaine d’huiles du plus célèbre des Impressionnistes fêtent la Normandie (en particulier Étretat), Giverny et la campagne française dans tous ses aspects bucoliques et sereins.

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Henri Matisse, La desserte (ou La chambre rouge), 1911 © Musée Pouchkine, Moscou

Gauguin et les îles

Mais une des salles les plus émouvantes de l’exposition demeure sans conteste celle dédiée au peintre Paul Gauguin. En l’espace de six ans (de 1904 à 1910), Serguei Chtchoukine fait l’achat de seize toiles de l’artiste français, mais à notre grand désarroi, seulement onze d’entre elles peuvent être admirées à la Fondation Vuitton. Un goût pour l’orientalisme, le primitivisme peut-être, ou simplement pour des scènes extra-européennes qui font voyager le spectateur loin, bien loin, puisque les peintures réalisées par Gauguin accrochées dans cette étape se concentrent toutes sur sa période tahitienne, probablement la plus prolifique et la plus saluée dans l’Histoire de l’art.

Chaleur, volupté, lascivité et sensualité se dégagent de ces œuvres aux couleurs chatoyantes, aux formes vaporeuses, célébrant comme jamais la beauté féminine. Sur chaque toile, on notera la présence de petits animaux : chats, chiens, oiseaux disent le foisonnement de la vie. Il faut rester de longues minutes devant le tableau intitulé Aha oé feii (Eh quoi, tu es jalouse ?) représentant deux femmes se reposant au soleil. Le sable de Tahiti n’est plus simplement fin et blanc, mais revêt une délicieuse teinte rosée, tandis que les couronnes de fleurs blanches dans les cheveux des jeunes filles ajoutent des touches éclatantes, radieuses, dans une composition qui célèbre une existence douce, vouée à la simplicité et au repos.

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Claude Monet, Le déjeuner sur l’herbe, 1866 © Musée Pouchkine, Moscou

Mais on pourrait vous parler encore de nombreuses autres étapes qui jalonnent cette très longue exposition (quatorze salles, nous l’avons souligné plus tôt). La figure de la femme chez Degas et Carrière, la grande amitié qui lia Chtchoukine et Matisse, l’importance des natures mortes… Nous ne pouvons vous conseiller qu’une seule chose : courez découvrir cet incroyable accrochage à la Fondation Louis Vuitton, c’est jusqu’au 20 février 2017…

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