Article proposé par Exponaute

Raffinement, érotisme, inaccessibilité : la femme dans l’estampe japonaise, au musée Guimet

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Après nous avoir fait rêver avec deux précédents accrochages sur la peinture coréenne et la calligraphie japonaise contemporaine, le Musée des Arts Asiatiques – Guimet ouvre « Miroir du désir : images de femmes dans l’estampe japonaise » sa nouvelle exposition événement. Grâce à l’accrochage d’un riche ensemble d’estampes japonaises, l’institution parisienne entend explorer l’image de la femme japonaise, toute en contrastes et en flottements, ainsi que les relations qui les lient aussi bien entre elles qu’aux hommes. L’exposition, d’une beauté époustouflante, est à admirer jusqu’au 10 octobre prochain.
Crépuscule sur la rivière Sumida

Shunsho Katsukawa © Paris, musée Guimet – musée national des Arts asiatiques

Pendant trois mois au Musée Guimet, l’atmosphère sera au flottement, à la délicatesse et aux couleurs pâles légèrement fanées par le temps et leur support de papier de riz. La nouvelle exposition de l’institution dédiée aux arts asiatiques permet à cette dernière d’exhumer de son impressionnant fonds un grand nombre d’estampes japonaises, toutes datant de la période Edo (1603–1868).

C’est en effet durant cette époque qui correspond à une ère de paix, de stabilité politique et de prospérité économique, que le mouvement artistique dit de l’ukiyo-e se développe sur l’archipel. La classe bourgeoise, raffinée et amatrice d’art, joue un rôle essentiel dans l’essor de cette pratique artistique. Et logiquement elle y insuffle ses goûts et centres d’intérêt : les courtisanes (oiran), les dames de compagnie (geisha), le théâtre kabuki et bien sûr… les fameuses shunge, ou représentations de scènes érotiques très prisées au XIXe siècle.

Véritable reflet de son époque florissante (l’ère Edo est souvent considérée comme un âge d’or dans la longue histoire du Japon), l’estampe japonaise s’entend comme une peinture des mœurs des sociétés qui naquirent et périclitèrent au cours de ses 265 ans d’existence.

Jeune femme prenant le frais sur une véranda

Kitagawa Utamaro © Paris, musée Guimet – musée national des Arts asiatiques

Et Guimet a décidé cet été de se concentrer sur un élément en particulier, omniprésent dans l’estampe et l’ukiyo-e : la femme. L’accrochage, qui s’étend dans la grande salle d’exposition ronde du deuxième étage du musée, s’entend comme une flânerie à travers deux siècles et demi de création artistique, et qui aborde le rôle de la femme dans toute sa complexité et ses variantes ; des classes sociales les plus aisées de l’aristocratie dominante aux modestes pêcheuses de coquillage (appelées ama) sur les côtes du pays du Soleil Levant.

Le parcours bien sûr, ne pouvait ignorer l’étape des estampes érotiques. D’ailleurs, dans l’imaginaire populaire, le terme même d’estampe est très souvent inextricablement lié à l’érotisme, voire à la pornographie. Mais ces images, loin de se contenter de livrer une représentation sans fard de l’acte sexuel, revêt un  tout autre caractère.

Il faut en effet garder à l’esprit que le monde japonais n’a pas du tout le même rapport au corps que celui de la culture occidentale et sa tendance à la sexualisation à outrance des appâts féminins. Les estampes érotiques peuvent ainsi révéler beaucoup d’humour, de naïveté et de tendresse, là où l’œil occidental n’y verrait qu’une simple image pornographique. Quelques pas plus loin, et le visiteur peut découvrir de subtiles représentations des quartiers des plaisirs de la ville d’Edo (devenue depuis… Tokyo, capitale du Japon).

Les pêcheuses d'Abalones

Kitagawa Utamaro © Paris, musée Guimet – musée national des Arts asiatiques

Cette étape est l’occasion pour Guimet de tordre le cou à quelques idées ayant la vie dure : établir une distinction entre une maiko (apprentie geisha), une geisha (dame de compagne de luxe formée aux arts et aux lettres) et une oiran (prostituées de haut-rang, mais dont les services sexuels n’étaient pas systématiques). Toutes trois ont cependant en commun d’avoir été l’objet d’un désir violent de la part des hommes de leur temps, puisqu’elles nourrissaient par leur raffinement confinant au sublime et leur inaccessibilité l’envie et le souhait de possession.

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