Article proposé par Exponaute

Au Louvre, Edme Bouchardon ou la quête du beau

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Le XVIIIe siècle n’a décidément pas fini de nous surprendre. Organisée en partenariat avec le Getty Museum, la nouvelle exposition du Louvre consacrée à Edme Bouchardon, est la première d’une telle envergure. Et c’est là un hommage appuyé, tant par le très grand nombre d’œuvres exposées que par la qualité scénographique. Mais il fallait probablement cela pour tirer un grand coup de chapeau à un artiste, dessinateur virtuose et sculpteur admirable, qui fut cité dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert comme une référence absolue en matière de dessin. Et le titre de l’accrochage du Louvre ne nous trompe pas. C’est, en effet, très beau.
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Edme Bouchardon, Enfant couché sur le dos, les bras levés © The Horvitz Collection

Il y en a partout. Magnifiquement encadrés dans des châsses de bois doré, ornant les feuillets jaunis d’un carnet de croquis, présentés bien protégés des affres du temps par d’épaisses plaques de verre. Des dessins principalement réalisés à la sanguine, réalisés par Edme Bouchardon (1698–1762), ce fils d’architecte sculpteur né à la toute fin d’un siècle. Le talent du créateur était polymorphe, puisqu’il pratiqua avec un talent immense la sculpture sur marbre ; sa maestria était telle que ses contemporains, ne craignant nullement l’emphase, n’hésitèrent pas à le surnommer « Le nouveau Phidias ».

En matière de dessin, on le comparait à Girardon et Puget. Et il faut les détailler, ces sanguines merveilleuses, ces pierres noires virtuoses. Sa Tête de jeune garçon paraît se mouvoir, se tourner lentement en direction de nos yeux ébahis, tandis qu’une légère brise paraît agiter sa fine chevelure, exécutée trait pour trait, mèche par mèche aérienne et superbe.

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Edme Bouchardon, Deux études partielles d’une tête de cheval © RMN – Grand Palais, Musée du Louvre

Antiquité et néo-classicisme

Un peu plus loin, c’est un nu couché à la musculature saillante, veines proéminentes et expression grave, qui s’offre à nouveau au spectateur, vivant sur le papier, d’un détail à couper le souffle. On reste pantois face au volume que la main de Bouchardon parvient à conférer aux lumières et aux ombres et ce d’un art léger, sans surcharger ses œuvres en traits, alors que la tentation est forte d’apporter beaucoup de lignes. Il y a juste ce qu’il faut, les croquis respirent. Le talent est là, si éclatant.

Mais nous l’avons dit, Edme Bouchardon était aussi sculpteur. Son ciseau, d’une minutie fascinante et d’une créativité étonnante, ne tarda pas à lui apporter la renommée tant méritée. Il faut dire que sa formation fut très riche : instruit à l’Académie royale de peinture et de sculpture à Paris, il fit ensuite un court, mais très remarqué, séjour du côté de l’Académie de France ; dans la Rome éternelle. Il eut même l’honneur de présenter plusieurs de ses projets de sculpture au Pape, avant de se voir élu à la prestigieuse Académie de Saint-Luc.

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Edme Bouchardon, Tête de jeune garçon © National Gallery of Art, Washington

Une vie de succès

Et ce sont d’ailleurs ses succès en chaîne qui attirèrent sur lui l’attention du directeur des bâtiments du roi. Honneur suprême, en 1735, Bouchardon est nommé sculpteur officiel du souverain Louis XV.  Son Faune endormi trône en bonne place en entrée d’exposition, autour duquel on peut tourner librement, pour découvrir le travail phénoménal de l’artiste.

Les bras se tendent, les muscles apparaissent bandés à travers la peau, mais le plus frappant est sans conteste son visage. Des traits qui semblent plongés dans un songe douloureux, un cauchemar peut-être, révélant que Bouchardon hésite entre les enseignements stricts de sa formation académique et les sirènes du néo-classicisme. Mais cette statue-là n’est qu’un avant-goût, puisque nombre d’autres sculptures jalonnent le parcours.

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Edme Bouchardon, Faune Barberini, © Musée du Louvre / Raphaël Chipault

De la sanguine au marbre

Que les réalisations soient des bustes de marbre, des allégories de la nature en terre cuite ou des angelots replets en plâtre, la scénographie a eu la bonne idée de disposer côte à côte les premiers jets, l’œuvre finale, mais également les esquisses préparatoires. Car Bouchardon travaillait ardemment à la préparation en amont de ses statues.
Dans d’indénombrables feuillets, il réalisait des croquis de chaque détail, des esquisses des mains, des articulations ou des visages. Majoritairement là encore à la sanguine, mais parfois aussi à la pierre noire. En fin de parcours, on notera la présence de dessins de grandes tailles : plusieurs études d’une tête de cheval. Naseaux, mâchoires, mors, joue, licol… Le talent ahurissant d’Edme Bouchardon ne s’applique donc pas qu’au seul humain. Les études ont été réalisées à l’occasion de l’exécution de la sculpture équestre de Louis XV.

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Edme Bouchardon, Faune endormi (détail) © Musée du Louvre – Yvan Lemeur

La richesse de l’exposition est absolument éblouissante, et le talent de l’artiste mis en avant par le Louvre est à découvrir sans conteste. On regrettera peut-être quelques choix de coloris hasardeux dans la scénographie, mais ce qu’est là qu’un infime détail, tant on peut découvrir dans l’accrochage un talent aussi pur que rare.

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