Article proposé par Exponaute
En 2014, l’Italie avait reçu un ultimatum de la part de la réunion du Comité de l’Unesco (qui s’était alors tenue à Doha, la capitale du Qatar) : le pays avait jusqu’à 2016 pour s’occuper sérieusement de plusieurs dangers et menaces pesant sur la ville de Venise et sa lagune. Limiter le passage de vastes paquebots de croisière, annuler la construction de nouvelles infrastructures et limiter la navigation dans les canaux faisait partie des propositions (pressantes) de l’Unesco afin de tenter de préserver au mieux Venise qui, victime de son succès, subit d’importantes dégradations.
La lagune, espace par nature très fragile, souffre des passages incessants de bateaux motorisés, mais subit également de plein fouet les vagues de touristes qui chaque année déferlent sur la cité séculaire sans que le gouvernement local ne cherche à réguler ces arrivées et départs incessants.
Un an après l’avertissement, en octobre 2015, l’ICOMOS (Conseil International sur les Monuments et les Sites) envoya une mission d’observation en lien avec l’Unesco pour vérifier si des décisions efficaces avaient été prises par les dirigeants de Venise. Rentrés bredouilles, les observateurs purent seulement rapporter qu’absolument aucune action significative n’avait été amorcée pour enrayer les dangers menaçant ce site inestimable.
Pire : le conseil de la ville aurait tenté d’empêcher les enquêteurs d’aller à la rencontre des représentants en charge de monuments historiques, qui ces dernières années, se sont montrés particulièrement actifs dans la prévention sur l’état préoccupant de certains bâtiments emblématiques de la Cité des Doge et sur le fait que Venise se viderait peu à peu de ses habitants, échaudés par le flux touristique incontrôlé.
Or, on comprend bien que l’ajout de Venise à la liste dressée par l’Unesco des sites en danger serait des plus embarrassants pour le gouvernement italien, qui use (et abuse ?) de la richesse de son patrimoine pour attirer autant la manne financière que représente le tourisme que les investisseurs de tous bois. Les enquêteurs de l’Unesco seraient-ils en passe de devenir persona non grata sur la Lagune ?
Toujours est-il que l’ICOMOS, comme l’exige la procédure, a dans un premier temps envoyé son rapport alarmant à la principale intéressée : la ville de Venise afin qu’elle puisse prendre connaissance des observations réalisées sur place. Venise était alors libre d’y ajouter des commentaires, avant que le document final ne soit transmis au Comité de l’Unesco devant se réunir en Turquie à l’été 2016. On vous le donne en mille : Venise a savamment enterré le rapport dans des montagnes de paperasse, limitant les chances du Comité de placer la ville sur la liste des sites menacés. Venise a donc gagné un an de répit et n’est même pas apparue dans la liste des sujets à débattre lors de la réunion en Turquie, en juin dernier.
Et pourtant, les projets futurs portés par la ville de Venise ont de quoi inquiéter : création d’une nouvelle voie navigable pour les bateaux de croisière, extension de canaux déjà existant, agrandissement de l’aéroport, transformation de plusieurs bâtiments pour l’accueil de touristes, refus de légiférer sur la taille des tankers et paquebots qui passent à proximité de la ville… Dans tous les cas, les observateurs rapportent que les conséquences sur la Cité des Doges seraient désastreuses.
Non seulement le site perdrait en authenticité, mais la lagune se trouverait considérablement fragilisée. Pourtant, ni le Ministère de la Culture, ni le Ministère de l’Environnement, ni la gestion portuaire ne semblent vouloir se décider à prendre des mesures drastiques pour assurer aux générations futures de pouvoir visiter à Venise dans un siècle ou deux.
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